Les Dépêches de Brazzaville



Un million d'espèces menacées d'extinction : la survie de l'homme en jeu


Dans un rapport alarmiste publié lundi, un groupe de quatre cent cinquante experts de l'ONU sur la biodiversité (IPBES) peint un tableau sombre de l'avenir de l'être humain. "Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier", décrit Robert Watson, président de l'IPBES.

Déforestation, agriculture intensive, surpêche, urbanisation galopante, mines : 75% de l'environnement terrestre a été "gravement altéré" par les activités humaines et 66% de l'environnement marin est également touché. Résultat, un million d'espèces animales et végétales sur les huit millions estimées sur terre, sont menacées d'extinction, dont beaucoup dans les prochaines décennies. Cela concerne plus de 40% des amphibiens et un tiers des récifs coralliens, des requins et des mammifères marins. Les estimations sont moins certaines concernant les insectes, dont 10% des 5,5 millions d'espèces seraient menacés.

Les hommes ne sont pas tous égaux face à cette perte de biodiversité, les pays développés consommant toujours plus, souvent en important les ressources du reste du monde. Alors que le PIB par habitant est cinquante fois plus élevé dans les pays riches que les pays pauvres, 40% de la population du globe n'a pas accès à de l'eau potable et plus de huit cents millions de personnes en Asie et en Afrique sont confrontées à l'insécurité alimentaire. Des inégalités qui peuvent conduire aux tensions. Ainsi, le rapport décompte "plus de deux mille cinq cents conflits en cours liés à l'énergie fossile, à l'eau, à la nourriture et aux terres", avec au moins mille journalistes et militants environnementaux tués entre 2002 et 2013.

La qualité de vie risque de se dégrader encore plus pour les plus pauvres de la planète, poursuit le rapport, et pour les régions abritant les peuples autochtones très dépendants de la nature. Pourtant, ces derniers sont parvenus par leurs savoirs, intégrés et reconnus pour la première fois à ce niveau,  à limiter ce déclin de la biodiversité, qui toutefois se trouve "sous une pression de plus en plus importante".

"Il n'est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous commençons à le faire maintenant et via un changement transformateur de notre société pour ralentir les moteurs de la perte de biodiversité qui menace l'Homme au moins autant que le changement climatique », estime Robert Watson.

Les cinq principaux coupables sont clairement identifiés dans ce rapport sur lequel ont travaillé quatre cent cinquante experts pendant trois ans : dans l'ordre, l'utilisation des terres (agriculture, déforestation), l'exploitation directe des ressources (pêche, chasse), le changement climatique, les pollutions et les espèces invasives. Et même si l'accord de Paris sur le climat qui vise à limiter le réchauffement à maximum +2°C est respecté, le changement climatique pourrait grimper au classement, tout en aggravant les autres facteurs.

Des actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre pourraient aussi entraîner des effets bénéfiques directs sur la nature, permettant peut-être de sortir de ce cercle vicieux. Première cible : le système agro-alimentaire. Nourrir dix milliards de personnes en 2050 de façon "durable" implique une transformation de la production agricole (agro-écologie, meilleure gestion de l'eau) et des habitudes de consommation (régime alimentaire, gaspillage), souligne le document.

Mais alors que ce rapport évoque des pistes, sans être prescriptif, reste à savoir si les Etats membres de la Convention de l'ONU sur la diversité biologique (COP15) se fixeront lors de leur réunion en Chine l'an prochain les objectifs ambitieux espérés par les défenseurs de l'environnement pour une planète durable en 2050.

Le rapport de l'IPBES évoque d'autres outils à disposition des gouvernements pour améliorer la "durabilité" du système économique, comme des quotas de pêche "efficaces" ou une réforme des aides publiques et de la fiscalité. Il évoque même la nécessité de s'éloigner du dogme de la croissance. "Il s'agit de considérer la qualité de vie et non la croissance économique comme objectif", indique l'un des principaux auteurs, Eduardo Brundizio.

 

 


D'après AFP