Poésie : " Les cantiques incandescents" de Serge Eugène Ghoma Boubanga à l’honneur

Jeudi 6 Juin 2019 - 20:45

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Les textes du poète ont été déclamés lors d’une rencontre littéraire, intitulée « Gourmandise poétique », à la librairie Les Mangiers des Dépêches de Brazzaville.

Les textes de Serge Eugène Ghoma Boubanga ont été déclamés respectivement par Stan Matingou, les jeunes du club de lecture et d’écriture (Clé) et le groupe de Clorus. Parmi ces textes, "On raconte, mais on raconte quoi ? ". Mais l’un des temps forts de cette rencontre a été la lecture faite par Prosper Descieux Bassaboukila de "Une ode à la création et à la vie", en lien avec le troisième recueil de poèmes de l’auteur : "Cantiques incandescents" (poème), paru aux éditions l’Harmattan Paris, collection Afrique Poésie, 2015 ; une préface de Boniface Mongo-Mboussa.

Ces poèmes en vers libres sont écrits pour être chantés d’où l’absence de titres. Ainsi Prosper Descieux Bassaboukila pense que le vocable cantique qui, d’ailleurs, renvoie au chant religieux, donne un sens solennel à ces poèmes de feu qui, par certaines thématiques telles le souvenir de l’esclavage, sont proches du Negro spiritual. La construction variée de ces poèmes tantôt courts tantôt longs, ne dépassant pas une page chacun, permet de dire que le poète exerce une économie du langage qui n’entache en rien sa verve limpide et fluide, à l’exemple de ces vers : « Faire l’amour à la lune /Semble périlleux/Lorsqu’on tient le ciel/Eloigné de son lit » (p.26). La force du verbe enivre le poète et l’emmène à clamer un lyrisme à la gloire de la ville, de la nature, de la mer, du rêve, de l’amour, de la mort...

En effet, poursuit-il, le poète n’est point resté dans sa tour d’ivoire. Il plonge son regard du haut de son perchoir pour contempler la ville et ses merveilles. Cette ville qu’il porte dans son être comme une excroissance. Cette ville, Pointe-Noire, la perle du bassin du Congo ? Pointe-Noire l’envoutée. Pointe-Noire la dévergondée comme un pagne jeté au bord du vaste océan, à l’exemple de ce vers : « Ponton-la-Belle/Soumise aux amants vagabonds »

Le poète Serge Eugene Ghoma Boubanga s’insurge contre la pollution et l’insalubrité qui rongent la ville océane et la transgressent dans la mémoire de son enfance. « Des eaux boueuses et immondes/ Sillonnent la ville à leur façon » (P14).

Sous la plume du poète, Pointe-Noire semblable à une fleur libère ses effluves, telle une branche, Mvou-Mvou devient un bois sacré/ « Refuge des esprits tutélaires » (P13). Le poète chante sa ville avec la douceur d’un jeune amoureux.        

Il n’hésite pas de convoquer la mer au tribunal du souvenir comme témoin actif de l’histoire. Cette mer qui remémore en lui le souvenir douloureux de la traite négrière et des lieux d’embarcation : « Dressée sur les flancs de la colline/Qui borde le vil Océan/la route des esclaves/Se dessine tel un mystère » (P65). En véritable côtier à l’instar de Tchicaya Utam’Si, Tati Loutard, Serge Eugène Ghoma Boubanga ne craint pas de chanter son identité congolaise dans un beau panégyrique national ou il chante ses origines Kongo, ses racines océanes, la royauté du Makoko et la magie des forêts sacrées de la cuvette avant de dire sa race.

« Cantiques incandescents » est un ouvrage qui s’ancre dans la tradition poétique congolaise

Deux autres thématiques interpellent le lecteur dans ce recueil de poème? à savoir l’amour et la nature. Dans des poèmes langoureux et imagés, le poète chante l’amour la Canso d’Amor, c’est-à-dire le véritable amour psalmodié par les troubadours et les trouvères : « Ce matin j’ai bu à la source de la nymphe/Un torrent suave au nectar de figue/ Qui chaque jour demande à renaitre/ Comme une nouvelle semence » (P76). Chez Serge Eugene Ghoma Boubanga, l’amour va au-delà des sentiments, tantôt joies, tantôt peines. D’ailleurs, à la page 27, le poète rend hommage à Radegonde, sans doute la dame aimée, son épouse à qui il dédie l’ensemble du recueil. Il chante aussi l’instant présent fait de délice organique : « Je m’assiérais contre ton sein/ Celui de gauche qui respire l’amour/Pour m’entendre dire un petit murmure » (P28).

A vrai dire, le poète peint l’amour avec les images fortes allusives presque incarnées. Cet amour au-delà de son épouse, le relie aussi aux êtres aimés tels le poème dédié à Yoyonne à qui il promet d’inscrire le nom de sa descendance sur le fronton de sa demeure intime (P88).

"Cantiques incandescents"  sont un hymne à la beauté du monde. Une invitation au voyage imaginaire à travers les mots, les images, les sentiments et les questions consubstantielles à notre devoir de vivre et d’aimer. 

Prenant la parole à son tour, l’invité du jour, Serge Eugène Ghoma Boubanga, s’est dit surpris par la densité des déclamations. « Je suis autant que vous séduit par la profondeur des mots, la densité de l’émotion suscitée par des mots, mais également par le talent des acteurs, qui en fait donnent de son sens à la poésie, qui en fait ne doit pas demeurer enfuie dans les livres, mais qui peut susciter davantage d’émotion en étant déclamée de la sorte. Donc, je saisis cette occasion pour remercier les organisateurs ; vous, qui avez bien voulu m’associer à cet évènement et je suis également heureux de vous savoir nombreux pour partager cette gourmandise, qui j’espère bien, me rassasiera d’ici à la fin de notre rencontre », s'est-il exprimé.

Qui est Serge Eugène Ghoma Boubanga ?

Serge Eugène Goma Boubanga a vu le jour le 12 décembre1966 à Pointe-Noire. Il a fait ses études primaires à l’école des cadres, actuelle fraternité à Brazzaville, et Jean-Félix-Tchicaya à Pointe-Noire. En 1978, il réussit au concours pour entrer à l’école militaire préparatoire des cadets de la révolution, actuelle école militaire général Leclerc. Après son baccalauréat en 1956, il affronte la vie universitaire et en 1988 et obtient une licence en droit à l’université Marien-Ngouabi de Brazzaville, avant d’aller suivre un parcours d’études supérieures en sciences politiques à l’université Paris 1. Officier supérieur des Forces armées congolaises, il occupe actuellement les fonctions de chancelier, directeur technique de la Grande chancellerie des ordres nationaux.

Enfin, la rencontre s’est achevée par la remise du tableau au poète par l’artiste peintre Mongo Etsion.                 

Bruno Okokana & Larsain Polmer Nkenda Zasset (stagiaire)

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Le poète Serge Eugène Ghoma Boubanga (crédit photo Désiré Kinzenguélé) Photo 2 : Stan Matingou déclamant les textes de Serge Eugène Ghoma Boubanga (crédit photo Désiré Kinzenguélé) Photo 3 : Remise du tableau par le peintre Mongo Etsion à Serge Eugène Ghoma Boubanga (crédit photo Désiré Kinzenguélé)

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