Les Dépêches de Brazzaville



Interview. Edouard Moukendy : « Je suis décidé à contribuer au développement du Congo »


Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.): Quelles sont les activités que vous développez actuellement au Congo ?

Edouard Moukendy (E.M.) : Nous avons créé et racheté plusieurs sociétés parmi lesquelles une société de construction de logements sociaux et une usine fournie par la société belge Sismo qui va nous permettre de construire jusqu’à cinq mille maisons, en gros œuvre par année pour un prix de dix mille  à quinze mille dollars par maison finie. Le projet est réalisé en partenariat avec des banques congolaises dont la plus réputée en République démocratique du Congo (RDC). Cette dernière accordera des crédits jusqu’à quinze mille dollars et elle a déjà ciblé cent mille clients potentiels à qui elle accordera le crédit pour acheter une maison.

L.C.K. : Qu’est ce qui fait la spécificité de votre entreprise ?

E.M. : Nous nous adaptons à la réalité économique du pays, en tenant compte du pouvoir d’achat réel du Congolais. Nous allons rendre encore plus accessible à la population le prêt bancaire. Nos maisons coûtent entre  dix et quinze mille dollars. Elles sont dotées de deux ou trois chambres. Et nous construisons avec notre propre technologie.

L.C.K. : Quand commencez-vous la construction de ces maisons ?

E.M. : Pour l’installation de l’usine et le début de la production, nous devons compter environ six mois. En effet, pour construire les maisons, nous avons besoin de ciment et de béton, notamment 320 cubes par jour. C’est pour cela que nous investissons dans une centrale à béton. Construire des maisons en béton nécessite de respecter les règles et nous allons travailler en les respectant. L’entreprise belge Sismo nous fournit la nouvelle technologie de construction. Le béton est coulé très vite, nous bénéficions d’un maximum de rendement et les maisons sont bien isolées contre la chaleur. On peut ainsi, juste avec un petit climatiseur, rafraîchir toutes les pièces de la maison. C’est de l’énergie basse. Ce sont des technologies appliquées actuellement en Europe contre le froid et nous le faisons contre la chaleur.

L.C.K.: Ces maisons seront-elles construites à Kinshasa et dans le reste du pays ?

E.M.: Nous allons commencer à Kinshasa, mais nous allons nous développer dans toute la RDC. Nous avons différents types de terrains et cela dépendra également des fonds à notre disposition. Il nous faudra aussi des partenaires, créer une autre ville et d’autres infrastructures. Le plus grand problème restera celui de l’eau et de l’électricité mais une solution est déjà trouvée avec des partenaires qui viendront placer des panneaux solaires et effectuer des forages pour la desserte d’eau. Donc, une partie du problème est déjà réglée bien que les études continuent sur les autres options. La seule chose qui restera, et que nous ne pouvons pas réaliser pour le moment, c’est la construction des routes. Pour cela, nous allons débuter les constructions au niveau des grands axes pour ne pas être trop éloignés des routes. C’est un projet de dix, quinze, voire vingt ans. Mais d’ici à fin 2018, nous aurons déjà construit plusieurs logements. Les fonds sont déjà prêts.

L.C.K. : Quels sont les autres projets que vous développez en RDC ?

E.M. : Nous en avons dans le domaine de l’agriculture car nous devons commencer à produire localement les produits de première consommation, au lieu de les importer. Nous sommes trop concentrés sur les richesses minières alors que le secteur agricole dispose d’un grand potentiel. C’est un secteur qui peut créer beaucoup d’emplois. Au Congo, nous avons tout. Mais le problème se situe au niveau des infrastructures.  L’agriculture, par exemple, se développera grâce aux infrastructures. Les routes sont importantes et nous devons trouver des partenaires afin de développer les infrastructures. C’est primordial. Je suis décidé à contribuer au développement du Congo.

L.C.K. : Comptez-vous également soutenir de jeunes entrepreneurs qui ont de belles idées mais manquent de moyens ?

