Médecine pour tous. Cœur et sport (deuxième partie)

Jeudi 13 Juin 2019 - 14:00

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Dans la première partie de ce propos, nous avons esquissé le profil physiologique d’un sportif entraîné en mettant l’accent sur les remodelages adaptatifs mais réversibles observés sur un tel terrain et souvent étiquetés « cœur d’athlète ». Cependant, nous avons dit que ce niveau constituait une interface avec la pathologie de la pratique sportive. Nous en venons à ce dernier aspect pour parler des pathologies observées au cours de certaines formes de sport (entraînements répétés, endurance, compétition; etc.).

Anomalies cardiovasculaires générées par certaines variétés de sports

Symptomatologie fonctionnelle. Alors que le « cœur d’athlète » stricto senso est asymptomatique, il peut apparaître chez un sportif jeune entraîné des troubles à type de : a) malaises, crise de palpitations, vertiges en station debout, voire syncopes attribuables à plusieurs mécanismes (hypotension artérielle, hyper vagotonie, stagnation veineuse périphérique, trouble du rythme et de la conduction cardiaques) ; b) pincements ou douleurs thoraciques antérieures. Ces manifestations doivent être documentées pour une éventuelle prise en charge.

Symptômes physiques. L’examen médical peut trouver le souffle systolique habituel, un pouls lent, une pression artérielle abaissée et, parfois, des signes de choc durant un malaise.

Radiographie thoracique. Il y a certes le gros cœur (cardiomégalie) connu du sportif, mais il peut y avoir, notamment, une stase circulatoire des poumons, témoin de l’incapacité du ventricule à assurer une hémodynamique requise. Cet aspect est pathologique car suggestif d’une cardiomyopathie dilatée (CMD).

Electrocardiogramme (ECG). Complété, s’il y a lieu, par le Holter-ECG et la recherche des potentiels ventriculaires tardifs, il peut montrer : a) un bloc cardiaque complet (avec, par exemple, fréquence ventriculaire <40 battements/minute (bpm) mais fréquence des oreillettes ≥110 bpm.) ;b) une fibrillation atriale (fréquence des battements des oreillettes ≥450 bpm, des extrasystoles ventriculaires groupées; c) des signes d’insuffisance coronarienne, voire d’infarctus du myocarde.

Echocardiographie-Döppler. Cet examen est certainement le plus accessible et le mieux indiqué pour documenter les différentes pathologies et pour prendre des décisions appropriées, selon les modalités ci-après. A) Aspects typiques du cœur d’athlète régulièrement entrainé : masse ventriculaire gauche augmentée, parois ventriculaires gauches homogènement épaissies avec épaisseur du septum (cloison inter-ventriculaire) <13 mm, diamètre diastolique du ventricule gauche ou DVGd tel que <55 DVGd ≤70 mm, fonction systolique normale, régurgitation mitrale (0 ou minime), pression artérielle pulmonaire normale. B) Par contre, en cas de cardiomyopathie hypertrophique (CMPH) : masse ventriculaire gauche également augmentée, parois ventriculaires gauches inhomogènement épaissies avec rapport des épaisseurs tel que SIV/PP >1,3 (SIV=épaisseur du septum, PP= épaisseur de la paroi postérieure), DVGd <45 mm, fonction systolique normale, régurgitation mitrale (++), pression artérielle pulmonaire normale ou augmentée. C) Ou en cas de cardiomyopathie dilatée (CMD) : masse ventriculaire gauche également augmentée, parois ventriculaires gauches amincies avec une épaisseur < 11mm, rapport des épaisseurs tel que SIV/PP =1, DVGd à 55-100 mm, fonction systolique diminuée, régurgitation mitrale (++, fonctionnelle), pression artérielle pulmonaire augmentée.

Au total, l’essentiel à retenir à ce niveau. 1) Le cœur d’un sportif entraîné (cœur d’athlète) est asymptomatique, gros mais lent, vigoureux et performant. 2) Dans certains cas, surtout chez le sportif surentraîné, certains troubles peuvent s’observer, à type de vertiges, douleurs thoraciques atypiques, hypotension artérielle ou troubles du rythme cardiaque pouvant entraîner un malaise. Voilà pourquoi un sportif doit subir des contrôles médicaux réguliers. 3) Le gros cœur du sportif peut, à la longue, présenter des aspects en apparence pathologiques. On discute alors soit une cardiomyopathie hypertrophique, soit une cardiomyopathie dilatée (maladies du muscle cardiaque). Dans ces cas, l’échocardiographie-Döppler tranche : la fonction myocardique est normale chez le sportif, abaissée en cas de myocardiopathie. 4) Ces situations et celles, plus graves décrites dans la prochaine et dernière partie de ce propos, justifient la règlementation médicale de la pratique des activités sportives à laquelle les sportifs doivent se soumettre.

Christophe Bouramoué, professeur émérite, nbouramoue@yahoo.fr

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