Les Dépêches de Brazzaville



Message à la nation : Félix Tshisekedi appelle à une "union sacrée de la nation"


Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, qui connaît parfaitement les attentes de son peuple, voudrait faire les choses selon les règles de l’art, sans précipitation inconsidérée. En optant pour une démarche consensuelle dans la résolution de la crise institutionnelle qui prévaut actuellement dans le pays, il rabat du coup le caquet à tous ceux qui lui prêtent des intentions de confiscation du pouvoir à des fins autocratiques.

En prenant l’option d’engager les leaders politiques et sociaux parmi les plus représentatifs sur la voie des consultations en début de cette semaine, Félix Tshisekedi entend impliquer tout le monde dans la résolution de la crise, se refusant d’en faire une affaire personnelle. La série de contacts qu’il vient d’initier visent à recueillir les opinions de ses différents interlocuteurs à l’effet de créer, a-t-il dit, « une union sacrée de la nation » autour des objectifs de paix, de sécurité et de développement assignés à son mandat. Un nouveau concept qui revêt tout son sens au vu de l’évolution des enjeux de l’heure sur le plan politique. « Ces consultations visent la refondation de l’action gouvernementale autour des principes de participation à la gestion du pays », a-t-il expliqué. Une phrase qui en dit long sur sa détermination à recadrer et à booster l’action gouvernementale actuellement en proie à des contradictions de nature à hypothéquer la matérialité du programme pour lequel le peuple l’a élu.

Deux ans après la fameuse alternance pacifique, des divergences continuent de plomber l’accord FCC-Cach et portent curieusement sur des enjeux majeurs liés à la vie de la nation (paix, sécurité, Céni, organisation des élections, gestion du portefeuille de l’Etat, territoriale, indépendance de la justice, instauration d’un Etat de droit, etc.). Là-dessus, Félix Tshisekedi a, de nouveau, réitéré son attachement à un large consensus national pour trouver des solutions idoines à toutes ces questions qui, a-t-il dit, « ne peuvent être laissés à la merci d’un seul groupe politique ».  Dans tous les cas, le bilan à demi-teinte de la gestion consensuelle du pays le pousse à scruter d’autres voies de sortie avec, en toile de fond, l’hypothèse d’une redistribution des cartes au sein de l’exécutif national et Félix Tshisekedi a eu des mots justes pour confirmer une telle perspective. La décision qui découlera de cette série des consultations « n’excluront aucun cas de figure », a-t-il déclaré, tout en promettant de revenir dans une nouvelle adresse pour en faire part à la nation congolaise.

L’on est donc sur le qui-vive. Les lignes vont certainement bouger. Ayant sans doute mesuré le côté contre-productif du partenariat politique conclu à l’époque, dans un contexte de recomposition de l’espace politique telle qu’imposée par les résultats électoraux de janvier 2019, Félix Tshisekedi veut dorénavant s’affranchir des « pesanteurs ou écueils inhérents aux pratiques politiciennes » qui retardent ou affaiblissent la réalisation de son programme.

Tout compte fait, c’est un Félix Tshisekedi très combatif, tenace et déterminé à affirmer son leadership qui s’est prêté, débout, devant les caméras, ce vendredi, bien ancré dans sa casquette de représentant de la nation, de symbole de l’unité nationale et de garant du bon fonctionnement des institutions. Tout en renouvelant l’engagement de son serment de ne jamais trahir le Congo, il a mis en garde tous ceux qui, dans la classe politique, « s’évertuent à créer ou à entretenir des entraves au progrès, animés qu’ils sont par une simple stratégie politique ou de positionnement individuel par la haine tribale, la rancœur, ou par la poursuite de la prédation en toute impunité ». Et d’égrener cette phrase interpellatrice qui témoigne de sa volonté d’être au-dessus de la mêlée et d’assurer, par son arbitrage, en vertu de l’article 69 de la Constitution, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions, ainsi que la continuité de l’Etat. « Je ne laisserai aucun engagement politique, de quelque nature que ce soit, primer sur mes prérogatives constitutionnelles et sur l’intérêt supérieur du peuple congolais ». C’était tout dire.   

A tout prendre, le discours de Félix Tshisekedi du vendredi aura eu le mérite de recadrer la vie institutionnelle du pays qui sombrait dans une espèce de léthargie coupable exacerbée par des polémiques de bas étage sur fond de luttes de positionnement. Le FCC peut, dès lors, être rassuré qu'il n'a plus le même partenaire du 24 janvier 2019. L'homme s'est véritablement  émancipé et se confie de plus en plus au souverain primaire. « Le salut du peuple est la loi suprême », a-t-il tranché. C’est clair, le cinquième président du Congo indépendant a choisi son camp…


Alain Diasso