Interview. Sinzo Aanza : « L’important n’est pas forcément l’aboutissement de l’événement mais tout le processus »

Mardi 1 Octobre 2019 - 14:19

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La biennale Yango, dont la première édition de 2014 avait connu un retentissement international, va lancer la seconde en 2020. À la suite de la conférence de presse tenue au début du mois dernier, Le Courrier de Kinshasa tient de l’interview avec le jeune auteur congolais de renom, directeur artistique de l’association organisatrice, qu’un point d’honneur est fait sur le processus du projet.

 

Sinzo Aanza, directeur artistique de Yango, la Biennale d’art contemporain de KinshasaLe Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Comment pourrait-on vous présenter à nos lecteurs ?

Sinzo Aanza (S.A.) : Mon nom est Sinzo Aanza, je suis un artiste visuel et un auteur de littérature, de fiction. Je suis également le directeur artistique de l’association Yango Biennale qui organise la biennale Yango.

L.C.K. : La première édition de Yango a été organisée il y a près de cinq ans maintenant. Le sphinx renaît-il enfin de ses cendres après cette longue léthargie ?

S.A. : Il se passe que Yango a été créé par feu Kiripi Katembo. Le projet était très ambitieux. La plupart du temps, ceux des artistes contemporains le sont. Et donc, cela demande toujours des espaces qui répondent à ce type d’ambitions. Kiripi a voulu initier le sien dans le contexte kinois et la première édition a servi à lancer les choses. Mais, entre-temps, il est décédé et cela a fragilisé toute l’équipe. Il a fallu restructurer et rétablir des stratégies par rapport à la ville, aux institutions, au monde même, notamment dans le choix des commissaires. Parce que cela suppose promouvoir à la fois des artistes, des idées, établir des connections avec d’autres pratiques artistiques, d’autres idées, avec de la recherche, etc. C’était tout de même un travail important à faire.

L.C.K. : À quoi doit-on s’attendre avec ce retour opéré au bout de cinq ans de silence ? Peut-on déjà parler d’un calendrier à ce stade ?

S.A. : Oui, il y a un début de calendrier. Les commissaires sont venus à Kinshasa pour une première série de rencontres. D’abord avec la ville. Faire des parcours à travers la ville, voir comment l’on y inscrit physiquement un projet comme celui-là. Rencontre de l’équipe de la biennale, avoir des premières entrevues aussi avec quelques espaces institutionnels, leurs acteurs. C’était aussi une occasion de lancer officiellement les activités, commencer le processus qui va chuter par des expositions. Nous avons prévu d’organiser des ateliers dans la première quinzaine de février 2020 entre des personnes du milieu de la recherche et des artistes contemporains, visuels et d’autres disciplines de Kinshasa. Il y aura ensuite une autre étape dans la deuxième quinzaine de juin qui sera plus ou moins dans le même esprit mais ouverte aussi aux artistes au-delà du Congo. Des Africains, des Européens, etc. Nous tenons à ce que la première étape se concentre sur des artistes congolais. Et, comme c’est la biennale de Kinshasa, les Kinois seront forcément plus nombreux à toutes les étapes du projet. Il y aura aussi des résidences parce que les artistes seront plus engagés dans le processus de réflexion avec les commissaires, les chercheurs, etc., à la manière dont leurs œuvres se placeront dans la ville. Les résidences vont aider à mettre cela en place avant d’aboutir à l’événement.  

L.C.K. : Quand Yango se tiendra-t-elle en fin de compte  ?

S.A. : Elle est prévue pour 2021. Mais la biennale s’appelle Yango 2020 parce que pour nous, l’important n’est pas forcément l’aboutissement de l’événement mais tout le processus. Et, l’essentiel du processus est situé dans l’année 2020.

 La Biennale Yango et les médiasL.C.K. : En parlant du prélude de la biennale, vous avez évoqué la présence à Kinshasa des commissaires. Ce sera apparemment plus que l’unique de coutume, combien il y en aurait-il au juste ?

S.A. : Il y a deux commissaires pour cette édition car nous avons préféré diversifier les profils comme le projet lui-même s’est aussi diversifié. Il y a l’universitaire, chercheuse et penseuse Yala Kisukidi. Une philosophe d’origine congolaise qui devient de plus en plus importante sur la scène internationale et dont le champ de recherche s’intéresse également aux créations artistiques, notamment à leurs perspectives africaines. Et l’autre, c’est Sara Alonso Gomez qui est commissaire d’exposition et curatrice. C’est une chercheuse cubaine qui fait des recherches en laboratoire et organise des événements. Elle a longtemps travaillé pour le compte de la biennale de la Havane également.

L.C.K. : Vous dites que la biennale s’est diversifiée, qu’en est-il concrètement ?

S.A. : La première édition était surtout focalisée sur les arts plastiques et la performance, restait plus ou moins cantonnée sur une conception plastique de l’art. Mais nous avons réfléchi au fait que l’art contemporain, dans la manière dont il se pense, permet tellement de choses, notamment une ouverture aux autres disciplines. C’est dire qu’un artiste contemporain n’est pas forcément celui qui peint un tableau, par-delà l’œuvre, il y a ce que l’on établit comme expérience, réflexion. Ce genre d’ouverture, à notre avis, permet de prendre la ville dans tout ce qu’elle peut offrir comme proposition. Nous avons une ville de création assez importante en musique, théâtre, littérature, etc. Aussi, nous ne voulions pas que des propositions de ce genre soient mises à l’écart d’un projet comme celui-ci et du processus à entamer avec des chercheurs et des artistes sur les nouvelles manières de poser l’art dans la ville et de lui proposer le discours des artistes. Car, l’art contemporain est un art de discours aussi, l’on y trouve un processus à la fois mental, plastique, esthétique, philosophique… En tout cas un processus à la fois intellectuel et créatif. Et donc, il y a lieu de croire que dans une ville, un pays qui se construit comme le nôtre, il y a ce besoin de connecter la réflexion, la pensée avec l’imagination, la création et voir ce que cela donne concrètement comme proposition à la population et même aux politiques s’ils veulent.La brochure de la première Biennale Yango

L.C.K.: Qu’est ce qui s’ajoute essentiellement aux arts plastiques en 2020 ?

S.A. : Il s’ajoute de la littérature, du théâtre éventuellement, de la musique et même des éléments de design, de la nouvelle technologie. Car il faut considérer aussi que beaucoup de choses intéressantes se font dans le domaine du numérique, par exemple, etc. L’idée c’est de voir comment cela peut contribuer à construire des propositions artistiques qui soient assez pertinentes et des idées assez fortes en termes d’imagination et de création dans notre contexte.

L.C.K. : À ce stade des préparatifs de Yango 2020, peut-on connaître le nombre des artistes participants ?

S.A. : À ce stade, non. Les commissaires travaillent à l’élaboration d’un projet sur la base duquel l’on définira le nombre exact des artistes et dans quels lieux spécifiques ils interviendront et à combien ils le feront, etc.  

 

Propos recueillis par Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

1-Sinzo Aanza, directeur artistique de Yango, la biennale d’art contemporain de Kinshasa 2- La biennale Yango et les médias 3- La brochure de la première Biennale Yango

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