Les Dépêches de Brazzaville



G5 Sahel : un sommet pour peaufiner les stratégies


Le président français Emmanuel Macron a effectué le déplacement de Nouakchott afin de participer à ce sommet. C’est le premier déplacement hors d’Europe pour Emmanuel Macron depuis la crise de la covid-19, un « signe supplémentaire de solidarité », selon l’Élysée. Au cours de ces assises, on note outre les dirigeants du G5, la présence de Moussa Faki Mahamat, pour l’Union africaine, Louise Mushikiwabo, pour l’OIF, et du Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez. Les discussions seront ensuite élargies en visio-conférence aux dirigeants italien et allemand. Une occasion de faire le point sur la stratégie engagée, il y a près de six mois, lors de la dernière réunion à Pau, dans le sud-ouest de la France. Un semestre qui, du point de vue français, a été propice pour l’opération Barkhane.

En janvier dernier à Pau, l’ambiance n’était pas à l’optimisme après plusieurs mois de difficultés sur le terrain. En dépit de cette atmosphère, des priorités ont été définies contre l’Etat islamique au grand Sahara  opérant dans la zone des « trois frontières », notamment au Mali, Niger et Burkina Faso. Six mois plus tard, même si les acquis sont « fragiles », la France et ses partenaires tablent sur une « possible victoire » au Sahel.

Barkhane multiplie les opérations

Renforcée par cinq cents hommes, la force Barkhane a multiplié les opérations et modifié son mode d’action. Pour déloger les groupes terroristes, il a été décidé qu’il y aurait désormais moins de patrouilles composées de convois lourds et lents - cibles des mines artisanales - mais plutôt une présence en permanence. Le sommet de Pau avait acté une meilleure coordination entre Barkhane et les armées nationales. Un engagement extrêmement risqué.

Après des mois d'efforts, les résultats sont là, assure l'état-major qui indique que ces derniers mois, plusieurs centaines de terroristes ont été neutralisés dont des chefs de premier plan, à l'instar d'Abdelmalek Droukdel, le chef d'Aqmi, tué le 3 juin. Dans la zone des « trois frontières », l'étau sur les forces locales s'est peu à peu desserré. Le principe d'incertitude « s'est inversé », se réjouissent les responsables des opérations, soulignant que désormais, la force Barkhane et ses alliés étaient devenus imprévisibles pour les groupes armés terroristes. Désormais, Paris veut également une « consolidation » des gains militaires via des avancées concrètes sur l’autonomie des armées nationales, sur le redéploiement des États dans les zones instables et sur la concrétisation de projets ciblés de développement.

De nombreux défis à relever

La Minusma et les ONG de défense des droits de l’homme documentent, par centaines, les exactions extrajudiciaires au mali, Niger et Burkina Faso. En réponse, Paris donne la priorité aux opérations conjointes afin d’éviter les actions autonomes d’armées nationales, toujours décrites comme « fragiles », et espère une implication européenne croissante dans la formation et le déploiement de magistrats pour permettre des suites pénales.

Sur le volet développement, la coalition pour le Sahel, lancée à Pau, doit soutenir des projets plus ciblés, plus visibles et plus efficaces. Au plan politique, avec la crise au Mali, la mise en œuvre des accords d’Alger est à l’arrêt, tandis que le Burkina entre dans un cycle électoral qui laisse craindre, là-aussi, un « flottement » qui inquiète Paris. Autre défi, celui de la mobilisation de la communauté internationale. Sur le volet militaire, l’opération européenne Takuba manque encore de partenaires.

Ismael ould cheikh Ahmed, le ministre mauritanien des Affaires étrangères et président du Conseil des ministres du G5 Sahel, dresse les nombreux enjeux qui sont traités au sommet : terrorisme et sécuritaire bien sûr, qui va de pair avec « les questions de développement et la lutte contre la pauvreté », la covid-19, qui « perturbe ces économies déjà très fragiles ». «Les présidents du G5 ont fait un appel à une annulation pure et simple de la dette africaine, et de celle en particulier du G5. Mais je pense qu'au-delà de l'annulation de la dette, nous avons besoin d'argent frais.»


Josiane Mambou Loukoula