Les Dépêches de Brazzaville



Gouvernance : dix-huit plans de développement expérimentés en 60 ans


La diversification de l’économie nationale constitue l’un des trois axes prioritaires du PND 2018-2022 approuvé fin août 2018 par le Parlement. Il s’agit d’investir au cours de cette période dans l’agriculture, le tourisme et l’industrie. Le mécanisme de financement repose sur les ressources externes et domestiques, grâce à l’intermédiation financière régionale ; la préservation des infrastructures existantes, leur rentabilité ; et surtout à l’amélioration du climat des affaires.

L’autre axe prioritaire de la feuille de route est celui de la réforme de l’enseignement de base ; secondaire ; supérieur ; l’enseignement technique, professionnel et la formation qualifiante ; la recherche scientifique et les nouvelles technologies. L’exécutif entend pallier l’inadéquation entre la formation et l’emploi, en valorisant le secteur des métiers techniques. Cette approche permettrait de renouveler le capital humain et compenser la faible qualification de la population.

Pour s’assurer de la mise en œuvre de ce plan quinquennal, s’inspirant aussi des contre-performances du précédent PND 2012-2016, le Parlement a introduit la question de gouvernance comme troisième axe prioritaire. La ministre de tutelle, Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas, s’est montrée plus rassurante sur ce point. « Ce PND est un dispositif supplémentaire de bonne gouvernance économique, sociale et environnementale au service de l’action gouvernementale (…) Il dispose d’indicateurs de suivi et d’évaluation des progrès réalisés », a-t- elle estimé, sans compter la survenance de la pandémie du coronavirus.

Les limites du mode de gestion centralisée

Au moins quatorze plans de développement ont été exécutés dans une approche centralisée, dont six plans quinquennaux, deux plans quadriennaux, deux plans triennaux, deux plans biennaux et deux plans annuels. Parmi ces plans figurent le PND 2012-2016 ; les Documents stratégiques de réduction de la pauvreté (DSRP 2004-2007) et (DSRP 2007-2010), axés sur la consolidation de la paix, de la sécurité et de la gouvernance ; la promotion d’une croissance durable et équitable... Dans les DSRP 1 et 2 financés par le Fonds monétaire international (FMI), seulement 5% d’investissement ont été réalisés dans l’agriculture, 1% dans l’industrie, 13% dans la santé et l’éducation.  

Même s’il a été exécuté à 100%, le programme intérimaire post-conflit (PIPC 1997-2003), destiné au réaménagement du territoire, a accordé peu de place aux secteurs productifs. Financé à 75% par l’aide internationale et à 25% par les fonds propres du Congo, le PIPC a réservé 38,7% des investissements prévus dans les infrastructures de base, 18,6% dans le secteur social, seulement 3,7% dans l’agriculture, 2,7% dans l’industrie, 1,7% dans l’éducation et 27% dans les autres secteurs. Ce sont ces résultats qui ont permis au gouvernement congolais de négocier les deux DSRP avec le FMI.

Entre 1987-1998, le Congo était soumis aux plans d’ajustement structurels destinés à favoriser le passage de l’économie socialiste vers l’économie libérale. Les mauvais résultats de l’un de ces plans structurels, appelé le programme d’action de relance économique et sociale (PARESO 1994-1998), financé à hauteur de 158 millions de dollars, ont été, en partie, à l’origine des crises sociales.

Quelques années auparavant, le Congo s’était doté d’un plan quinquennal 1982-1986 visant à dynamiser l’économie nationale, pour un montant de 1180 milliards FCFA d’investissements. Il y a eu le programme triennal (1975-1977) financé à hauteur de 75,47 milliards de FCFA, grâce à l’argent du pétrole et de la potasse. Exécuté à 98% et doté d’un budget de 63,4 milliards FCFA, le plan quinquennal (1963-1968) a été un succès, à en croire les experts. Il a accordé 36% d’investissement à l’infrastructure de base, 28% au secteur productif, 4% au secteur social, 9% à l’éducation et 23% aux autres secteurs. Ce succès n’a pas permis d’éviter des violences politiques qui se sont soldées par le réajustement de la Révolution du 31 juillet 1968.

Le plan 1961-1963 fondé sur des indicateurs de performance  

Le jeune État a hérité cette approche de la colonisation française, qu’il a expérimentée dans son premier plan triennal (1961-1963). Celui-ci a bénéficié d’un budget d’investissement de 38 milliards FCFA, financé à 55,3% par l’exploitation du manganèse du Congo et à 44,7% par les emprunts. Ce plan a été mis en œuvre selon l’approche indicative, fondée sur la gestion décentralisée de l’économie dans une optique libérale. Un système d’indicateurs permettait à cet effet de mesurer la performance, afin d’évaluer les éventuels écarts entre les réalisations et les prévisions.

Les infrastructures de base représentaient 29% du total des investissements, le secteur primaire 22%, le secteur social 21%, l’urbanisme 17% et 11% pour les études et l’organisation. Le déficit budgétaire cumulé entre 1960 et 1963, s’élevant à 2,4 milliards FCFA, a mis en péril ce plan et conduit le gouvernement à augmenter la pression fiscale de 17% du Produit intérieur brut à 26% en 1963. Ces mesures d’austérité édictées par les autorités de l’époque ont provoqué des révoltes syndicales, les 13, 14 et 15 août 1963.


Fiacre Kombo

Légendes et crédits photo : 

Le rond-point Poto-Poto, 3e arrond.de la capitale/DR