Les Dépêches de Brazzaville



Suspension de l’installation des sénateurs : malaise au sein de la coalition FCC-Cach


Les conclusions de la réunion interinstitutionnelle ayant abouti à la suspension du processus de renouvellement de la chambre haute du parlement inquiètent. Prises sur la base des allégations de corruption ayant émaillé les sénatoriales du 15 mars, elles deviennent lourdes de conséquences au plan politique, puisque chamboulant un processus électoral qui tendait, lentement mais sûrement, vers son parachèvement. Elles fragilisent presque la coalition de gouvernance née de la fusion entre le Front commun pour le Congo (FCC) et le Cap pour le changement (Cach).     

Le FCC qui s’est réjoui d’avoir réalisé un carton plein en remportant la quasi-totalité des sièges au Sénat, n’est pas prêt à laisser filer la probabilité de contrôler les deux chambres du parlement en tant que première force politique du pays. Faisant fi des allégations de corruption ayant émaillé ce scrutin dans les assemblées provinciales dont se seraient rendus coupables ses candidats sénateurs, le FCC est catégorique. La plate-forme de l’ex-président, Joseph Kabila, ne souscrit aucunement aux décisions de la réunion interinstitutionnelle qui, d’après elle, vont à l’encontre de la Constitution et des lois de la République.

Dans un communiqué publié au lendemain de cette réunion, le FCC a rejeté en bloc ces mesures et dénié à la réunion interinstitutionnelle le droit d’exercer de telles prérogatives. « En tant que cadre de concertation ne disposant d’aucun pouvoir de décision, l’interinstitutionnelle ne serait fondée qu’à formuler des recommandations aux institutions constitutionnellement habilitées à prendre des décisions dans les matières ayant fait l’objet de ses délibérations », argue-t-on du côté du FCC.

Le coordonnateur du comité stratégique de cette plate-forme, Néhémie Mwilanya, estime que la réunion interinstitutionnelle a outrepassé ses limites en reportant sine die l’élection des gouverneurs, un domaine relevant, au terme de la Constitution, de la compétence exclusive de la Commission électorale nationale indépendante. « C’est donc exclusivement à cette structure indépendante que revient la charge de fixer le calendrier électoral et, le cas échéant, de le modifier », a-t-il fait observer. Tout en invitant les parties prenantes au processus électoral à donner un sens à leur engagement en œuvrant en faveur de son parachèvement, le FCC a exhorté ses sénateurs nouvellement élus « à rejoindre le Sénat pour la validation de leurs mandats au plus vite possible ». Un coup de force en perspective.      

Un partenariat qui prend déjà du plomb dans l'aile

Un discours qui est loin de favoriser la bonne entente entre le FCC et le Cach dont le partenariat politique semble battre de l’aile. En effet, les deux forces politiques se livrent actuellement un duel à distance via leurs partis-phares, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie ( PPRD) et l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), dont les vues diamétralement opposées sur la controverse suscitée par l’élection des sénateurs ne sont pas non plus de nature à arranger les choses. Déjà, les jeunesses de deux partis ont développé, jusqu’il y a peu, des discours acérés sur fond d’escalade verbale après les échauffourées du début de la semaine ayant conduit à l’attaque du siège du PPRD. Des militants de l’UDPS, non contents de l’échec de leur parti aux sénatoriales, s’en sont vertement pris au parti de Joseph Kabila, indexé dans la vague de corruption ayant gangrené ce scrutin. D’où l’indignation du PPRD qui a vite fait de mettre en garde le parti de la 12e rue/Limete qui a fini par faire amende honorable.    

Au PPRD, l’on ne s’explique pas que le successeur de son autorité morale puisse empêcher l’installation des sénateurs autres que ceux de l’UDPS. Patrick Nkanga, le rapporteur du bureau politique du PPRD, invite l’UDPS à faire mauvaise fortune bon cœur, étant donné que son parti s’est retrouvé, en 2007, dans une situation quasi similaire et cela ne lui a pas empêché de continuer à exister en tant que parti politique. « Il ne sert à rien d’induire le président Tshisekedi qui n’est même pas encore à cent jours de son pouvoir vers une crise infructueuse. Nous tenons à la coalition que nous lie au Cach, nous tenons aux valeurs républicaines et nous tenons à l’Etat de droit », a-t-il déclaré.

Cependant, à l’UDPS, l’on se félicite de la décision suspendant le nouveau Sénat. Le parti de Félix Tshisekedi estime qu’elle est conforme à l’article 69 de la Constitution qui donne au chef de l’Etat le pouvoir d’assurer, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, des institutions ainsi que la continuité de l’Etat.

Pour maints analystes, les décisions prises par l’Interinstitutionnelle dissimulent mal les gages d’autonomie que Félix Tshisekedi tente de donner à l’opinion qui voudrait le voir s’affranchir définitivement de la tutelle « kabiliste » en prenant véritablement ses propres marques. Dossier à suivre.


Alain Diasso