Mode : les Africaines de plus en plus accros au pagne, selon Solange Samba-Toyo

Samedi 31 Mai 2014 - 0:15

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Longtemps resté l’apanage des femmes africaines d’un âge avancé, le pagne intéresse désormais les jeunes femmes qui, contrairement à leurs mères, se montrent de plus en plus snobs. Rivalisant avec le tissu occidental dans plusieurs pays, le pagne nourrit la créativité des couturiers avec, à la clé, différents modèles qui rappellent les années 1950. Ensembles–tailleurs, jupes, robes, vestes, pantalons, etc., le pagne permet d’apprécier la beauté et l’élégance africaines sous un autre jour, comme l'affirme Solange Samba-Toyo, directrice du Festival du pagne et du tissu africain de Brazzaville, dans cette interview exclusive

Les Dépêches de Brazzaville : Avez-vous constaté que les jeunes filles et autres femmes s’intéressent de plus en plus au port du pagne ?
Solange Samba-Toyo
 : Oui, je l’ai constaté. Les Africaines, et notamment les jeunes filles, portent de plus en plus le pagne. Elles ne le portent pas toujours de façon traditionnelle comme le portaient nos mamans ou nos grand-mères, c’est-à-dire la camisole ou le corsage avec le pagne du bas et le pagne du haut. Aujourd’hui, les filles le portent différemment en se faisant coudre des robes, des ensembles et autres, un habillement varié.

Selon vous, qu’est-ce qui est à l’origine de cette valorisation du pagne ?
Je dirais que c’est un phénomène marketing et je crois qu’au niveau africain il y a pas mal de groupes avant-gardistes sur le plan culturel qui ont commencé à reparler du pagne, à le valoriser, à valoriser notre africanité, à faire en sorte que nous puissions être fiers de notre identité. Je dirais que c’est venu d’un peu partout, et nous aussi au Congo-Brazzaville avons suivi ce mouvement. C’est pour cela que depuis 2009, nous avons lancé le  Festival du pagne et du tissu africain. Cela a créé un engouement qui fait que les jeunes filles ne trouvent pas dévalorisant de porter une chemise ou une jupe en pagne.

Est-ce que vous pensez que le pagne peut tenir la concurrence avec d’autres tissus ?
Le pagne est en train de tenir à tel point que les couturiers européens ou américains prennent maintenant le pagne africain pour l’associer à leurs créations. Quand vous allez en Europe, vous êtes surpris de voir de grandes chaînes de magasins vendre dans leurs collections de prêt-à-porter des vêtements mélangés à du pagne ou tout simplement faits de pagne. On a l’impression qu’on nous a un peu volé notre savoir-faire ou une part de notre propriété intellectuelle. Parce qu’on retrouve des dessins qui sont africains, mais aussi des modèles ou des hauts que les femmes portent là bas sur des pantalons, ce qu’on appelle chez nous des « mokotos ». Ces derniers sont mis au goût européen au point de soulever un engouement.

Vous avez toujours lutté pour la valorisation du pagne africain. Quel est le message que vous pouvez délivrer aux femmes qui restent cantonnées dans la mode occidentale, pensant que s’habiller en pagne est régressif ?
Je pense que beaucoup de femmes ont compris que nous sommes belles en pagne. S’habiller en pagne ou associer du pagne ou un autre tissu africain fabriqué chez nous comme le raphia, le bogolon, le kinté, nous valorise et montre que nous sommes différentes. Et nous devons revendiquer cette différence. En fonction de sa bourse, on peut s’acheter un pagne de bonne qualité que l’on peut garder pendant des décennies ou même céder à sa progéniture. Nous sommes belles habillées autrement. Aux États-Unis, on constate que les Afro-Américaines aiment justement associer ce qui vient d’Afrique pour marquer leur identité ou leur différence. C’est tout notre honneur de valoriser nos racines culturelles.

Jeanice-Hortence N'guellet

Légendes et crédits photo : 

Photo : Pour les jeunes femmes africaines, le pagne est signe de l'élégance et la beauté africaines. (© Adiac)