Les Dépêches de Brazzaville



Interview. Prisca Ouya : « L’opéra c’est ma préférence »


Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : Pouvez-vous nous parler d’entrée de jeu de l’opéra ?

Prisca Ouya (P. O.) : L’opéra est une représentation scénique généralement dramatique. Il y a un début, un crescendo où se passe une partie dramatique et survient la mort. Après la mort, il y a une morale de l’histoire. C’est ça qui fait l’opéra et tout se fait avec une musique [en live] par des chants lyriques. Cette musique n’est jamais pré enregistrée. Pour réussir mon dernier spectacle de "Mami Wata" à l’IFC, il m’a fallu un casting de quarante personnes (acteurs, danseurs, musiciens et chanteurs).

L.D.B.C. : Pourquoi avoir porté votre choix sur l’opéra et non sur le théâtre?

P. O. : Je dirai que l’opéra c’est ma préférence, c’est ce que je sais faire de mieux. Préférence parce qu’on n’a pas besoin de comprendre la langue parlée par les acteurs sur scène ; tout est tellement clair dans les émotions qu'aujourd’hui, on peut jouer cette pièce "Mami Wata" avec les Congolais mais un Chinois, un Belge ou un Russe pourra s’identifier à ce qu’il regardera. Le côté dramatique est tellement fort, l’histoire qu’on regarde est tellement précise qu’on n’a pas besoin de dialogue pour comprendre. Il n’y a pas de barrières linguistiques car, à l'opéra, on raconte des histoires universelles. On ne regarde plus l’histoire "Mami Wata" comme une histoire congolaise, faite par des Congolais et au Congo. Non. On regarde une histoire qui se passe entre un roi, une reine et deux frères qui ne savent pas qu’ils étaient frères d’une même famille et qui se tuent au cours d’une bagarre, tout comme une fille qui commettait l’inceste sans s’en rendre compte. Parce qu’elle était tombée amoureuse de son frère dont elle ne connaissait pas l’identité. Une reine qui se suicide parce qu’elle perd ses deux enfants. Ce sont là des sujets universels qui concernent tout le monde. Donc cette pièce a été jouée pour la première fois, en avril dernier, devant M. Clément Mouamba, Premier ministre, qui avait à ses côtés quelques membres du gouvernement dont Henri Djombo, président de l’Unéac à qui je dis grand merci pour ses conseils.

L.D.B.C. : C’est le premier spectacle de l’opéra organisé à Brazzaville ces dernières années ?

P. O. : Oui. C’est pour cela que je continue de travailler sur un personnage grec, Atlas, de trente minutes qui vient d’être retenu pour le Masa qui a lieu en mars prochain, en Côte d’Ivoire. Nous allons y participer. Une pièce que je vais agrandir en 1h30.  

L.D.B.C. : Comment avez-vous fait pour intéresser ces jeunes autour de  vous à l’opéra ?

P. O. : Pour les intéresser, il fallait qu’ils voient en moi l’intérêt que j’avais pour ce genre dramatique. Ça ne se cache pas, je ne pourrai même pas le cacher. J’ai une forte passion pour l’opéra. Une passion dévouée que ces jeunes ont vue en moi pour pouvoir se reposer là-dessus. Depuis là, ils ont commencé par aimer, apprécier et rechercher les opéras sur le net. Je suis super contente parce que j’ai ouvert en eux une certaine sensibilité. Puisque pour s’intéresser à l’opéra, il faut laisser toutes ses émotions à nu. Donc se laisser vulnérable et sensible pour pouvoir comprendre le message.

L.D.B.C. : Vous vous démarquez là des autres acteurs d’art au Congo. Comment entendez-vous vous imposer ?

P. O. : Oui. C’est vrai. Mais, moi je fais ce que j’aime. Par rapport à ça, en termes de public, s’il adhère, alors j’aurai fait mon boulot. C’est comme on dit « on peut ou ne pas aimer, mais est-ce que c’est bien représenté ? ». Il y a des gens qui pouvaient bien avoir des a priori sur l’opéra, mais je peux vous certifier à 100 %, en toute humilité, que toutes les personnes qui sont venues voir la pièce "Mami Wata" l'ont adorée. Et je pense que j’ai fait des Congolais des nouveaux adeptes de cet art.  


Propos recueillis par Achille Tchikabaka

Légendes et crédits photo : 

Prisca Ouya