Les Dépêches de Brazzaville



Mines : conflit ouvert entre Sokimo et Kibali Gold Mines sur les royalties


Les deux entreprises minières étant en joint-venture ne parlent plus le même langage. Et la rétrocession des royalties par Kibali à Sokimo est la toile de fond de ce différend déjà porté au niveau des hautes autorités du pays par Sokimo. Dans leurs différents mémos aux instances dirigeantes du pays, travailleurs et dirigeants de Sokimo stigmatisent le déséquilibre manifeste dans le contrat joint-venture.

Pour eux, cette filiale de la sud-africaine Ango Gold Ashanti en Ituri n’a pas respecté des engagements dans l’exécution du contrat. Ils citent, en premier lieu, la réalisation de l’ATF, un contrat d’assistance technique et financière aux termes duquel Kibali devait maintenir Sokimo comme opérateur minier à travers divers engagements. Et pour le projet commun Kibali Gold Projet, Sokimo devait céder son siège d’exploitation de Doko-Durba (usines, mines, installations métallurgiques, etc.) dans l’Ituri en Province Orientale où elle produisait de l’or vers les années 1997. De son côté, Kibali devrait trouver un « gisement économiquement exploitable » pour Sokimo et une usine de retraitement des rejets miniers. Sokimo constate que le processus de transfert du gisement de Kibali Sud à Sokimo n’est encore qu’en cours au niveau du cadastre minier.

En second lieu, Kibali s’était engagé à mettre à la disposition de Sokimo une usine modulaire pour le retraitement des rejets miniers, afin de ne pas interrompre l’élan des activités des travailleurs de Sokimo à Doko-Durba. Et cette activité permettrait à Sokimo de générer des revenus pour sa trésorerie, préalable nécessaire pour déplacer Sokimo de son siège d’exploitation de Doko-Durba. Or, l’usine modulaire installée par Kibali à Moku en 2012, site choisi comme nouveau siège d’exploitation de Sokimo, n’a jamais été opérationnelle alors que la Sokimo avait déjà quitté Doko-Durba. Cette situation a des conséquences dramatiques comme la mise en chômage des travailleurs de Sokimo, la disparition d’une importante source des revenus de Sokimo.

Enfin, il y a l’épineuse question des royalties à rétrocéder à Sokimo par Kibali Gold Mines. Considérées comme droit inaliénable et une exigence du gouvernement par les agents de Sokimo, les royalties tirent leur force du contrat minier et bénéficient à une partie obligée de céder ses actifs au profit du projet de la joint-venture. Dans le cas d’espèce, Kibali Gold Mines devrait verser à Sokimo 3% de la valeur marchande de chaque production exportée, estimée entre 1 million 500 mille et 1 million 800 mille USD par mois. Mais c’est justement à ce niveau qu’il y a entorse : la clause des royalties n’est pas reprise dans le contrat qui lie Kibali Gold Mines à Sokimo. Et pourtant, affirme-t-on à Sokimo, le ministre des Mines, Martin Kabwelulu, avait dans une lettre datée de mars 2010 rappelé aux deux parties sur la nécessité d’intégrer la clause sur les royalties dans leur contrat de joint-venture. Mais cette exigence du gouvernement n’aurait pas été respectée. Par ailleurs, apprend-on, Kibali Gold Mines ne paie plus à Sokimo la rente de 350 mille USD depuis le mois de septembre 2013. « Même si Kibali produisait un million de tonnes d’or aujourd’hui, Sokimo n’aura droit à rien, sans usine, privée des royalties et de la rente. Ne s’agit-il pas ici d’un contrat léonin ? », s’insurge-t-on à Sokimo.

Du côté de Kibali, l’administrateur directeur général Louis Watum a récemment déclaré dans la presse : «Comment se fait-il qu’un partenariat qui a bénéficié de plus de 150 millions de dollars peut se trouver dans cette situation : sans argent, sans rien. Nous avons invité les cadres de Sokimo à se retrouver entre eux et chercher à trouver la solution à ce problème. Kibali n’a aucune responsabilité dans la situation de crise que traverse l’entreprise Sokimo en Province Orientale ». L’on rappelle que c’est en mars 2009 que la Sokimo a cédé des gisements d’or à Kibali Gold Mines qui avait payé 155 millions USD jugés insuffisant par la Sokimo, car Kibali a gagné en retour 800 tonnes d’or et des périmètres miniers importants.

 


Martin Enyimo