Les Dépêches de Brazzaville



L'Italie confrontée à l’augmentation des mineurs étrangers non-accompagnés


Si l’opinion italienne est prompte à se déchaîner pour ou contre les clandestins, il est un autre aspect de l’immigration, peu visible aux yeux de beaucoup. Depuis deux ans, la péninsule constate avec surprise l’augmentation d’une catégorie de candidats à l’immigration. Il s’agit de mineurs, dont certains n’ayant pas même atteint dix ans, qui prennent place à bord des bateaux des trafiquants, sans parents ni tuteur légal identifiables.

L’association Anci-Cittalia, qui s’est intéressée au phénomène, vient de produire un rapport assez déconcertant. Depuis 2011, affirme–t-elle, quelque neuf mille enfants dans cette situation sont arrivés en Italie. Beaucoup sont africains. Ils posent des problèmes certains quant à la réponse que les structures étatiques peuvent y apporter. Les refouler ? Vers quel pays et avec quelles garanties qu’ils seront pris en charge là où on les renverrait ? Sans compter que, dans bien des cas, le pays de refoulement peut s’avérer ne pas être celui du départ ou de naissance.

Car, entre un petit Érythréen et un petit Éthiopien, un petit Ivoirien et un petit Malien, et même entre un enfant tunisien et un autre de Libye, se fier au seul paramètre des apparences ou même de la langue parlée par le mineur devient un critère de très grande incertitude. Ce serait même aller directement vers l’erreur ou la discrimination garantie ! Tel était certain d’avoir affaire à un Soudanais qui est surpris de se retrouver, en fait, en face d’un Kenyan ; refouler un Somalien, petit ou grand, vers l’Éthiopie peut être source d’imbroglios kafkaïens.

Pourtant, le fait est qu’il faut bien que l’Italie fasse front et intègre aussi ce phénomène dans le traitement qu’elle tente d’apporter au lancinant problème de l’immigration clandestine. Le pays fait beaucoup, mais le fait seul. Une brusque montée de 98,4% des très jeunes migrants appelle une réponse que les communes, les provinces et le monde associatif ont commencé à apporter. Mais, il faut traiter le problème plus à fond, en amont ou en aval, en le dissociant peut-être même du problème général de l’immigration clandestine. D’autant qu’outre les enfants qui débarquent chaque jour dans l’espoir que leur jeune âge les garantira contre le renvoi, on doit aussi tenir compte de ceux qui arrivent dans le ventre de leur mère !

Beaucoup d’enfants naissent, en effet, à bord des bateaux ou peu après l’arrivée en terre italienne de leur mère, qui reste une clandestine à refouler. Jusqu’à présent, l’Italie n’accorde pas automatiquement la nationalité italienne aux enfants par leur seule naissance sur son sol — le fameux jus soli (droit du sol, qui s’oppose au jus sanguinis, droit du sang) pour lequel des figures de la diaspora africaine comme le premier député noir d’Italie, Jean-Léonard Touadi, ou l’Italo-Congolaise Cécile Kyenge Kashetu, ex-ministre de l’Intégration, continuent de se battre.

Le problème est complexe, reconnaissent les associations ; il ne fait pas appel au seul bon sens. D’ailleurs, font remarquer des personnes, y compris parmi les mieux intentionnées, le bon sens n’est pas une boussole stable ; il est là où un pays décide de le placer, en fonction de son histoire ou de ses intérêts, souvent changeants. Le ministère de l’Intérieur fait savoir que quelque deux cents enfants nés de parents exilés politiques pourraient recevoir la nationalité italienne. Mais même ici des avis contraires s’élèvent contre une décision qui s’apparenterait à un don – un « bradage » - de nationalité là où il faut la mériter au bout d’une démarche personnelle.


Lucien Mpama