Les Dépêches de Brazzaville



Tailleur de pierre : au-delà de l’art, une passion


Loin des regards indiscrets, Christian Guannoni, forme depuis cinq ans des jeunes Congolais au métier de tailleur de pierre. Un métier bien difficile. « Certains s’intéressent à ce métier et poursuivent la formation qui peut être très longue. Même moi aujourd’hui après 30 ans de carrière, j’apprends encore. En général, nous recevons 20 à 25 personnes par an. C’est très intéressant d’inculquer ce que l’on connait », a déclaré le formateur français.

Héritier des bâtisseurs de cathédrales, le tailleur de pierre est un véritable artiste. Dépositaire d'un savoir-faire ancestral, il n'en est pas moins ouvert aux dernières évolutions technologiques. Il possède l’art de la coupe des pierres : la stéréotomie. Le tailleur de pierre peut intervenir dans toutes les phases de travail : de l'extraction de la pierre à la pose. Il doit tirer le meilleur parti d'un bloc venant de la carrière pour réaliser des éléments tels que des linteaux, des arcades, des voûtes, des façades, des socles, des cheminées, des éléments d'escalier ou de fenestrage. Relevé, esquisse, calepinage, pose ou ravalement sont les activités qu’il est amené à exercer.

Pour ainsi dire, n’est pas tailleur de pierre qui le veut. Il faut sans nul doute manifester un intérêt pour le travail de la pierre, avoir une aptitude au travail en extérieur, une bonne perception des volumes, surtout une bonne forme physique. Rien ne s’improvise dans ce métier.

Le tailleur de pierre découpe, assemble et polit les pierres en atelier. Il se rend ensuite sur le chantier afin d’installer ses créations. Encore mal connu des Congolais, le centre de formation - au travers l’encadrement des jeunes – fait la promotion de ce métier. Même si la majorité des tailleurs de pierre ont un statut d’artisan, aucun critère exigeant n’est imposé à l’apprenant. En clair, la formation ne nécessite aucun diplôme, ni même des frais d’apprentissage. Il suffit simplement d’un peu de volonté. Durant son parcours, le tailleur de pierre peut évoluer du statut d’apprenti, tailleur, appareilleur, jusqu’à celui de chef de chantier, voire entrepreneur.

Un travail de dur labeur

Les roches extraites des carrières arrivent à l'atelier sous forme d'épaisses tranches. Avant de se lancer dans les délicates opérations du façonnage, le tailleur de pierre commence par scier et débiter ces gros blocs de pierre. Un travail qui s'effectue aujourd'hui à l'aide de tronçonneuses équipées d'un disque en diamant. S'inspirant des dessins qui lui ont été transmis par l'architecte, le tailleur modèle la pierre de taille jusqu'à lui donner la forme recherchée, selon la commande. Au-delà du simple artisan, le tailleur de pierre fait preuve de goût, d'imagination et de créativité. La pratique du dessin lui permet de développer et d'affiner sa perception des formes et des volumes. Habile de ses mains, il a le geste précis et sûr. À en croire Christian Guannoni, l'aisance vient au fil des années, avec beaucoup de pratique.

La pierre n’est pas un matériel malléable qui s'apprivoise en un jour. Un tailleur de pierre doit donc se montrer patient, comme en témoigne le formateur : « Savoir magner les outils et avoir un minimum de connaissance de tracé, donner la forme à la pierre, c’est assez facile. Ce qui est difficile par contre c’est la pierre elle-même. C’est extrêmement dur et extrêmement abrasif. La pierre est très dure et, du fait, use énormément les ciseaux. C’est pour cela d’ailleurs qu’on a un forgeron qui fabrique au quotidien des outils ».

Autre qualité indispensable : la minutie. Un outil qui dérape, un coup de burin en trop et l'œuvre en gestation est irrémédiablement abîmée. Un métier difficile que seule la passion peut rendre facile. Il suffit de se rendre au Club hippique de Brazzaville, à Guénin Moungali, Bacongo et bientôt Guénin beach pour contempler la beauté de cet art, quand la pierre obéit à la géométrie au gré de l’artiste.


Josiane Mambou Loukoula

Légendes et crédits photo : 

Photo1: Façade de Guénin Bacongo en construction Photo 2: Les jeunes en plein exercice au centre de formation