E.M. : Je le fais déjà, d’ailleurs mon équipe en est constituée. Avec une grande personnalité africaine, nous sommes en train de mettre en place une structure soutenue par l’Union africaine qui permettra d’assister les personnes de la diaspora qui souhaitent rentrer travailler pour le développement de leur pays d’origine. Les Africains doivent pouvoir aussi prendre au sérieux les jeunes entrepreneurs et pas seulement les entrepreneurs déjà bien confirmés. Par exemple, au Congo, pour faire des affaires, c’est très facile quand tu bénéficies de l’appui du pouvoir en place. Il n’y a pas beaucoup de concurrence et on se retrouve en situation de monopole. C’est pour cela que peu d’hommes d’affaires émergent.Il est temps que l’Afrique prenne réellement conscience de son pouvoir et de sa richesse. Nous n’avons rien à envier à l’Occident. Nous sommes le continent le plus riche, nous sommes naturellement les plus riches, nous avons les réserves d’or, des matières premières qu’on ne trouve nulle part ailleurs. C’est normalement nous qui devrions détenir les plus grandes banques. Notre monnaie ne vaut rien, cela n’est pas normal, je milite pour l’éveil de cette conscience.

L.C.K. : Comment peut-on investir au Congo sans être influencé par la politique ?

E.M.: Je ne suis pas un politicien. Néanmoins, il est vrai que pour réaliser de grands projets, il faut souvent avoir le bras long, mais cela n’est pas une généralité. Et c’est à l’homme d’affaires qui a le pouvoir d’influencer l’économie du pays d’avoir une conscience morale et de travailler pour l’émergence. Il faut aussi, quand même, avoir le courage de mettre en place ses projets, même commencer petit et grandir. En Afrique, le vrai problème pour démarrer une société est le manque d’argent, le financement. Les banques n’accordent pas facilement de crédits. Au Congo, on ne sait pas non plus à quelles entreprises le Fonds de promotion de l’industrie accorde des crédits. Combien de sociétés ce fonds a-t-il aidées et qui sont florissantes aujourd’hui ? C’est une question à poser.

L.C.K. : Vous avez également des projets dans le secteur de la santé…

E.M.:Oui. Nous avons un projet de chirurgie cardiaque pour adultes au Congo. A cet effet, nous avons effectué une visite de l’hôpital Ngaliema qui dispose de deux salles d’opération ultra modernes pour la chirurgie cardiaque. Mais beaucoup d'opérations n'ont pas été réalisées. Nous avons discuté avec les responsables de l’hôpital et ils sont ouverts pour un partenariat. L’hôpital mettrait à notre disposition les salles d’opération et nous mettrons à disposition toute l’équipe (chirurgiens, anesthésistes, etc.) pour venir réaliser des interventions au Congo pour les adultes. Les malades ne seront donc plus obligés de se rendre à l’étranger, avec tout ce que cela comporte comme procédures, notamment en matière de visa. Ils pourront se faire opérer à Kinshasa avec des médecins compétents, les mêmes qui auraient pu s’occuper d’eux s’ils étaient partis se soigner à l’étranger. Cela entraîne ainsi une réduction des coûts pour les familles des malades. C’est ce que nous faisons déjà au Cameroun. Nous travaillons avec les meilleurs chirurgiens du monde.

L.C.K.: Etes-vous également présents dans le secteur minier ?

E.M. : Nous avons des partenaires qui seront intéressés par le redémarrage de la Miba. Il faudrait réhabiliter ses concessions ainsi que les maisons qui ont été spoliées. Avec une volonté politique, la Miba peut être relancée. J’ai des investisseurs qui sont prêts pour cela. Si le gouvernement nous donne le feu vert pour ce projet, dans une année, cette entreprise sera de nouveau très productive.

 


Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photo1 Edouard Moukendy Photo2 Edouard Moukendy en séance de travail