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Comment résoudre les conflits dans un partenariat

Jeudi 5 Décembre 2019 - 13:00

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Le partenariat est un engagement volontaire, un accord d’association pour travailler ensemble à la résolution d’un problème. Il est généralement constitué autour d’un objectif commun et régi par des règles que tous doivent respecter. En signant un accord de partenariat, toute personne prend des engagements. Mais si ceux-ci ne sont pas tenus, cela peut avoir des effets désastreux pour la suite.

Aujourd’hui, plusieurs organisations internationales connaissent des crises à cause du manquement au devoir. Des partenaires qui se regardent en chiens de faïence, se critiquent en allant jusqu’ à blâmer l’autre. C’est le cas entre les Etats- Unis, la France et La Turquie qui ont des divergences de vue au sujet de la question kurde en Syrie.

 En effet, les milices kurdes, considérées par la France et les Etats-Unis comme alliées en Syrie pour combattre les islamistes, sont pourchassées par la Turquie qui les traite de dangereux terroristes. La question met à mal le partenariat au sein de l’Otan car les propos peu amènes tenus par les trois dirigeants sont de nature à créer une crise au sein de l’organisation dont un des dirigeants estime qu’elle est « en état de mort cérébrale ».

Comment naissent les conflits dans un partenariat et comment les résoudre ?

Le conflit dans le partenariat survient quand un partenaire ne respecte plus ses engagements ; quand il remarque la différence, change le regard et voit dans l’autre non plus un associé avec des vues différentes mais un dangereux ennemi. La différence est alors perçue comme une menace.

A cause des divergences de vues, les dirigeants de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan) ont perdu toute cohérence dans l’analyse des faits et l’unité d’action dans leur lutte contre un ennemi mal défini.

Ce qui peut créer une crise au sein d’un partenariat, c’est le changement du regard de l’autre ; quand deux partenaires ne regardent pas la chose de la même manière ou changent de paradigmes et d’objectif. Le non-respect des engagements pris peut créer des frustrations et constituer un motif de méfiance. Or, la perte de confiance est le premier pas vers la confrontation.

Le conflit dans un partenariat est souvent causé par des différences d’opinion. En décidant d’intervenir en Syrie, la Turquie a créé un conflit au sein de l’Otan. Les propos discourtois des présidents français et américain ainsi que ceux du président turc, à propos de cette alliance, ont jeté un froid dans leurs relations.

L’évolution d’un conflit au sein d’un partenariat peut être comparé aux marches de l’escalier. Il évolue comme si on montait les marches de cet escalier. Dans cette escalade, le premier pas c’est la différence du regard des faits. Nous sommes différents et chaque personne ou entité dans un partenariat conserve son identité.

Deux pays ou plusieurs peuvent être partenaires sans pour autant partager les mêmes valeurs sociales. Par exemple, les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et la Turquie. Les époux liés par le mariage ne partagent pas toujours la même foi. Mais dès que l’un présente cette différence comme un danger pour l’autre ou les deux, le conflit naît. 

Le deuxième pas vers le conflit est la focalisation sur cette différence. Un fixisme dangereux qui brouille l’analyse objective des faits.

Les pays occidentaux se focalisent sur leur différence avec les pays musulmans et africains. Ils imposent généralement leur perception du monde en édictant des lois et des conventions dont leurs citoyens sont assez préparés.  Leurs partenaires sont alors choisis en conséquence. Ce faisant, ils franchissent le troisième pas de la marche de l’escalier.

 Cette conception place le partenaire dans une posture de l’ennemi. Toute différence est une menace à éviter ou à écarter. On pense alors qu’un point de vue contraire, une différence d’opinion ou une critique, peut déstabiliser la situation confortable dans laquelle on s’y trouve. C’est ainsi que pour se prémunir du danger, on coupe toute communication, on refuse le dialogue.  A partir de ce moment, ce sont les sentiments et les émotions, plutôt que les faits, qui influencent les rapports entre les partenaires. Soupçons et rupture de dialogue ouvrent ainsi la voie au conflit. Ceci est valable pour tout type de partenariat : partis politiques, relations entre Etats, relations interpersonnelles, même entre époux.

