Les Dépêches de Brazzaville



Jean-Cédric Sow : « L'humain est à la base d'Alina Sow »


Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : Vous avez étudié le stylisme à Esmod Berlin et travaillé au Japon, chez Issey Miyake. Malgré ce parcours très international, vous avez choisi d'installer vos ateliers au Congo. Pourquoi ?

Jean-Cédric Sow (J.C.S.): Je fais partie d'une nouvelle génération qui a eu la chance d'être très ouverte au monde. Je me suis dit que chaque pays possède une grande marque de mode qui peut rendre heureux et fiers ses habitants. Il n'y a pas encore de vraie marque basée au Congo. Mon but était de combler un vide et de chambouler un peu ce que l'on attend de la mode au Congo et dans le monde. Je voulais montrer que des vêtements aux coupes modernes et aux lignes parfaites pouvaient sortir de l'Afrique centrale aussi.

L.D.B. : Quelle est la part du Congo dans vos créations ?

J.C.S : Tous les matériaux de la collection ont été achetés au Congo même s'ils proviennent de partout dans le monde. Mais le Congo est représenté, par exemple, avec des créations en raphia, notamment avec une veste en fibres teintes dans un rose très nouveau, très jeune, très féminin. C'est pour moi une manière de prendre un savoir-faire très congolais et de l'emmener à un niveau supérieur. Il y a également une robe en pagne avec un imprimé de serpent dessiné par un artiste sur de la toile avant d'être brodée. J'ai la volonté d'utiliser cet artisanat congolais et de le retranscrire dans la mode pour que la collection ait un côté artisanal tout en ayant une exigence de qualité. Par ailleurs, dans mon atelier, j'emploie uniquement de jeunes congolais. La plupart des formes ont, d'ailleurs, été développées par notre jeune chef de la coupe, âgé de 19 ans.

L.D.B.   : Quelles sont vos influences ?

J.C.S. : J'ai toujours été fasciné par les animes et le Manga, notamment la perfection esthétique des personnages. Dans ces dessins animés, ce qui se passe à l'intérieur des protagonistes se voit à l'extérieur. À leur seul accoutrement, on comprend qui ils sont. Et ce, avant même qu'ils aient dit quoi que ce soit. De même, quand je crée une collection, j'imagine d'abord des personnages et leur monde intérieur, et je m'appuie dessus pour définir comment ils vont s'habiller. La philosophie d'Alina Sow est de faire des vêtements que l'homme comme la femme peuvent porter. Des pièces qui s'intègrent dans le vestiaire de la personne et avec lesquelles elle va vivre. L'humain est à la base d'Alina Sow.

L.D.B. : Vous avez justement appelé votre collection « The garden of humankind » (le jardin de l'humanité). Quel message avez-vous voulu faire passer ?

J.C.S. : L'amour est la graine de l'humanité, car nous n'aurions jamais été là sans l'amour de deux personnes. Cette collection était inspirée de mes grands-parents et de leur histoire d'amour complètement folle, bien que je ne sois pas quelqu'un de très romantique. Je voulais, pour cette première collection, créer mon propre jardin de l'humanité, me poser la question de mes origines. J'ai créé des avatars de ma grand-mère et de mon grand-père et je les ai habillés. La collection raconte un peu l'histoire de leur vie.

L.D.B.   : Qui est l'homme ou la femme Alina Sow ?

J.C.S. : La femme Alina Sow est élégante mais rebelle. Elle se veut sexy mais sans tomber dans la vulgarité. Elle est légèrement effrontée mais tout en restant classe. Elle brise un peu les règles. C'est la même chose pour l'homme. L'homme Alina Sow est présent mais doux, il est ouvert au monde et ne se prend jamais au sérieux. Il aime briser les codes de sa propre masculinité. C'est la raison pour laquelle de nombreuses pièces de la collection sont mixtes. D'ailleurs, beaucoup de femmes adorent les vêtements homme Alina Sow et de nombreux vêtements féminins sont fondés sur des coupes masculines. 

L.D.B.   : Qu’est-ce que l'on peut souhaiter à Alina Sow ?

J.C.S. : J'aimerais pouvoir toucher les gens de manière à ce qu'ils veuillent incorporer nos pièces dans  leur style. Je veux faire de la mode pour les autres et non pour moi.


Propos recueillis par Rose-Marie Bouboutou

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: Le styliste congolais, Jean-cedric Sow.jpg (731.03 Ko) Photo 2: La journaliste franco-congolaise, Florelle Manda, en Alina Sow aux cotés de Jean-Cédric Sow.jpg (581.57 Ko)