Les Dépêches de Brazzaville



Protection de la faune: une enquête révèle un grave manque de soins de santé de base au profit des gardes forestiers


Les résultats de la plus grande enquête jamais réalisée sur les conditions de travail des  éco-gardes en Asie et en Afrique, avant la conférence sur le commerce illégal des espèces sauvages à Londres, révèlent les dures réalités de leur travail.

Parmi les constatations les plus frappantes, cette étude a établi le manque de ressources de base, comme un abri et de l’eau potable. « 60% et 58% de ceux interrogés ont déclaré ne pouvoir y accéder que très rarement, voire aucune fois », a noté cette enquête dont le WWF a fait écho.

L'étude a également révélé que dans le monde, un éco-garde sur quatre avait contracté le paludisme au cours de la dernière année et 80% d’entre eux ont indiqué qu'ils n'avaient guère ou pas d'accès à des moustiquaires pendant leur patrouille. En ce qui concerne la répartition par région, en Afrique, 72% avaient été frappés par le paludisme; ce chiffre tombe à 16% en Asie du sud et à 12% en Asie du sud-est. « Ces hommes et ces femmes sont en première ligne et risquent tout pour la protection de la nature et de la faune. Cette enquête et ses conclusions révélatrices seront décisives si les gouvernements prennent note des résultats et répondent immédiatement aux besoins de soins de santé de base et aux éco-gardes. Nous perdons la nature rapidement et nous sommes en pleine crise de braconnage; les gardes forestiers ont besoin d'une formation et d'équipements adaptés à la pénibilité  de leur travail. Nous devons nous rappeler qu’il y a tellement d’enjeux si les gouvernements les laissent tomber », a déclaré la responsable des pratiques de la faune au WWF, Margaret Kinnaird.

Réalisée par le WWF avec le soutien de la Ranger federation of Asia et de l'université de Floride centrale, l'enquête couvre plus de quatre mille six cents rangers employés par les gouvernements sur deux cent quatre-vingt-quatorze sites dans dix-sept pays d'Asie et d'Afrique.

Un travail périlleux

Dans les autres résultats-clés, il est noté que 82% des rangers pensent que leur travail est dangereux en raison des risques graves associés à la rencontre ou aux affrontements de braconniers. Pourtant, 50% ne bénéficient pas d’une assurance couvrant les accidents mortels au travail. 38% des enquêtés ont estimé qu'ils n'avaient pas reçu une formation adéquate au moment de leur prise de poste et que les cours de recyclage ne faisaient pas non plus l'objet de rapports fréquents.

Les éco-gardes ont estimé travailler en moyenne plus de 76 heures par semaine, jour et nuit, pour moins de neuf dollars américains par jour; alors que 59% n’ont pas accès aux dispositifs de communication de base en patrouille, 45% doivent payer pour leur uniforme et 35% achètent leurs propres bottes.

Selon cette étude, seulement 38% des personnes mariées (75%) peuvent vivre avec leur famille en raison de contraintes liées à l'emploi comme le manque de temps, d'infrastructures, de moyens de transport et des conditions dangereuses. « Le problème auquel sont confrontés les rangers pendant les patrouilles est que nous n’avons pas le matériel adéquat pour effectuer notre travail, comme des bottes et des imperméables », a déclaré aux enquêteurs un éco-garde qui a souhaité rester anonyme.

Cette enquête souligne également l’importance des relations entre les communautés et les éco-gardes. « Si l’on tient compte de la moyenne mondiale, plus de 80% de ceux-ci reconnaissent que le succès de leur travail dépend de l’information fournie par la communauté et 78% pensent que les membres de la communauté leur font confiance. Cependant, un sur trois a été soumis à des violences verbales, à des brimades, au harcèlement ou à des menaces de la part des communautés locales lors de ses patrouilles. En outre, 9% ont été victimes de violence physique, même s’il est intéressant de noter que des membres de la communauté ont parfois été confondus avec des braconniers locaux, ce qui pourrait entraîner une inflation de ce nombre », a noté cette étude.

Pour le responsable du WWF et président de Ranger federation for Asia, Rohit Singh, « améliorer les relations entre les éco-gardes et les communautés locales est une priorité absolue ». Les éco-gardes, a-t-il fait observer, ne peuvent pas préserver les zones protégées sans l’appui des communautés locales et des peuples autochtones qui vivent dans et autour de ces zones. Rohit Singh a, enfin, relevé un travail qui est en train d’être fait sur différentes approches qui peuvent aider à établir des partenariats entre les communautés et les éco-gardes. Toutefois, a-t-il souligné, les gouvernements doivent intensifier leurs efforts et contribuer à les amplifier car ils doivent aller au-delà de la conservation pour obtenir un impact durable.                                              

En prévision de la prochaine conférence de Londres sur le commerce illégal d’espèces sauvages, note un communiqué de WWF, l’ONG internationale active dans le domaine de conservation appelle « les gouvernements à examiner et à remédier d’urgence aux carences qui mettent en danger la vie des éco-gardes et, par conséquent, la nature et la faune ». Pour le WWF, en effet, une formation adéquate, notamment une formation aux premiers secours largement adoptée pour les rangers, des plans de soins de santé d'urgence rigoureux, ainsi que du matériel et des dispositifs de communication adaptés aux conditions sur le terrain devraient figurer parmi les questions à examiner de toute urgence.

En outre, l’ONG préconise qu’une couverture d'assurance à 100% contre les blessures graves et les pertes de vie est essentielle pour les éco-gardes et leurs familles. De l’avis du WWF, les gouvernements doivent chercher à faciliter la confiance et à améliorer les relations entre les éco-gardes  et les peuples autochtones ainsi que  les communautés locales.


Lucien Dianzenza