Les Dépêches de Brazzaville



Hommage : l’aéro-club de la ville océane endeuillé


Le ciel s’est assombri au-dessus de l’aéroclub de Pointe Noire.  Le jeudi 6 août, à quelques milliers de kilomètres de la ville océane, dans le département français des Alpes de Provence, Jean Marie Dufossez et Jean François Igougne décollent de Fréjus en ULM [Aéronef ultra léger motorisé] à destination du « Mas des Grailles », là où un ami, pilote lui aussi, à aménager une piste d’atterrissage. Ce sera le dernier vol pour Jean-Marie et Jean-François, victimes d’un dramatique crash au moment d’atterrir, un vol qui les conduira au royaume des cieux.  

Jean-Marie, français et résident de Pointe-Noire depuis 1975, était l’encyclopédie vivante de l’aéroclub de Pointe Noire créé en 1950 et, depuis 28 ans, il en était le président.  Lors d’une interview donnée à BrazzaMag, ce pilote chevronné et passionné d’aéromodélisme expliquait : « Avant l’arrivée des ULM, dans les années 80, le club devait faire face aux réalités économiques, entretenir un avion coûtait très cher. Il fallait une autorisation délivrée chaque année par les autorités congolaises après un check-up dans un centre agréé. Le Congo ne disposant pas de centre, l’aéro-club avait alors le choix entre faire venir des réparateurs agréés de France ou bien s’envoler pour faire contrôler ses appareils à Libreville. Heureusement que l’on a découvert et introduit l’ULM, sinon c’était la fin du club. C’est grâce à un particulier qui s’est abîmé en mer lors d’une sortie en ULM. Il avait réussi à rejoindre la côte et nous avons pu récupérer l’ULM. De retour à l’aéro-club, on l’a remis sur pied et l’association par la même occasion. L’avantage de l’ULM est que nous faisons tout nous-même, de l’assemblage à l’entretien. Et il n’y a pas besoin de licence comme pour l’avion ».

Agé de 75 ans, Jean-Marie venait de célébrer avec son épouse ses noces d’orchidée en juillet dernier. Quarante-neuf années de mariage offrant enfants et petits-enfants à ce couple qui aura également donné naissance à Socoba [Société congolaise de bâtiments].  Très attachée à la ville océane, Bénédicte Froger-Deslis, auteure de romans, dont « La Rue est mon royaume », « Le café de l’Espérance » ou encore « L’obscur des jours », témoigne : « Duffosez. Prononcez ce patronyme... Inévitablement, quelqu'un vous dira qu’il a connu des Dufossez au Congo : Jean-Marie... Sylviane... Arnaud... Christophe..., ou d'autres prénoms fuseront : ceux des belles-filles et des petits-enfants. Rien d'étrange à cela. Les Dufossez sont indissociables du Congo. Jean-Marie, le Patriarche de la tribu, a pris jeudi son envol vers l'éternité. Nul ne pourra oublier son regard bleu empli de bonté et son sourire bienveillant. Combien d'entre nous ont eu un baptême de l'air, des cours ou un lâcher à ses côtés ! Il était là, calme, confiant, et sans appréhension nous nous élancions comme si de toujours nous avions volé ». L’aéro-club de Pointe Noire, qui avait encore en mémoire un crash d'ULM survenu en septembre 2018 à proximité de Pointe Noire, pleure une nouvelle fois une terrible tragédie et la triste disparition de deux membres de cette grande famille, unie au sol comme dans les airs.

 

 

 

 

 


Philippe Edouard

Légendes et crédits photo : 

Jean-Marie Defossez