Les Dépêches de Brazzaville



Ohada : la Cour commune de justice et d’arbitrage moins connue en Afrique centrale


Le président de la CCJA, Antoine Joachim Oliveira, a déclaré à l’ouverture du séminaire de sensibilisation sur les activités de cette institution, que la Cour avait, dix-sept ans après son installation, fait le constat peu flatteur qu’elle était fortement méconnue et assez faiblement sollicitée par ses justiciables, notamment en Afrique centrale. « Le nombre des affaires enregistrées au greffe de la CCJA au niveau de la sous-région stagne à 10% du volume total des recours, cédant ainsi le pas à l’Afrique de l’Ouest, avec 90% dont environ 52% pour la seule Côte d’Ivoire », a-t-il expliqué.

Il a également souligné que les missions de la CCJA étaient mal perçues et diversement appréciées tant par les acteurs du monde juridico-judiciaire que par ceux des milieux d’affaires. Ce qui a pour conséquences majeures la réticence des uns ou des autres quant à l’appropriation des actes uniformes et la méconnaissance des règles de procédure et de fonctionnement de la cour. Selon lui, il ne fait plus aucun doute que la CCJA a grandement besoin d’être connue et de se rapprocher des juridictions nationales et de ses justiciables. « La tenue régulière des audiences foraines dans les États-parties constitue, à notre entendement, la philosophie idoine pour briser la tour d’ivoire dans laquelle la CCJA donne l’impression d’être enfermée », a conclu Antoine Joachim Oliveira.

Le président de la commission nationale Ohada, Claude Armand Demba, a, de son côté, rappelé que la CCJA était un organe juridictionnel, commun et supranational, qui exerce une triple fonction : consultative, arbitrale et contentieuse. Pour lui, le séminaire qui précède la tenue de la première audience foraine permet aux participants de trouver des réponses, directes, partielles ou totales à de nombreuses interrogations soulevées dans les publications ou communications de certains jurisconsultes. Il a par exemple cité la délimitation exacte de compétence matérielle entre la CCJA et les Cours suprêmes, l’attitude adoptée lorsque, entre la cour communautaire et le juge de cassation, le contentieux est connexe, mettant en jeu à la fois le droit Ohada et le droit interne non harmonisé et l’utilité d’instituer un ministère public près la CCJA, lequel, dans cette hypothèse, pourrait former un pourvoi dans l’intérêt de la loi.

Présidant la cérémonie, le premier président de la Cour suprême du Congo, Placide Lenga, s’est félicité du choix porté sur leur institution pour la première audience foraine. Selon lui, cela témoigne non seulement de la reconnaissance des efforts fournis par le Congo dans la promotion et l’application effective du droit communautaire mais encore de l’intérêt des institutions de l’Ohada à l’égard de la population justiciable congolaise.

Expurger l’environnement des affaires de tous ses maux qui démotivent plus d’un investisseur

Rappelant les raisons qui ont conduit à la création de l’Ohada, il a indiqué que cette organisation était et est toujours en large avance sur beaucoup des droits des affaires des pays dits développés. Il est rare, a-t-il ajouté, qu’une même juridiction soit à la fois cour de cassation supranationale, troisième degré de juridiction, et,en cas de cassation, évoque et statue sur le fond. « Il était plus que temps, que la cour décidât d’améliorer son fonctionnement par l’organisation d’audiences foraines qui sans constituer la panacée judiciaire, loin sans faux, contribueront sûrement à dissiper dans l’esprit des Congolais et de tous les ressortissants de la sous-région, cette image de juridiction communautaire sans, certes, mais à tort plus qu’à raison, distante et éloignée des réalités locales », a expliqué Placide Lenga.

Il a également rappelé qu’actuellement tout le monde émettait le vœu que l’environnement des affaires soit expurgé de tous ces maux qui démotivent plus d’un investisseur, décrédibilisent les institutions ou font de la constitution d’une société un véritable parcours du combattant. Tout cela au grand préjudice des intérêts nationaux. Parmi ces obstacles, il a cité l’évasion fiscale, la fraude, la corruption et la concussion, la mauvaise gouvernance, la fiscalité agressive et l’abus des biens sociaux. Enfin, le premier président de la Cour suprême a réitéré l’adhésion du Congo aux missions de l’Ohada et aux activités de la CCJA.


Parfait Wilfried Douniama

Légendes et crédits photo : 

photo 1 : Le présidium lors du lancement de l'atelier de formation. photo 2 : Les participants à la session initiée par la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada. crédit photo Adiac