Biennale « Yango »: la deuxième édition annoncée pour novembre 2020

Mardi 3 Septembre 2019 - 15:25

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Après la première édition organisée en 2014 sous la direction artistique de la Zimbabwéenne Sithabile Mlotshwa, le prochain rendez-vous, explique-t-on, revient avec une nouvelle formule.

 

La biennale, expliquent les organisateurs, va discuter des nouvelles voies pour l’art avec la ville de Kinshasa, dont l’immensité géographique et symbolique est le miroir de l’immensité du Congo lui-même, en tant que territoire physique et imaginaire, fantasmé et répulsif, écrasant et désiré. « Son énergie créatrice et sa vitalité inépuisable sont un cadre idéal pour la création artistique dont la ville est connue comme un des viviers sur le continent africain », fait-on savoir.

Selon le chronogramme des activités, les choix des lieux d’exposition et d’interventions artistiques débutent ce mois de septembre, tandis que le mois de février 2020 sera consacré aux ateliers des artistes et chercheurs pour, indique-t-on, reconnecter la recherche et la création artistique dans la ville de Kinshasa et développer de nouvelles approches de présentation d’oeuvres d’art. Les résidences de création de la biennale débuteront en août 2020, pendant que le mois de novembre 2020 sera consacré à la semaine professionnelle, avec des interventions, des spectacles, des performances, des conférences, des lectures de portfolios et l'ouverture des expositions pour un mois.

« Reprendre »

La biennale « Yango » est animée par le concept de « Reprendre » du célèbre écrivain congolais VY Mudimbe. « Énonciations et stratégies dans les arts africains contemporains » est un chapitre de l'ouvrage "Papier blanc, encre noire. Cent ans de culture francophone en Afrique centrale (Zaïre, Rwanda et Burundi) ", publié en 1992.

VY Mudimbe a utilisé ce mot comme image de l’art africain actuel, d’abord dans le sens de renouer avec une tradition interrompue; renouer, non pas sous l’impulsion d’un désir de pureté, ce qui ne témoignerait qu’en faveur de l’imagination d’ancêtres disparus, mais bien d’une façon qui reflète les conditions d’aujourd’hui. « Reprendre » suggère ensuite l’idée d’un recouvrement, d’une appropriation méthodologique: le travail de l’artiste commence, en effet, par une évaluation des outils, des moyens et des fins de l’art au sein d’un contexte social transformé par le colonialisme, par des courants plus récents, les influences, les modes qui arrivent de l’extérieur. « Reprendre » implique enfin une pause ou un ressaisissement, une méditation, une réflexion portant sur l’acte de renouer et de recouvrer. « Marquée par des années de colonisation, de dictature et de guerres civiles dites d’exploitation de ressources minérales, Kinshasa, où la vie demeure précarisée dans une large mesure, porte les strates de sa mémoire tumultueuse à fleur de peau, comme si la ville, à travers l’attitude des corps, la danse, la musique et de tonitruantes prises de parole, voulait marquer l’instant, chaque instant, car l’instant est le seul lieu où l’évidence pour soi-même est possible », indiquent les organisateurs de cet événement culturel.

Ainsi, à travers des ateliers, des discussions et de l’expérimentation, la biennale Yango entend ouvrir la voie à de nouvelles façons de présenter de l’art, de proposer les créations d’artistes dans/à la ville, en considérant les enjeux démographiques, environnementaux et sociaux dans la ville ainsi que les cultures locales de représentation telles qu’en témoignent différents objets dits ethnologiques produits dans la région et collectionnés à travers le monde. Yango, explique-t-on, se considère donc comme un événement négociant l’espace pour l’imagination créatrice dans ce contexte d’apartheid racial devenu par la suite un apartheid des pouvoirs politique et économique pour finir en apartheid des moyens de l’imaginaire.

Les commissaires

Dans un souci de transdisciplinarité et inspiré par le projet Zone neutre, lequel expérimente, dans le contexte de Kinshasa, la rencontre entre des chercheurs extérieurs au domaine de l’art et des artistes contemporains désireux d’un dialogue susceptible d’élargir le champ théorique de leurs créations, Yango, indiquent les organisateurs, a pris l’option d’associer une chercheuse et universitaire ainsi qu' une commissaire d’expositions et chercheuse, avec l’ambition de définir avec elles, à travers des ateliers en amont de la biennale, des pistes sur une nouvelle manière de proposer de l’art à la ville de Kinshasa. Ainsi, pour son édition de 2020, la biennale aura comme commissaires Nadia Yala Kisukidi et Sara Alonso Gómez.

Née à Bruxelles d'un père congolais et d'une mère franco-italienne, Nadia Yala Kisukidi est maîtresse de conférences en philosophie à l’université Paris VIII Vincennes/Saint-Denis ainsi que membre du laboratoire d’études et de recherches sur les logiques contemporaines de la philosophie (LLCP). Elle a été vice-présidente du collège international de philosophie entre 2014 et 2016, où elle est directrice de programme depuis 2013. Ses travaux portent sur la philosophie française du XXe siècle, la philosophie de la religion et les pensées africaines. Nadia Yala Kisukidi étudie les notions d’humanisme et d’universalisme et leur répercussion dans le contexte colonial, repris dans une perspective critique selon plusieurs axes: historique, éthique et politique notamment.

Pour sa part, Sara Alonso Gómez est historienne de l’art, commissaire d’expositions et chercheuse dans le domaine de l’art contemporain. Elle est membre du laboratoire centre d’études et de recherches interdisciplinaires en lettres, arts et cinéma à l’université Paris Diderot et chercheuse invitée à l’université de Berne. Ses recherches portent sur la question de la « désobéissance artistique » et ses formes d’existence aujourd’hui face aux injonctions de l’ère globale. A la lisière entre l’art et le politique, ses projets de curation multimédia développent depuis une dizaine d’années une perspective transdisciplinaire et transglobale. Après avoir co-dirigé cinq ans durant la programmation artistique à la Fondation Ludwig de Cuba, elle a opté pour la profession de commissaire indépendante; à ce titre, ses expositions ont été présentées dans des institutions prestigieuses à travers le monde.

Sara Alonso Gómez conseille Uprising Art, la plate-forme d’études et de promotion de l’art des Caraïbes. Elle est également fondatrice de Calle C,programme de résidences croisées d’artistes et de chercheurs des Caraïbes et d’Afrique centrale.

Un héritage de Kiripi Katembo

Yango Biennale a été créée en 2013 par le photographe, réalisateur et producteur congolais Kiripi Katembo (décédé en 2015), avec l’ambition d’ouvrir à Kinshasa un cadre de présentation de projets artistiques, de réflexion et de discussions sur l’art à la hauteur des ambitions d’artistes souvent obligés de sortir du pays pour trouver des interlocuteurs et des espaces d’expression. La première édition de Yango a été organisée en 2014 sous la direction artistique de la Zimbabwéenne Sithabile Mlotshwa, avec la participation de trente artistes congolais et internationaux.

 

 

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

1- "Kongoastronaute", une oeuvre de Michel Ekeba présentée à la biennale Yango en 2014 2 - Une oeuvre lors de Yango 2014 3 - Nadia Yala Kisukidi 4 -Sara Alonso Gomez 5- Kiripi Katembo

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