Les Dépêches de Brazzaville



Parution: Floriane Moutinou signe « La religion des misanthropes »


Hier poétesse, nouvelliste aujourd’hui, Ben-Bonheur Floriane Moutinou Mounsinsa passe d’un genre à l’autre sans perdre son style un tantinet réaliste. Elle s’inspire, en effet, du vécu pour créer une société fictionnelle qui garde les apparences de la vraie vie au-delà du papier. C’est que l’auteure veut traduire par écrit l’espérance de tout un peuple, celui du continent noir soumis aux caprices morbides de ses dignitaires. Le sont-ils toujours ? Avec la cohorte d’antivaleurs qu’ils perpétuent comme une épidémie, on se demanderait encore où se trouve leur dignité. 

Après un long récit assombri par le pessimisme, le dénouement heureux de l’histoire exprime les attentes profondes de la plupart des fils et filles d’Afrique qui ne réclament que de vivre en paix chez eux. Pas un semblant de paix limitée à la situation de non-guerre, couvant des pesanteurs morbides au quotidien. Ce qui explique même en temps de paix (politique) que les gens meurent comme des champignons, à cause du ravage des adeptes de cette religion des misanthropes. Une religion à mystères dans laquelle un père de famille abandonne ses responsabilités conjugales au profit d’une vie libertine. 

Ben-Bonheur Floriane Moutinou Mounsinsa dénonce, comme bon nombre de ses prédécesseurs, des pratiques déviantes qui font le quotidien de l’Afrique actuelle. Les clivages identitaires, le charlatanisme, la délinquance et l’inculture croissante au profit des facteurs d’avilissement sont quelques thèmes figuratifs du récit. Quand les jeunes désertent les bibliothèques et centres de documentation pour envahir les débits de boisson, à quel type d’élites peut-on s’attendre d’une telle société ? Cette décrépitude a des répercussions sur l’équilibre moral, voire social des familles.

 On assiste au fléau de parents démissionnaires, d’enfants en détresse. Sur la sphère politique, c’est la gabegie et le clientélisme qui règnent. Et on s’étonne, en même temps, de l’accroissement du niveau de pauvreté dans le continent.  De manière très illustrative, avec des néologismes comme « Yayisme » ou « Nokoyisme », l’auteure met en relief les comportements dégradants qui paralysent l’évolution des États africains. Mais, en même temps, elle montre avec optimisme au bout du texte que la situation peut changer. L’écho de cette plume émergente mérite d’être entendu, car sa visée pédagogique est probante.  Née en 1995 au Congo-Brazzaville, Ben-Bonheur Moutinou Mounsinsa est diplômée en sciences de gestion et spécialiste en finances. La Religion des misanthropes est son deuxième livre après Le jardin de mes rêves.


Aubin Banzouzi

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