Les Dépêches de Brazzaville



Italie : « Notre ministre ! »


C’est comme si, piqués au vif par les attaques pesantes, racistes et offensantes, dirigées en rafale vers l’Italo-Congolaise Cécile Kyenge Kashetu, les immigrés d’Italie voulaient dresser le cordon sanitaire autour d’elle. Dimanche 23 juin, ils étaient des milliers à l’accueillir avec des vivats au Festival des peuples qui se tenait dans la localité de Giavera del Montello, près de Trévise. Symptomatique des dérives de l’extrémisme et de la xénophobie, cette ville de Vénétie (nord-est de l’Italie) était gouvernée jusqu’à il y a peu, par un membre du parti xénophobe de la Ligue du Nord. Un maire passé à la postérité pour avoir proposé des milices de vigilance le long des frontières et pouvant, avait-il soutenu, « tirer sur les clandestins comme sur des lapins ».

Ce n’est donc pas un hasard si Trévise accueillait cette année la 18e édition du Festival des peuples qui célèbre la diversité de l’Italie cosmopolite. La manifestation a rassemblé cette année les représentants d’un peu plus de 100 groupes ethniques provenant du monde entier, un record. Ce sont donc 10 000 personnes debout qui ont applaudi à tout rompre, dans une vaste salle de concert municipale, la ministre Cécile Kyenge. Au cri de : « Notre ministre est arrivée », les participants à la rencontre ont accueilli la ministre avec une chaleur dont seuls des immigrés en quête de symbole sont capables. Du reste, la ministre elle-même s’est dit agréablement étonnée de ce « bel accueil », de « cette chaleur qui donne à voir que l’Italie est accueillante ».

« Nous sommes en Vénétie ici, mais nous devrions sentir le même accueil chaleureux partout dans le pays », a-t-elle ajouté, chauffant une salle déjà en délire. L’histoire ne dit pas si tout le conseil communal de Trévise, auquel la ministre adressait ses compliments, les a « bus » tel du petit lait. On sait seulement que parmi les conseillers, désormais siégeant dans les rangs de l’opposition, figurait un membre de la Ligue du Nord. Il était assis à côté du désormais nouveau maire de Trévise, Giovanni Mannildo. Membre éminent du Parti démocratique (gauche), le parti même de Cécile Kyenge, Monsieur le maire était quant à lui aux anges.

Les commentaires de presse ont insisté sur un fait qui a frappé l’assistance. Madame la ministre n’a pas semblé un seul instant se préoccuper des attaques dont elle a fait l’objet au cours de ces derniers jours, et dont quelques-unes des plus féroces sont précisément venues des sections Ligue-Nord locales de Vénétie. Elle a insisté sur le fait que l’octroi de la citoyenneté italienne aux enfants d’immigrés nés sur le sol italien, son combat, était un simple acte de bon sens. « L’immigration est une ressource, pas une menace. C’est un bien qui se conjugue aux autres valeurs de la République », a-t-elle clamé. Ont suivi des bravos à n’en plus finir.

Symboles parmi d’autres de cette journée : une fanfare de Trévise a exécuté l’hymne national italien, entonné ensuite par tous. Puis, après les discours officiels, la ministre s’est prêtée au jeu des photos avec toutes les sections, alors que des groupes folkloriques, notamment sénégalais, exécutaient des danses traditionnelles typiques. La ministre est allée de délégation en délégation, a serré les mains et recueilli comme un élixir les appréciations enthousiastes des participants. « Bravo, madame » ; « Tenez bon, nous sommes tous avec vous » sont les mots qui sont revenus le plus souvent dans leur bouche.


Lucien Mpama