Les Dépêches de Brazzaville



Interview. Ma Fulin : « Il faut une réflexion profonde sur la manière d’optimiser notre coopération »


Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.): Vous venez de prendre vos fonctions en tant qu’ambassadeur de Chine au Congo, quelle est votre feuille de route ?

Ma Fulin (M.F.) : Comme tout le monde le sait, les relations entre la Chine et le Congo datent de plus d’un demi-siècle. Ces dernières années, elles s’approfondissent et s’élargissent. Lors de sa dernière visite en Chine, le président Denis Sassou N’Guesso et son homologue chinois, Xi Jinping, ont décidé de porter nos relations au rang de partenariat stratégique global. C’est un nouveau point de départ.
Je suis ravi de travailler au Congo, un pays ouvert et stable. Le travail des ambassadeurs est comme une course de relais, les nouveaux prennent la relève des anciens. Il s’agit de continuer sur la bonne base de mon prédécesseur, de pousser encore plus loin nos relations d’amitié, surtout de renforcer la confiance politique entre les deux pays, de promouvoir davantage les liens entre les deux peuples afin de bâtir ensemble nos projets. Nous devons faire face à de nouvelles difficultés, de nouveaux défis. Je vais faire en sorte que notre partenariat bilatéral passe du quantitatif au qualitatif. C’est ma tâche principale.

L.D.B.: Vous avez pris part à l’inauguration du siège de la Banque sino-congolaise pour l’Afrique (BSCA Bank). Quel peut être selon vous l'apport de cette institution financière dans l’affermissement des liens entre la Chine et les pays africains, en général, et le Congo, en particulier ?

M.F. : En 2015, les parties congolaise et chinoise ont signé un accord pour la création de la BSCA Bank. L’année suivante, cette banque a ouvert ses portes à Brazzaville et en 2017 à Pointe-Noire. La BSCA Bank joue un rôle important dans le développement socioéconomique du Congo et dans le renforcement de la coopération entre nos deux pays. Cette banque permettra au Congo de mieux se positionner sur le plan financier en Afrique centrale et  va étendre ses activités dans les pays appartenant à d’autres régions du continent. La BSCA Bank a formé beaucoup de cadres congolais dans le domaine financier, elle offre des crédits et peut être considérée comme un nouvel outil économique du Congo. Cette banque jouera un rôle important surtout dans nos relations, en encourageant les opérateurs chinois à investir plus au Congo. Je suis convaincu qu'elle va contribuer au développement de ce pays et à la bonne tenue de nos relations.

L.D.B .: Quels sont les projets prioritaires de la coopération sino-congolaise que vous souhaiteriez soutenir pendant votre mandat ?

M.F. : Le partenariat stratégique global entre la Chine et le Congo a un sens très large. Il concerne non seulement le secteur socio-économique mais aussi tous les autres domaines. Concernant le secteur économique qui est très important dans notre coopération, nous avons beaucoup de projets, certains sont en cours de réalisation, d’autres sont déjà achevés. Tous ces projets sont importants.
Vous savez que le président Xi Jinping a lancé un projet international « Une ceinture et une route » qui permettra l’unification des pays du monde. Le monde devient de plus en plus petit, aucun pays ne peut évoluer ou se développer tout seul. Il s’agit pour la Chine, avec ses partenaires, de développer ensemble les intérêts de nos pays ; surtout avec la conjoncture actuelle, pour le cas du Congo qui se trouve dans des difficultés financières à cause de sa dette. C’est un problème qui surgit dans le processus de développement de tous les Etats. Mais, il faut y faire face. Pour moi, il faut changer la méthode de coopération car, pendant que le prix du baril de pétrole était élevé, le Congo a passé un moment d’euphorie et maintenant, nous devons passer à une nouvelle phase. Il en est de même pour la coopération, il faut une réflexion profonde sur la manière de l'optimiser car elle possède déjà une bonne base, avec des effets durables.
Quoi qu’il arrive, nos liens d’amitié resteront toujours. Il ne s’agit pas d’une marche en arrière, parce que nous avons un seul sens, celui d’aller en avant mais pour chaque côté, il y a un travail à faire. C’est ce qu’on appelle la continuité dans le changement. Donc, pour moi, la continuation est la chose la plus importante. Il faut toujours avancer. Avec le sommet des chefs d’Etat de Chine et d’Afrique de cette année, les deux côtés seront ensemble pour discuter des mesures concrètes à prendre pour la prochaine étape de notre coopération.
Bientôt, la Chine enverra une délégation de haut niveau au Congo. On va donc en profiter pour voir comment nos deux pays peuvent continuer de travailler ensemble. Notre coopération a plusieurs formes: l’assistance gouvernementale, les projets sous forme de dons, les prêts concessionnels. Nous pouvons profiter de ces fonds pour faire beaucoup de choses, surtout dans le domaine social.
Notre coopération est aussi fondée sur la culture, l’éducation, la santé et la presse. Mais, le problème le plus important reste le développement et la paix. Donc, la paix et la stabilité constituent le fondement pour un développement durable d’un pays. Voilà pourquoi nous travaillons ensemble dans ces domaines. Il est également important de noter la diplomatie qui se justifie par le soutien de l’un à l’autre pour défendre les intérêts de nos deux pays. Le champ de développement est vraiment très vaste.

L.D.B .: Depuis 2016, la Chine et le Congo sont liés par un partenariat stratégique global. Que doivent faire les deux pays pour développer davantage leur coopération ?

M.F. : Tout à l’heure, j’ai parlé de l’initiative du président Xi Jinping qui fera de la coopération internationale une ceinture et une route. Le contenu de cette initiative porte sur cinq volets : la connexion entre les politiques de chaque pays, les stratégies de développement, les infrastructures, les échanges commerciaux et les capitaux, les peuples. La Chine est prête à travailler avec le Congo pour une bonne stratégie de développement. La stratégie du président Denis Sassou N’Guesso, « La marche vers le développement », se présente dans la même lignée que celle du président Xi Jinping.
La Chine est en train de connaître un changement dans son histoire. Nous voulons passer d’une croissance quantitative à un développement qualitatif. Notre coopération sera transformée en une coopération plus qualitative. C’est une montée de notre développement. Le forum Boao s’est tenu avec succès en Chine. Le président Xi Jinping y a prononcé un discours très important. Il a déclaré que la Chine sera plus ouverte et facilitera l’accès au marché de façon attrayante ; une protection plus rigoureuse du droit à la propriété intellectuelle. La Chine est obligée de s’ouvrir sur l’extérieur pour avoir un bon développement. Elle est disposée à travailler avec tous les partenaires du monde pour défendre la mondialisation économique. Nous sommes contre le protectionnisme, nous défendons les intérêts légitimes de tout le monde. Cela nous permettra de créer le destin commun de toute l’humanité.
 

 

 

 

 

 

 

 


Propos suscités par Roger Ngombe et Christian Brice Elion

Légendes et crédits photo : 

L'ambassadeur de Chine Ma Fulin lors de l'entretien avec Les Dépêches de Brazzaville (photo Adiac)