Les Dépêches de Brazzaville



Lu pour vous :" La famille africaine" d’Emile Gankama


Sur près de cent pages comprenant sept chapitres, Emile Gankama fait une étude sociologique d’une Afrique capable de se développer, pourvu que les Africains eux-mêmes prennent conscience de leurs conditions existentielles.

Le titre nous donne, à première vue, une idée d’un livre traitant du mode de vie des familles africaines, entendues, d'après le dictionnaire Larousse, comme un ensemble de personnes ayant des liens de parenté par le sang ou par alliance.

Après lecture, on se rend compte qu’il s’agit d’une analyse approfondie de trois événements majeurs ayant marqué et impacté positivement et négativement le continent africain, à savoir la traite négrière, la colonisation et les indépendances.

L’auteur n’est pas fataliste pour autant sur l’avenir de l’Afrique. Au contraire, il achève son ouvrage sur une note d’espoir.

(… l’Afrique est sans doute le continent qui ne doit pas manquer au rendez-vous du partage en suivant sa route vers le progrès. Sans s’aliéner ses valeurs mais, en accordant au travail productif la place qui lui revient ». Page 82.

Parlant de la traite négrière, Emile Gankama met l’accent notamment  sur le fait qu’elle a dépossédé le continent africain de ses hommes et femmes valides se constituant de ce fait des réserves importantes de  main d’œuvre ; comme l’avait relevé, selon l’auteur, l’historien sénégalais, Guèye Mbaye, en ces termes : « La traite négrière a modifié la structure des villages africains, elle a détruit dans certains cas l’aspiration à la sédentarisation qui fonde chez l’homme le besoin de se rendre maître du lieu qu’il  habite, de le transformer à son avantage ». Page 39.

Pour ce qui est de la colonisation, après avoir montré qu’elle n’avait pas que des effets néfastes, Emile Gankama nuance ses propos en affirmant qu’il « est nécessaire d’aborder les grandes questions par le côté où elles nourrissent leurs contradictions dans l’unité », avant d’ajouter que « l’Afrique a mal négocié sa sortie de la colonisation au regard de la succession des coups d’Etat, seul moyen d’accession au pouvoir au lendemain des indépendances dans plusieurs pays africains ». Pages 56-57.

En effet, l’Afrique a eu beaucoup d’épreuves à surmonter au cours de sa marche vers le progrès. Sitôt qu’elle est sortie de la colonisation, le mouvement des indépendances s’invite « douloureusement » dans certains Etats. Ainsi, commente l’auteur, « près de soixante ans après les indépendances, elle regarde toujours envieusement vers l’Europe, comme on regarde vers une âme bienfaîtrice. Elle regarde également avec une once de culpabilité vers l’Amérique qui a vu arriver ses enfants enchaînés. Quand elle se tourne vers elle-même, elle ne fait pas preuve d’audace, d’engagement et de cohésion ». Page 60.

C’est ainsi qu’Emile Gankama estime qu’après un aussi long chemin, sans renier son identité, l’Afrique doit se frayer un passage dans l’univers de la modernité ; en se secouant un peu et davantage.

« L’Afrique est, en effet, une grande famille qui doit cesser d’avoir honte de ce qu’elle est. Mais le peut-elle vraiment ? Bien sûr ! A condition qu’elle ne prenne pas fait et cause pour les économies des autres, pour s’arrimer au développement qui suppose la coopération avec les Etats et les peuples d’autres pays du monde, sur des bases égalitaires ». Page 80.

"La famille africaine"* est un appel à la prise de conscience des Africains. Cet essai est à lire.

 

                                                                                                 Qui est l’auteur ?

Emile Gankama, né au Congo-Brazzaville, est journaliste, diplômé en sociologie. Directeur des rédactions du quotidien "Les Dépêches de Brazzaville", il est, par ailleurs, l’auteur de plusieurs ouvrages.

* La famille africaine", Les Lettres mouchetées, Paris, 2019, 99 pages, disponible à la Librairie des Dépêches de Brazzaville, 10000FCFA.

 

 

 

      

 

  

 

 


Roger Ngombé

Légendes et crédits photo : 

La couverture de l'ouvrage