L’ennemi étant désigné, on le suspecte de tout. On collecte l’information et on affrète les arguments pour le noircir.

C’est ce qui s’est exactement passé en Irak, en Afghanistan, en Syrie et en Libye. On a vu les pays occidentaux préparer l’opinion pour accepter et légitimer leur intervention. La soit disant possession d’armes chimiques par Saddam Hussein, la répression des révoltés de Benghazi, la destruction des Bouddha géants de Baniam par les talibans, tout ceci argumenté et enjolivé par des spécialistes et chercheurs qui décryptent et préparent le terrain dans les radios mondiales. Dans cette phase, on use de la calomnie. Convaincu de la justesse de ses opinions, il faut en parler aux autres pour les rallier à sa cause. Dans les services, on diffuse de fausses rumeurs ; même des informations intimes sont exploitées, dans un foyer les époux rapportent des ragots et en parlent à l’extérieur.

Cette étape est cruciale car, en général, il est difficile de reculer lorsqu’on l’atteint parce que l’ennemi désigné doit être éradiqué. On passe à l’attaque, à la destruction.

Cette étape est caractérisée par la destruction de l’identité de l’ennemi qui n’est pas encore un adversaire, mais un « mauvais » partenaire. L’inefficacité des institutions et les manquements aux droits de l’homme sont mis en avant pour détruire son identité et ses valeurs fondamentales. Dans un ménage, on détruit la réputation du conjoint. On balance le ménage dans la rue allant même jusqu’à nier la paternité des enfants.

Le partenariat est remis en cause et c’est le choix qui était mal fait. De partenaire, l’autre devient un ennemi à abattre à tout prix.

Désamorcer le conflit

Il n’est pas facile, lorsqu’apparaît un conflit entre deux personnes ou deux Etats, de faire la paix. Souvent, il faut une troisième personne que l’on appelle un faiseur de paix. Celui-ci doit être en général connu des deux et neutre. Son objectivité est requise dans le jugement. Il évitera au maximum de condamner l’un au détriment de l’autre.

Nous avons dit que la situation conflictuelle évolue comme des pas de marches d’un escalier. Pour désamorcer ce conflit, il faut faire le sens inverse de l’escalier, en s’arrêtant à l’étape supérieure avant la destruction de l’ennemi. Pour cela, il faut cesser de calomnier, de détruire les valeurs et l’identité de l’autre. Si vous avez déjà commencé le feu, cessez le feu. Acceptez la trêve et cessez de vous quereller. Cela peut permettre d’entendre une autre voix de l’autre et changer le regard.

 Changer le regard 

 Alors que vous aviez remarqué la différence comme un facteur bloquant de vos relations, vous commencez à y voir une occasion d’enrichir votre propre insuffisance. Un complément nécessaire pour enrichir le partenariat.  On cesse la calomnie et on redresse le portait de l’autre.

Ouvrir le dialogue 

 Il faut rétablir la communication. Cela se fera en deux phases, le partage des faits et des sentiments. Aujourd’hui, les Occidentaux partagent les faits en Libye et en Afghanistan. Tout le monde a oublié, les talibans et les bouddhas géants, les armes chimiques, les démocrates de Benghazi. La vraie préoccupation, c’est maintenant la sécurité de l’Europe, l’émigration, la menace du terrorisme. Les mêmes experts reviennent pour désamorcer, pour reconstruire une opinion contraire.

Comme on peut le constater, le conflit a souvent pour cause une simple différence de   nos perceptions. Dans un partenariat, chacun doit garder son identité tout en acceptant de respecter les règles du jeu, qui doivent être neutres et clairement établies et observées par tous. Les partenaires sont par principe des personnes ou des organisations qui acceptent librement de s’associer pour une cause commune. La différence devrait être perçue comme un facteur d’encouragement et d’enrichissant mutuel.

 

              

 

 

Emmanuel Mbengué

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Édition Quotidienne (DB)

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