Les Dépêches de Brazzaville



Portrait : Éric Ntumba, le jeune leader congolais brillant sur la scène internationale


À seulement 35 ans, Éric Ntumba, marié et père de deux enfants, a fait preuve de leadership tout au long de son parcours académique et de sa carrière professionnelle. Pur produit du système éducatif congolais, comme il le revendique, il était destiné à faire carrière dans l’administration publique. Pourtant, c’est dans le secteur bancaire qu’il donne le meilleur de lui-même depuis 10 ans. « Le choix d’œuvrer dans le secteur bancaire s’est un peu imposé à moi. J’étais revenu en RDC pour intégrer la haute Fonction publique ou un cabinet politique. Ayant fait l’ENA en France, j’estimais que ma valeur ajoutée était peut-être plus perceptible sur ce créneau-là. On me disait qu’avec ce diplôme en Europe, les voies étaient ouvertes. Mais cela me paraissait comme une évidence de rentrer », explique l’énarque.

En effet, diplômé en administration publique de l’ENA en mai 2008, l’ancien élève de l’institut du Mont-Amba et du collège Ndinga Mbote à Kimwenza (Diplômé d’État en section math-physique avec 81%), deux écoles publiques, est sorti major du master en administration publique de sa promotion à l’ENA avec la plus grande distinction et une moyenne de 85% et second du cycle international long en administration publique de la promotion Willy Brandt avec la plus grande distinction (82%). « C’est important de le souligner. Ce sont des choses qu’on ne dit pas forcément car ce n’est pas très pudique de le crier. Mais cela démontre que le système éducatif congolais qui est fait avec beaucoup d’abnégation par des gens talentueux, vertueux et qui se donnent à fond peut porter des fruits intéressants même à l’international », martèle Éric Ntumba. À l’ENA, il avait été élu représentant des étudiants étrangers (trente-trois nationalités) et siégeait donc au conseil d’administration de l’école, nommé par décret du Premier ministre français. 

Premier étranger président des étudiants en Afrique du Sud

Avant de rejoindre l’’ENA, Éric Ntumba a étudié 5 ans en Afrique du Sud où il a suivi un cursus en informatique et sciences de la modélisation (Data Mining). Il est détenteur d’une maîtrise en technologies de l’information et de la communication de la North West University (NWU) avec Distinction. Au-delà d’être un simple étudiant, Éric Ntumba a contribué à l’avancement des milieux dans lesquels il se trouvait. « Un leader répond présent et fait la différence », fait-il savoir. Ainsi à la NWU, Éric Ntumba a été le premier étudiant en première année à intégrer le « Student Representative Council », gouvernement des étudiants en 2002. Il était chargé de la culture et du divertissement. L’année suivante, il a été le premier étudiant étranger dans toute l’Afrique du Sud à être élu président du conseil de représentation d’une université. « C’était une université historiquement blanche. À l’époque, le ministère de l’Éducation en Afrique du Sud procédait à des réformes et nous devions fusionner avec une université historiquement noire. J’étais chargé des négociations du volet estudiantin ».

Ainsi, pour cette contribution dans un moment historique, il a reçu deux prix de l’université : d’abord la médaille de mérite du Conseil en 2004. En 2013, dix ans après, lorsque la NWU a voulu remercier dix personnalités qui avaient marqué l’image de l’université, Eric Ntumba a de nouveau figuré sur la liste de ces dix personnalités et était le seul étranger de cette liste, où figurait notamment l’ancien président sud-africain Frederik de Klerk. « Il faut faire les choses avec excellence même si elles s’imposent à toi », note le jeune leader.

Un leader ambitieux

Éric Ntumba a regagné la RDC quelques jours après l’obtention de son diplôme à l’ENA et motivé par l’envie de servir son pays dans l’administration publique. Mais il trouve plutôt une opportunité professionnelle dans le secteur bancaire où il débute au sein de l’ancienne « Banque congolaise » qui a fait faillite il y a quelques années. « Cela a été très formateur. C’était très intéressant de commencer dans une banque où rien ne marchait. Ça vous donne une idée du pire et l’inévitable est vite arrivé », se rappelle-t-il. Par la suite il intègre la banque commerciale du Congo (BCDC) en tant que corporate manager. « C’est vraiment la banque qui m’a formé, celle qui m’a donné les ressorts qui me permettent de faire ce que je fais aujourd’hui. Ma carrière a vraiment démarré quand j’ai intégré la BCDC ».

Après deux ans à la BCDC, il est contacté par des chasseurs de tête pour intégrer la CitiBank, en tant que relationship manager.  « Un label d’un groupe international de ce rang ne se refuse pas. La Citi m’a donné les atouts pour mieux lier la lecture des indicateurs macro-économiques et leur impact sur une économie locale. J’ai relié la pratique bancaire classique à cette lecture du marché qui vous permet de sentir et de développer un flair qui vous rend plus efficace. C’est aussi là que j’ai commencé à développer une capacité de gestion des équipes, d’entraînement et de réflexion stratégique », explique Éric Ntumba. Néanmoins, après presque 3 ans passés à la CitiBank, le jeune ambitieux commence à s’ennuyer. « Le côté accompagnement d’un porteur de projet congolais et contribution à l’économie réelle me manquait. Je ne me réalisais pas ».

