Les Dépêches de Brazzaville



Opposition : Martin Fayulu, entre rejet et acceptation


À Kinshasa, le tollé a été général dans plusieurs états-majors des partis membres de l’opposition où l’on a crié  au scandale. À l’Union pour le Congo (UNC) et à l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), des militants chauffés à blanc ont manifesté à leur manière contre ce choix, prenant ainsi le contre-pied de leurs leaders respectifs dont ils ne partagent pas les vues à ce sujet.

Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi, pourtant présents à Genève et qui jouissaient des faveurs des pronostics à l’entame des discussions, se sont mis en porte-à-faux avec leurs bases respectives. Ni l’un ni l’autre n’a été désigné, au grand désenchantement de leurs partisans qui ont investi les rues, le 11 novembre, pour manifester contre le choix de Martin Fayulu considéré comme un menu fretin. Devant leurs sièges respectifs, des jeunes surexcités ont failli tout saccager jusqu’à en être dissuadés par la police. Quelques cadres de ces deux partis politiques, auxquels il faut ajouter ceux d'Ensemble pour le changement, se sont publiquement prononcés contre le choix de Martin Fayulu.

Pour Molendo Sakombi, le président interfédéral de l'UNC/ville de Kinshasa, les opposants se sont trompés pour n’avoir pas misé sur le meilleur cheval. Adam Bombole, cadre de la plateforme « Ensemble », est formel. « C’est l’échec programmé à la prochaine présidentielle. Prenons date ! C’est aujourd’hui que l’opposition a perdu les élections. Tout le reste ne sera que formalités », a-t-il écrit sur twitter.

À l’UDPS où l’on fait fi des déclarations de Félix Tshisekedi qui, d’après certains cadres, aurait embrigadé le parti dans une aventure sans issue jusqu’à brader les trente années de lutte consenties pour l’avènement de la démocratie, une réunion d’urgence a même été convoquée au niveau de la base pour une prise de position par rapport à ce développement. Dans la foulée, les autres opposants candidats à la présidentielle laissés pour compte ont annoncé, aux aussi, la tenue imminente à Kinshasa d’un nouveau conclave devant aboutir à la désignation d’un candidat commun qu’ils croient être celui qui incarnera réellement les aspirations du peuple congolais au changement.

Paradoxalement, ces expressions de rejet contrastent avec celles de liesse observées dans certains coins de Kinshasa et ailleurs. Dans le gotha politique congolais, la désignation de Martin Fayulu a été saluée par plusieurs acteurs politiques qui, en vrais démocrates, ont préféré s’incliner devant ce choix. « C’est le sens des responsabilités. On ne peut pas commettre des bêtises plusieurs fois. En 2006, il n’y a pas eu l’unité de l’opposition ; en 2011, non plus. On ne peut pas le faire trois fois, n'est-ce pas ? », a déclaré Eve Bazaiba, secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo qui pense que l’opposition a bien tiré les leçons de ses erreurs passées.

« Mission accomplie. Adieu les vieux démons de la division ! Pour en finir avec la dictature, ils se sont surpassés. Merci aux sept leaders ! Leur renoncement en faveur de Martin Fayulu est une promesse de victoire. Avec un candidat commun, l’alternance n’est plus un rêve errant », a réagi sur twitter Olivier Kamitatu, directeur de cabinet et porte-parole de Moïse Katumbi. L’ancien diplomate britannique et président de la Fondation Kofi-Annan, Alan Doss, a félicité les sept leaders de l’opposition qui, a-t-il dit, ont fait preuve de responsabilité envers le peuple congolais et leur dévouement pour le pays.


Alain Diasso