Les Dépêches de Brazzaville



Mondial 2014 : Allemagne-Argentine, une finale incertaine et chargée d’histoire


Au coup d’envoi du match, dimanche à 20h, les supporteurs brésiliens du Maracanã, qui avaient acheté leurs billets avec la conviction que leur équipe effacerait l’échec de 1959, soutiendront probablement les Allemands, leurs bourreaux. Car un supporteur brésilien qui se respecte ne peut dignement pas soutenir le grand rival argentin. Mais une victoire allemande ne fera pas vraiment les affaires du Brésil, qui les verrait ainsi rejoindre l’Italie, avec quatre trophées remportés, soit un de moins que les Auriverde.

Cinq titres mondiaux et six finales perdus à elles deux

Car, cette affiche entre la Mannschaft et l’Albiceleste reste un sommet footballistique, tant sportif qu’historique. Trois titres pour l’Allemagne, deux pour l’Argentine, qui en font, derrière le Brésil et l’Italie, deux grands cadors mondiaux. Ajoutons à cela les quatre finales perdues par la formation européenne (1966, 1982, 1986 et 2002) et les deux revers argentins lors des finales 1930 et 1990.

Vingt-quatre ans après, la revanche de la finale de 1990

En Italie, à l’issue d’un match décevant, les Allemands de Lothar Matthäus avaient battu les Argentins de Diego Maradona, à Rome (1-0, penalty de Brehme). La revanche allemande, quatre ans après leur défaite à Mexico, face à une Albiceleste portée par un « Pibe de Oro » imbattable. Entre les deux équipes, le bilan est donc d’un point partout. Balle au centre.

Une Allemagne portée par son succès face au Brésil

Pour cette troisième manche, difficile de donner un vainqueur, même si l’Allemagne fait office de favori, après son carton incroyable face au Brésil (7-1). Pourtant privée de son meneur de jeu, Marco Reus (5 buts et 4 passes décisives lors des éliminatoires), l’Allemagne a réalisé un beau parcours. Certes après son carton initial face au Portugal (4-0), la Nationalmanschaft n’a pas toujours déroulé : elle a même peiné face au Ghana (2-2), géré face aux USA (1-0), souffert face à l’Algérie (2-1) et rendu une copie sans relief face à la France (1-0).

Un trio offensif à dix buts : Müller, Kroos et Schürrle…

Mais, avec 17 buts marqués, pour 4 encaissés, l’Allemagne est la meilleure équipe du tournoi, avant même de disputer la finale. Sans vrai avant-centre, Klose n’étant qu’un remplaçant de luxe, l’Allemagne reste un danger constant pour ses adversaires : Thomas Müller (5 buts) brille tant balle au pied que dans ses déplacements sans le ballon. Toni Kroos a parfaitement pris le relai de Reus, alliant qualité de passe, vision du jeu, impact défensif et efficacité face au but (un doublé face au Brésil) : un numéro 10 moderne et précieux pour Joachim Low. Ajoutons les entrées en jeu décisives d’Andre Schürrle, le « supersub » dont rêvent tous les entraineurs : 3 buts en 5 matchs et une moyenne d’un but toutes les 42 minutes.

… et un secteur défensif blindé

Avec seulement quatre buts encaissés, la défense allemande n’est pas en reste, alors qu’elle était annoncée comme le talon d’Achille de la Manschaft. Mais derrière une charnière centrale Boateng-Hummels parfois lourde, Manuel Naueur règne en maitre dans sa surface, et parfois même en dehors, comme face à l’Algérie. C’est donc un groupe très complet, équilibré et doté d’un banc de grande qualité qui se dressera face à l’Argentine.

Messi, le pompier pyromane de l’Argentine ?

Après 24 ans d’absence dans le dernier carré, les Argentins retrouvent les sommets. Mais n’ont pour autant pas vraiment convaincus. Débutée depuis le Mondial 2006, l’énigme Messi reste insoluble : malgré ses quatre buts inscrits et sa passe décisive, le quadruple Ballon d’or ne parvient pas à trouver en sélection la place et le niveau qui sont les siens au Barça. Décisif dans le parcours de son équipe, qui ne serait pas sortie des poules sans ses buts, Messi est peut-être aussi le frein principal au jeu argentin : une sorte de pompier pyromane capable de donner le titre dimanche soir à son équipe sur un exploit personnel, mais aussi de marcher en plein match, comme en demi-finale.

L’absence préjudiciable de Di Maria, le rayonnement de Mascherano

Avec des Higuain et Aguëro décevants, l’Argentine a pu compter sur la vista de Di Maria jusqu’à sa blessure face à la Belgique, en quarts de finale. Depuis, le jeu argentin, déjà peu reluisant, patine sérieusement, comme on a pu le voir en demi-finale face aux Pays-Bas. Mais à défaut d’un secteur offensif flamboyant (8 buts marqués en 6 buts), Alejandro Sabella peut s’appuyer sur une assise défensive solide et disciplinée : autour d’un Javier Mascherano impérial, l’Argentine encaisse très peu : avec 3 buts, c’est d’ailleurs la meilleure défense du Mondial, devant l’Allemagne.

Un spectacle plus attrayant que lors de la finale 1990 ?

Espérons donc que le jeu l’emportera sur les défenses lors du match de dimanche, pour ne pas revivre le scénario de la finale de 1990. Si l’Argentine n’a pas de raison de changer l’austère mais efficace formule qui l’a menée jusqu’en finale, l’Allemagne est la clé de ce match : pour offrir un spectacle attrayant et inoubliable aux milliards de téléspectateurs, la Mannschaft doit faire le choix du jeu qui lui a tant réussi face au Brésil. Mais les Argentins n’offriront pas la même porosité que les coéquipiers de David Luiz et auront des arguments à faire valoir en contre avec la vitesse de Messi et Lavezzi. Décidemment, cette finale s’annonce bien incertaine.


Camille Delourme

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Auteur de quatre buts, Thomas Müller est également un danger constant avec ses déplacements sans le ballon. (© DR) ; Photo 2 : Malgré ses quatre buts marqués et décisifs, le rendement de Lionel Messi reste une énigme dans cette équipe d'Argentine. (© DR)