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A propos du royaume Kongo

Lundi 9 Septembre 2019 - 12:19

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Il ne nous revient assurément pas de nous insérer après coup, nous simples observateurs de la scène quotidienne, dans le travail de bénédictin qui a permis de préparer, puis de conduire le colloque sur le thème « Vie et existence du royaume Kongo » qui s’est tenu, il y a près d’un an, à Brazzaville, dans le cadre prestigieux du Mémorial Pierre-Savorgnan-de- Brazza. Mais la publication des actes de cette rencontre à laquelle ont participé de nombreux historiens, philosophes, sociologues, diplomates et que commente ci-dessus Belinda Ayessa nous donne une excellente occasion de rappeler que les sociétés humaines, aujourd’hui plus encore qu’hier, ne progressent réellement que si elles gardent en mémoire, comprennent, approfondissent les événements dont elles sont issues. Une vérité qu’il convient d’autant plus de rappeler dans le moment présent que l’homme moderne se croit trop souvent capable de gérer son avenir sans tenir le moindre compte de son passé.

La force du royaume Kongo, telle qu’elle est apparue lors du colloque de Brazzaville et telle qu’elle se trouve confirmée par les six cents pages publiées par les Editions Cheikh Anta Diop, provenait tout à la fois de l’immensité des territoires sur lesquels il s’était construit, de la diversité des peuples qui y vivaient depuis des siècles, de l’entente qu’avaient su créer ses dirigeants successifs au fil du temps,  de la modernité des mœurs qui marquait cette société et dont témoignait notamment la place occupée par les femmes en son sein. Loin d’être dépassée dans le moment présent où les frontières, souvent artificielles, élevées entre les Etats durant les deux derniers siècles rendent difficile, parfois même impossible la coopération entre les peuples, cette force est plus que jamais nécessaire si l’on veut que l’émergence de cette partie de l’Afrique se concrétise rapidement.

Il n’est évidemment pas question de réécrire le passé et de remettre aujourd’hui en question la légitimité des Etats, ce qui aurait comme conséquence immédiate de plonger dans le chaos cette partie du continent. Mais il apparaît évident qu’une meilleure connaissance de ce passé permettrait d’accélérer le processus d’intégration régionale dont le meilleur peut sortir à brève échéance. La vieille Europe, qui s’affronta longtemps à fleurets démouchetés et provoqua deux guerres mondiales, est là pour apporter la preuve que la meilleure façon de construire la paix dans une vaste zone géographique est de rapprocher les peuples. Autrement dit de réaliser pacifiquement ce que des nations ont tenté d’imposer par la force dans le passé.

Dans un tel contexte, l’on ne saurait trop conseiller aux dirigeants présents du Bassin du Congo de lire avec la plus grande attention les Actes du Colloque « Vie et existence du Royaume Kongo ». Au-delà, en effet, du travail historique remarquable qui en a permis la publication, ils y puiseront des idées, des réflexions, des connaissances même qui leur permettront de mieux appréhender la voie qu’ils doivent suivre aujourd’hui s’ils veulent régler les problèmes infiniment complexes dont ils ont hérité et qui proviennent très directement des cassures provoquées jadis par des puissances étrangères au continent qui, elles-mêmes, tentaient d’imposer leur loi à leurs plus proches voisins.

Un mot pour conclure sur ce sujet très stratégique : le Congo est indiscutablement le pays d’Afrique centrale le mieux placé aujourd’hui pour décrypter ce que l’Histoire passée de cette partie du monde peut apporter à son Histoire présente. Le Musée de Loango à Pointe-Noire, le Mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza  et notre propre Musée-Galerie Congo à Brazzaville, le Musée Kiebe-Kiebe à Oyo sont là pour en témoigner. S’il s’engage résolument dans cette quête comme l’a démontré le colloque sur le royaume Kongo, il sera appuyé, soutenu, accompagné par les institutions du monde entier. A commencer par les Archives de France, du Portugal, d’Espagne qui conservent de véritables trésors historiques et ne demandent qu’à les partager.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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