Les Dépêches de Brazzaville



Musique : Christian Rodrigue Moungoungou, baryton à la voix d'or


Le baryton gabonais, Christian Rodrigue Moungoungou ©Opéra de ParisD’où est venue votre vocation pour le chant lyrique ?
Au Gabon, j’ai baigné dans la musique comme toute personne qui vit en Afrique où elle est présente au quotidien. J’avais quelques velléités de pratiquer la musique mais qui ont été contenues. Je suis arrivé en France dans les années 1990 au moment des troubles qui ont secoué Libreville, pour poursuivre mes études universitaires. Parallèlement, je suis entré dans une chorale amateur. Par curiosité, j’ai écouté des enregistrements, de musique baroque sacrée que je chantais dans ma chorale. Puis j’ai essayé de découvrir l’opéra. J’habitais en Alsace à l’époque et l’Opéra du Rhin avait une politique très intéressante pour les étudiants, qui m’a permis d’assister à de nombreuses représentations. Pendant mon année DEA de sciences de gestion, j’ai commencé à prendre des cours de chant. L’envie d’en faire mon métier est venue avec le temps et j’ai repris des études musicales au Conservatoire.

Comment vos parents ont-ils accueilli cette décision ?
Pour tout parent en Afrique ou en France, l’idée qu’un enfant se lance dans une carrière artistique avec des revenus aléatoires, c’est toujours apeurant.  Cela était plus facile de le leur présenter puisque j’avais fini mes études et obtenu mon diplôme. Je leur ai proposé un contrat moral : prendre une année sabbatique, d’essai, avant de trouver du travail dans ma branche. À 23 ans, c’était le moment ou jamais d’essayer. À la fin de cette année, je leur ai annoncé que je continuais. Ils se sont rassurés quand j’ai décroché mes premiers contrats en tant que chanteur.

Comment rentre-t-on dans cette prestigieuse maison qu’est l’Opéra de paris ?
C’est très simple. Il suffit de passer le concours et de le réussir ! (rires) L’Opéra de Paris est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) nous ne sommes pas tout à fait fonctionnaires mais il y existe des postes budgétaires. Lorsqu’un poste est vacant, l’Opéra lance un appel à candidature. En 2005, il y en a eu un pour un poste de baryton. J’ai envoyé mon dossier de candidature et me suis présenté en juin 2005 pour les trois tours qui constituent le concours d’entrée pour les artistes du cœur. Face à un Jury de 10 personnes, nous étions 54 candidats en lice, j’étais le seul Africain. Nous sommes passés de 54 à 6  candidats au deuxième tour et de 6 à 4 candidats en finale que j’ai remportée avec le maximum de voix.

Christian Rodrigue Moungoungou habillé pour Rigoletto ©DRComment se passe la préparation des spectacles ?
Nous avons trois types de séances de travail. Des studios pendant lesquels nous apprenons la musique que nous allons interpréter et nos textes dans une salle de répétition avec un pianiste et éventuellement notre chef des chœurs. Les paroles sont souvent  dans des langues étrangères : l’italien qui est la première langue du chant dans la musique savante européenne, l’allemand parfois le français ou des langues un peu plus « exotiques » comme le polonais, le russe, le hongrois ou le tchèque. Ensuite nous apprenons avec le metteur en scène comment nous allons évoluer sur scène en même temps que le chant sur un plateau de répétition. Le metteur en scène nous explique la dramaturgie, qui nous serons dans ce qu’il a imaginé et à quelle époque se déroule l’histoire. Les premières séances ont lieu avec un piano et le chef d’orchestre puis avec l’orchestre au complet à la fin des répétitions. Enfin, arrivent les représentations pendant lesquelles nous livrons au public le fruit du travail fourni précédemment.

L’Afrique et l’Opéra, mariage saugrenu ou passerelles heureuses ?
L’art lyrique est plus développé chez les anglophones notamment les Nigérians et Sud-Africains. La saison prochaine à l’Opéra de Paris, les deux rôles titres du Barbier de Séville, seront tenus par le ténor afro-américain Lawrence Brownlee et la soprano sud-africaine Pretty Yende. En Afrique francophone, ce sont les Camerounais qui sont les plus avancés. Quelques Africains francophones s’illustrent sur les scènes lyriques européennes : le baryton Jacques-Greg Belobo, le ténor Patrick Kabongo de la RDC, la soprano Elisabeth Moussous qui a déjà été distribuée en soliste.  Et puis il y a également quelques exemples de création : une troupe sud-africaine a présenté une version africanisée de la Flûte enchantée, « Impempe Yomlingo »,  Ray Lema a à son actif une création opératique. 


Propos recueillis par Rose-Marie Bouboutou

Légendes et crédits photo : 

Le baryton gabonais, Christian Rodrigue Moungoungou ©Opéra de Paris Christian Rodrigue Moungoungou habillé pour Rigoletto ©DR