Les Dépêches de Brazzaville



Lutte contre le terrorisme : la RDC, le Mozambique et la Tanzanie veulent unir leurs efforts


Les forces de sécurité de la République démocratique du Congo (RDC) seraient déjà dans la province de Cabo Delgado, dans le nord du Mozambique, pour soutenir les soldats locaux dans leur lutte contre les terroristes, indique l'Agence de presse africaine (APA). Pour sa part, citant le quotidien mozambicain "Noticias", le site southerntimesafrica.com rapporte également que les autorités de la RDC ont proposé d'aider les forces de défense et de sécurité mozambicaines dans la lutte contre l'intégrisme islamique dans cette province de Cabo Delgado. 

Selon ce média, le commandant général de la police congolaise, Dieudonné Amuli, a exprimé cet intérêt à son homologue mozambicain, Bernadino Rafael, pendant que les deux hommes assistaient à une réunion des commandants de police de la Sadc  à Luanda. Le commandant général de la police tanzanienne, Simon Nyankoro Siro, assistait également à cette réunion. Le Mozambique a déjà conclu un accord avec la Tanzanie pour lutter contre l'extrémisme islamique à Cabo Delgado. «Le Mozambique a eu ce problème pendant huit mois. La RDC l'a eu pendant deux ans, et la Tanzanie pendant environ un an et demi. Nous avons eu une première réunion à Luanda, où chacun des États a mieux compris ce qui se passe avec ce phénomène. Une deuxième réunion aura lieu prochainement, afin que nous puissions aligner notre position pour mieux lutter contre ces criminels », a déclaré Bernadino Rafael.

Des djihadistes mozambicains en RDC

À en croire southerntimesafrica, des Mozambicains ont été recrutés pour faire du «djihad» en RDC, car trois d'entre eux ont été capturés par l'armée congolaise et rapatriés au Mozambique en mars. Les trois hommes venaient tous de Cabo Delgado et ont dit avoir été recrutés par des gens qu'ils ont décrits comme des "cheikhs tanzaniens et burundais" qui leur ont promis des bourses pour étudier dans une madrasa (école coranique) en Tanzanie. Mais ils se sont retrouvés dans une base militaire au Congo, se battant contre les autorités congolaises.

En outre, poursuit le média, ils ont dit avoir quitté le Mozambique en août 2017, deux mois avant que le soulèvement islamiste à Cabo Delgado ne commence par des attaques contre des installations policières dans le district de Mocimboa da Praia. L'un de ces rapatriés, Abduremane Ali, 34 ans, était pêcheur dans le district de Cabo Delgado, à Macomia. Il a déclaré aux journalistes qu'un cheikh tanzanien lui avait promis un salaire mensuel de trente mille meticais (environ quatre cent quatre-vingt-cinq dollars) pour étudier le Coran et suivre un entraînement militaire. « Ils m'ont simplement dit que c'était de faire le djihad, c'est-à-dire de se battre contre le gouvernement. Ils m'ont donné un passeport et je suis allé en voiture en Tanzanie, puis dans un camp d'entraînement au Congo. Quand j'ai atteint la base, ils ont pris le passeport, mon téléphone portable et l'argent que j'avais dans ma poche. J'ai été capturé le jour où les forces armées congolaises ont attaqué notre base, et certains Mozambicains qui avaient été recrutés plus tôt ont perdu la vie dans cette action », aurait-il déclaré.

Trente-deux Tanzaniens arrêtés au Mozambique

La nature transfrontalière de ce terrorisme islamique ressort également du fait que trente-deux Tanzaniens sont parmi ceux qui ont été arrêtés à Cabo Delgado et attendent maintenant leur procès. Pour Bernadino Rafael, cité par southerntimesafrica.com, les Mozambicains qui se sont retrouvés en RDC ont été attirés par des promesses d'éducation coranique ou d'autres incitations religieuses. D'autres sont allés en Tanzanie après qu'on leur a promis des emplois et une vie meilleure. Il a rappelé un cas où des habitants du district côtier de Memba, dans la province de Nampula, ont été recrutés pour travailler dans la pêche, mais avaient été envoyés pour rejoindre les rangs des djihadistes. Le numéro un de la police mozambicaine a exhorté les familles mozambicaines à faire prendre conscience à leurs fils qu'ils ne devraient pas accepter ce genre de recrutement et ne devraient pas croire aux promesses d'emplois, ou qu'ils deviendraient des chefs religieux.

Des attaques répétées dans le Nord

Depuis octobre dernier, la province de Cabo Delgado, dans le nord du Mozambique, a été secouée par une série d’incidents attribués à un groupe de jihadistes connu sous le nom d’al-Shabab, les « jeunes » en langue arabe. Ce groupe, selon la police, est responsable d’au moins trois attaques meurtrières ces deux dernières semaines qui auraient causé la mort d'au moins trente-sept personnes, selon Amnesty International. La dernière attaque, indique l'ONG internationale, s'est déroulée le 6 juin, dans le village de Namaculo, dans le district de Quissanga (près de la frontière avec la Tanzanie) où des assaillants ont attaqué à l'aube, massacrant une dizaine de personnes à coup de machettes et incendiant des habitations, laissent entendre des témoins. Un autre village, attaqué le 5 juin, est celui de Naunde, dans le sud du district de Macomia, qui serait également vidé de sa population. Au moins dix personnes ont été massacrées aussi à coup de machettes dans la dernière attaque à Cabo Delgado. La semaine dernière, les forces armées du Mozambique ont tué neuf membres présumés d'Al Shabab, dans le cadre d'une contre-offensive dans le district de Palma, où le groupe avait peu avant décapité dix personnes, dont deux enfants. Amnesty international demande que les responsables présumés de ces actes soient déférés devant la justice, dans le cadre de procès équitables.

Secte islamiste

Le groupe Ahlu Sunnah Wa-Jamma (« les gens de la sunna » en arabe) est une secte islamiste principalement basée à Mocimboa da Praia, une ville du nord-est du Mozambique, dans la province de Cabo Delgado. Formée en 2014, cette organisation prône un islam radical et est issue d' une dissidence de la principale organisation islamique du pays. Cette secte s'est d'abord militarisée et s'est tristement fait connaître le soir du 5 octobre 2017, lorsqu'une trentaine d'hommes armés a lancé une attaque contre un commissariat de police et une caserne de l'armée, semant la confusion pendant deux jours dans la ville de Mocimboa da Praia. Depuis le début de l'année, ce groupe a commis vingt attaques. Les autorités soutiennet qu' il n'y a aucun lien entre ce groupe et les shebabs de Somalie. Près de quatre cent soixante-dix membres de cette secte ont été arrêtés par la police, depuis octobre, pour usage d'armes interdites, homicide ou encore mercenariat. Selon Fernando Lima, rédacteur en chef du quotidien mozambicain "Savana", cité par "Radio France internationale", le groupe compte plusieurs centaines de personnes, majoritairement des Mozambicains, mais également des Tanzaniens.


Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photo Adrien Barbier/ AFP