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Sur l’entretien de l’Elysée

Mardi 3 Septembre 2019 - 14:15

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À la veille de l'entretien qui se déroulera demain au Palais de l'Elysée entre Emmanuel Macron et Denis Sassou N'Guesso personne, bien sûr, ne saurait dire avec certitude ce que se diront les deux hommes d'Etat. Mais cela n'empêche nullement les observateurs que nous sommes d'avancer les idées suivantes qui, nous semble-t-il, se trouveront inévitablement au coeur de cette rencontre et qui  résultent précisément de la simple observation quotidienne de la scène mondiale, des changements qui s'y précisent, des nouveaux rapports de force qui en découlent.

La première de ces idées est que la France doit impérativement resserrer ses liens avec l'Afrique dans son ensemble si du moins elle veut conserver son statut de grande puissance. Confronté à la crise qui frappe l'Europe avec le départ brutal du Royaume-Uni, avec la résurgence des nationalismes, avec l'afflux incontrôlé et incontrôlable des migrants, avec la politique de "l'America first" que prône le président américain Donald Trump, le locataire actuel de l'Elysée doit renouer avec les dirigeants africains les liens de confiance que ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, n'ont pas su préserver à la différence de François Mitterrand et de Jacques Chirac. Emmanuel Macron, qui est un homme pragmatique, le sait parfaitement et s'emploie d'ailleurs à le faire comme l'ont démontré les actions diplomatiques menées tout au long des derniers mois, en particulier l’invitation à Biarritz de plusieurs dirigeants africains dans le cadre du G 7. L'entretien à venir avec Denis Sassou N'Guesso s'inscrit parfaitement dans ce cadre.

La deuxième idée est que, dans un tel contexte, l'Afrique centrale ou plus exactement le Bassin du Congo doit retrouver sa place dans la politique extérieure de la France. Pour au moins les deux raisons suivantes que Denis Sassou N'Guesso est le mieux à même de développer devant  son interlocuteur : d'abord parce que la stabilisation de  cette immense région, qui, est la plus riche du continent donc la plus convoitée et de ce fait la plus menacée par les forces occultes qui tentent d'en exploiter les richesses naturelles en dehors de tout cadre légal, sa stabilisation donc est l’un des principaux enjeux du début de ce millénaire ; ensuite parce que le Bassin du Congo est le deuxième poumon de la planète et qu'il importe au plus haut point d'aider les Etats qui le composent à lutter contre la déforestation, à protéger le fleuve et ses nombreux affluents, à préserver les tourbières où se recycle une bonne part de l'air que nous respirons, bref à faire du Fonds Bleu créé à Oyo il y a deux ans un agent majeur de la lutte contre le dérèglement climatique.

La troisième idée est que, dans ce contexte, l'histoire, la grande Histoire qui vit la France assurer par deux fois sa survie dans le siècle précédent grâce aux relations étroites qu'elle avait nouées avec l’Afrique à l’époque de la colonisation peut et doit y retrouver toute sa place. Dans le moment même où Emmanuel Macron s'emploie à célébrer les grands évènements qui permirent à la France, avec l'aide de ses alliés, de retrouver sa liberté, il importe au plus haut point de se souvenir que les tirailleurs congolais se sont sacrifiés pour elle pendant la Première Guerre mondiale, que Brazzaville a été la capitale de la France libre pendant la Deuxième Guerre mondiale, mais aussi que, bien avant ces évènements, Pierre Savorgnan de Brazza avait su créer le lien historique entre le Congo et la France qui permit plus tard cette coopération. Alors que celui-ci repose aujourd'hui avec les siens au cœur du Mémorial élevé sur la rive droite du fleuve Congo, redonner à l'Histoire toute sa place ne serait-elle pas la meilleure façon de resserrer les liens entre la France et l'Afrique équatoriale à laquelle elle doit tant ?

En conclusion de ce qui précède, ne serait-il pas logique, symbolique même, que Brigitte et Emmanuel Macron viennent un jour prochain à Brazzaville s’incliner devant la tombe de Pierre Savorgnan de Brazza puis accueillir Antoinette et Denis Sassou N’Guesso dans la très historique Case de Gaulle où se joua le sort de la France dans les années quarante du siècle précédent ?

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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