Les Dépêches de Brazzaville



Littérature : David Diop auteur phare de la rentrée littéraire


Ce David Diop là est un écrivain d’origine sénégalaise né en 1966, qui enseigne la littérature depuis vingt ans à l’université de Pau, en France, et qui vient de publier son deuxième roman, "Frère d’âme".

Cette oeuvre de David Diop livre le récit d’un soldat sénégalais combattant pour la France lors de la Seconde Guerre mondiale. Outre les évidentes cruautés de cette boucherie relatées par l’auteur, il y est décrit plus implicitement la crise identitaire d’un soldat sévèrement touché par la perte d’un ami, au point d’en devenir terrifiant.

David Diop, auteur phare de la rentrée

Depuis sa publication, ce roman "Frère d’âme" ne cesse de séduire tant les lecteurs que les jurys des prix littéraires qui vont être attribués dans les prochaines semaines. C’est ainsi que l’auteur sénégalais se retrouve déjà sur la liste de quatre prix majeurs de la rentrée littéraire. "Frère d’âme" est donc en lice pour le prestigieux prix Goncourt, pour le Renaudot, pour le prix du roman Fnac et pour le prix Médicis.

On ne peut en dire autant de tous les romans de la rentrée, celui de David Diop, "Frère d’âme", possède un ton singulier, incantatoire, voire halluciné. Ce texte nous projette dans la « Grande Guerre », où la vie d’un homme dans les tranchées valait moins que l’éclat d’obus qui le tuerait et quasi rien s’il avait la peau noire d’un tirailleur sénégalais. Alfa Ndiaye a passé ses jeunes années avec son ami, son frère jusqu’à être amoureux de la même femme, Mademba Diop. Celui-ci, blessé à mort sur le champ de bataille où ils sont tous les deux, lui demande de l’achever mais Alfa n’en trouve pas la force. Il lui remet comme il peut les tripes dans le ventre mais les chairs, bien que sans espoir d’amélioration, sont plus faciles à rassembler que les esprits. Et celui d’Alfa sombre dans un délire où un passé vécu comme une légende se mêle à la sauvagerie des combats d’aujourd’hui, il est devenu un monstre après avoir été un héros : il coupe les mains des ennemis qu’il tue au corps à corps, les ramène comme des trophées et passe pour un individu dangereux, ce qui n’est pas faux.

"Frère d’âme" tient de la fable cruelle, dans laquelle un homme se déshumanise par la faute de ses semblables. Cent ans après, une guerre qui a fait bien des dégâts, même si c’est le propre de toutes les guerres, donne encore naissance à des romans qui l’envisagent sous des angles inédits. Tant mieux.

Extrait du roman

« Au début, mes copains de la tranchée étaient si contents que je leur rapporte des mains ennemies qu’ils les ont même touchées. Certains ont même craché dessus en rigolant. Dès mon retour dans le ventre de la terre avec ma deuxième main ennemie, mon copain Jean–Baptiste a fouillé dans mes affaires. Il a volé ma première main et je l’ai laissé faire, parce qu’elle commençait à pourrir et à attirer les rats. Je n’ai jamais aimé la première main, elle n’était pas belle ».

 


Kharl Boris Ebaka

Légendes et crédits photo : 

Photo: L’écrivain sénégalais David Diop