Les Dépêches de Brazzaville



Naissance de jumeaux au Congo : le phénomène s’éloigne de la tradition


La naissance de jumeaux est restée pendant longtemps un phénomène vécu avec anxiété au sein de la société congolaise. Les habitants du nord et du sud accueillaient ces enfants selon leur ethnie. Une fête traditionnelle leur était réservée. Ils recevaient alors deux assiettes, symboles de pouvoir et de leur protection. « Tous les jumeaux sont obligés de passer par ces rites. Car cette initiation leur permet d’être au contact des esprits qui leur donnent la force », appuie Jean Thibaut, un jumeau. Ce Kouni, une ethnie du sud, a été initié avec Kevin, son jumeau, à ces rites pendant leurs trois premiers mois.

Grâce à cela, il peut soigner les malades traditionnellement. Selon lui, cette initiation est obligatoire sans quoi les parents pouvaient perdre les jumeaux. « Chez nous, les jumeaux doivent être initiés au ndjobi pour les protéger contre la mort », confie Destin Fouo, un Mbamba, une autre ethnie du sud. Après la fête, les enfants vont porter un nom propre à la coutume : Péa et Koumou, Gambou et Ngampio, pour la population du nord ; Mboussi et Mpika, Bantsimba et Banzouzi, pour celle du sud.

Dans les années 1980, les parents respectaient scrupuleusement les codes de cette tradition. On constate aujourd’hui que tout a changé. La tradition ne pèse plus sur la vie des jumeaux, et ces pratiques ne constituent plus un danger. Nelly, la trentaine, est mère de Cept et Emmanuel. « Pour mes enfants, je n’ai pas respecté la tradition de notre ethnie. Aujourd’hui, mes enfants sont en bonne santé et grandissent par la grâce de Dieu », explique cette Bembé, une ethnie qui pense que la tradition existe encore dans les villages.

Comme elle, Charlie, qui est Mbochi, a refusé ces pratiques pour ses jumeaux qui ont désormais dix-huit ans : « Quand mes jumeaux sont nés, je n’ai pas fait de fête. Mais les parents ont insisté, et j’ai dit non à ces rites. Je les considérais comme les autres enfants, et ils ont leur propre nom. »

Baudelaire Fouo, étudiant en troisième année de psychologie, explique la raison de ce changement : « Avant, les parents étaient animés par une névrose d’angoisse, la peur que leurs enfants soient anormaux. Maintenant, ils ont compris que les jumeaux sont des enfants normaux. »


Flaure-Élysée Tchicaya