On est à la fin des années 2014 et Éric Ntumba reçoit des offres de quasi toutes les banques de premier rang en RDC. Finalement, après six mois de négociation avec ses nouveaux employeurs, en juin 2015, il intègre, à la surprise générale, la Procredit Bank qui était en passe de passer sous le giron d’Equity Bank du Kenya. « J’ai rejoint Procredit avec une triple ambition : premièrement, le challenge de commencer de zéro en organisant la direction du Corporate Banking dans une banque uniquement présente sur la niche PME ; deuxièmement, je rentrais dans l’activité bancaire qui contribue à créer de la valeur et de la croissance parce qu’elle accompagne des porteurs de projets, parfois elle les aide même à se formaliser. Je redevenais un banquier pertinent à l’échelle africaine et congolaise ; troisièmement j’avais enfin accès à un poste de direction stratégique où je pouvais mettre en place une stratégie et animer des équipes. C’était le laboratoire qui confirmerait ou pas ma capacité à diriger plus tard une entreprise. J’ai toujours eu l’ambition d’être directeur général d’une entreprise privée ou publique avant 40 ans », fait savoir l’ambitieux banquier.

Promotion du management local

Après avoir démarré avec deux personnes dans la direction du corporate banking à Procredit Bank, Eric Ntumba est actuellement à la tête d’une équipe de plus de 50 personnes, incluant les 5 agences qu’il supervise. Par ailleurs, le jeune directeur a réussi l’exploit de faire passer, en moins de trois ans, de 6 millions Usd à 103 millions Usd le total des comptes du segment Corporate. Une accumulation de 97 millions de dépôts en moins de trois ans. « Il fallait réussir à vendre aux clients la capacité pour Procredit, banque de niche PME,  à faire du Corporate banking  dans les règles de l’art». Pour cela, Éric Ntumba s’est basé sur trois éléments: la qualité de l’actionnariat d’Equity Bank (Banque cotée en bourse avec plus de 30 000 actionnaires, meilleure banque kenyane dans presque tous les domaines, bien classée sur le plan international. « Donc une véritable success story africaine ». Par ailleurs, précise-t-il, en dehors d’Equity, l’actionnariat de Procredit compte également  la Banque mondiale à travers SFI ainsi que la coopération allemande KfW. « Procredit est donc un banquier qui rassure » ; 

Par ailleurs, le deuxième élément mis en avant par Éric Ntumba est le fait que Procredit Bank  est une banque à forte empreinte locale (plus de 40 agences et  un réseau Agency Banking avec 1500 agents agrées) et aussi la seule à avoir un directeur général congolais qui, à l’époque, avait moins de 40 ans. « Procredit Bank est dirigée par un groupe de jeunes managers congolais dont la moyenne d’âge est proche de 35 ans. C’est donc une banque à management local. Cela n’a aucun sens de voir des entreprises au Congo être systématiquement dirigées par des jeunes de notre âge venant d’autres pays africains, alors que nous avons les mêmes formations et les mêmes diplômes. Nous ne sommes pas contre la mobilité africaine mais il nous fallait réussir ce pari et contredire le fait de penser qu’il n’y aurait pas de bons managers congolais », se réjouit-il. Actuellement, au regard du succès du corporate banking, de nouvelles opportunités à fort potentiel (Private banking, Diaspora banking) ont été confiées à Éric Ntumba s’ajoutant à ses responsabilités précédentes afin d’accélérer la croissance de la banque. « C’est une marque de confiance dont je suis reconnaissant vis-à-vis de ma direction générale ».

Sanction positive d’un parcours

Éric Ntumba fait également partie du programme « Emerging leaders » d’Atlantic dialogues qui met ensemble dix leaders par continent issus des quatre continents qui bordent l’Atlantique.  « Étre sélectionné dans ce type de programme très sélectif est toujours la sanction positive d’un parcours. J’ai eu l’occasion de participer à la première promotion du Mandela Washington fellowship (Yali) en 2014. On a fait presque deux mois aux USA et avons rencontré le président Obama et son administration. Sur plus de 70 000 candidats, seules 500 personnes ont été retenues. La cohérence d’un parcours est cruciale. Le leadership passe par le dialogue, il faut réussir à convaincre, à inspirer et à porter un message », conclut-il.


Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 Éric Ntumba Photo 2 Éric Ntumba Lors d'une conférence "Emerging Leaders Photo 3 Éric Ntumba à L'ENA, Photo 4 Éric Ntumba à Marrakech avec quelques "Emerging leaders" Photo 5 Éric Ntumba dans son bureau Photo 6 Éric Ntumba avec l'ancien secrétaire d'État américain John Kerry