Les Dépêches de Brazzaville



Lutte contre la corruption: des mesures urgentes à prendre pour assurer l’avenir du pays


Tirant les leçons de l’élection indirecte des sénateurs, les chercheurs de l’IRDH font observer qu’un scrutin dépourvu de la surveillance citoyenne demeure sous l’emprise de la machination politicienne. Dans son bulletin électronique du 18 mars, l’IRDH rappelle que la manipulation du vote des sénateurs a été dénoncée par plusieurs personnalités officiellement ou à titre privé. Elle a indiqué, par exemple, que dans leur lettre du 15 mars, sept candidats sénateurs du Kasaï central, dont le Pr Evariste Mabi Mulumba, demandaient l’annulation du vote à cause de la corruption. Selon cette association, cette interpellation correspondait aux inquiétudes du procureur général près la Cour de cassation, Flory Kabange Numbi, adressées, le 9 mars, à la Commission électorale nationale indépendante (Céni) et celles exprimées, le 22 février, par le Pr Luzolo Bambi, conseiller spécial de l’ex-chef de l’État, Joseph Kabila, en matière de lutte contre la corruption.

L’IRDH a, en effet, reconnu l’évidence selon laquelle l’élection au suffrage indirect des sénateurs a donné une large victoire au regroupement politique Front commun pour le Congo (FCC) de l’ancien chef de l’Etat. Mais il fait également constater que ce choix était contraire au vote direct qui avait permis au peuple de rejeter le candidat présenté par le FCC à la présidentielle, en guise de sanction contre la tentative de révision de la Constitution et de la loi électorale, pour une pérennisation au pouvoir. L’éloignement de ce scrutin de la surveillance citoyenne et l’impunité de la dénonciation de la corruption ont permis, selon cette association, aux individus honnis de rentrer au Sénat, au détriment de ceux qui seraient perçus comme incarnant le changement voulu par le peuple. Eu égard au real politik, elle fait constater que le FCC a « gagné le jeu politique » dont il aurait fixé les règles que les autres politiciens suivraient religieusement.

Un schéma classique verrouillé et ses risques

Se projetant dans le futur de la scène politique, l’IRDH voit se dessiner un schéma classique verrouillé par des mécanismes de gestion taillés sur mesure. « L’opposition politique, en manque de stratégie, se limite à jouir des retombées de la grogne sociale et des revendications politiques contre le leadership du régime déchu. Elle agit au moindre effort, profitant des manifestations de la société civile dont le Comité laïc de coordination, des mouvements citoyens et des ONG des droits de l’Homme. Des opposants, autant égoïstes et corrompus que ceux du FCC, se réclament avoir gagné des élections, chacun individuellement, sans avoir éduqué la population à travers des partis politiques tel que leur recommande l’article 5 de la Constitution », a regretté cette organisation, relevant, cependant, que les schémas classiques de revendication taillés sur la mesure des dirigeants montrent leurs limites.

Dans cette projection de l’avenir, l’IRDH craint de voir les manifestations publiques devenir plus violentes conséquemment aux frustrations, à un certain sentiment de désespoir et d’abandon face à l’accroissement de la pauvreté et du manque de satisfaction des besoins primaires. « La pression populaire qui était focalisée sur la personne du président de la République d’antan, risque de s’éparpiller vers des dirigeants qui seront perçus, à tort ou à raison, comme obstruant une vie normale dans la paix, la sécurité et la justice sociale », a expliqué cet institut qui a recommandé certaines urgences.

Parmi ces mesures, l’IRDH exhorte à la restructuration de la Céni, dans la plus grande transparence, pouvant permettre aux nouveaux animateurs d’appliquer scrupuleusement les lois existantes ainsi que la réforme du fonctionnement de l’appareil judiciaire et son financement conséquent, afin de permettre aux magistrats compétents d’investiguer et réprimer toute dénonciation de corruption liée aux élections. Cette ONG conseille également la mise sur pied des mécanismes conformes à l’article 5 de la Constitution, portant sur un contrôle rigoureux de l’effectivité, la fonctionnalité et la contribution des partis politiques à l’éducation de la population.


Lucien Dianzenza