Les Dépêches de Brazzaville



L’écrivain et prix Nobel de littérature Nadine Gordimer s’est éteinte


Nadine Gordimer a fait de la ségrégation raciale son combat des premières heures. Elle est l’auteure de quinze romans, de près de deux cents nouvelles, de critiques… des dizaines et des dizaines de textes dont certains furent censurés sous l’apartheid.

A priori, elle n’était pourtant pas prédestinée à s’engager dans ce combat. Nadine Gordimer est née en 1923 à Springs d’un père juif lituanien et d’une mère anglaise, au sein d’une communauté blanche, anglophone et privilégiée à laquelle le contexte politique de l’Afrique du Sud garantissait de grands privilèges. C’est la littérature qui lui offrit un éveil sur ce qui l’entourait, lui forgea petit à petit cette conscience politique qui fera d’elle une résistante.

Nadine Gordimer a signé sa première nouvelle à l’âge de neuf ans. S’ensuivra une existence d’écrits racontant l’Afrique du Sud raciste, une existence d’engagement, de lutte, portée sur la scène internationale jusqu’au prix Nobel en 1991, décerné pour son « œuvre épique » qui « a rendu à l'humanité d'éminents services ». Elle le dédiera « à tous les Africains ». Elle publie ses premiers textes à la fin des années 1940, dans des revues sud-africaines, puis dans le New Yorker. Son premier roman, The Lying Days, paru en 1953, sera censuré. Sa conscience politique se manifeste en 1960, année du massacre de Shaperville qui a coûté la vie à 70 manifestants noirs. Nadine Gordimer rejoint dans la clandestinité le Congrès national africain fondé par Nelson Mandela, dont elle deviendra la confidente. Elle devient activiste et figure de proue de la lutte contre la ségrégation, élevant sa voix en 1986 et témoignant en faveur de 22 membres de l’ANC accusés de trahison.

Romancière et militante, elle combattait l’apartheid dans ses écrits et a toujours renoncé à quitter l’Afrique du Sud. Elle faisait converger le militantisme à la littérature, utilisant les lettres, l’intime et la fiction, les situations romanesques ironiques comme moyens pour dénoncer. À la chute de l’apartheid, elle continue de garder un œil critique sur le pouvoir mis en place et à se mobiliser pour les droits de l’homme, l’égalité, la liberté d’expression à l'échelle internationale.

En 2007 paraît l’ouvrage Bouge-toi ! mettant en scène un jeune militant écologiste sud-africain convalescent et sa famille. La lutte contre la xénophobie laisse donc place aux conflits environnementaux. Changement de sujet, mais pas de vision, en témoignent ces mots échangés avec la journaliste du Monde, résolument fidèles au combat général de l’auteur :

Pendant longtemps, votre œuvre a eu partie liée avec le difficile contexte politique, racial et social de l'Afrique du Sud, notamment au temps de l'apartheid. Pourquoi, dans ce nouveau roman, vous tournez-vous plus particulièrement vers les problématiques écologiques ?
Mon vrai sujet n'est pas la nature, mais de savoir qui est un homme dans l'espèce humaine. C'est notre existence qui m'intéresse, et la menace que représente pour elle notre pollution de l'environnement à l'échelle mondiale, au-delà des changements politiques. Car l'ennemi à combattre est devenu général ; il ne s'agit plus d'un affrontement entre différents pays ou différentes instances idéologiques.


Morgane de Capèle