Retour au pays : ces entreprises qui attirent la diaspora

Vendredi 2 Août 2013 - 19:30

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Les Congolais de la diaspora qui décident de rentrer au pays sont de plus en plus nombreux. Quelles sont leur motivations ? Que font-ils une fois rentrés ? Les Dépêches de Brazzaville a rencontré Vanessa Tsouma et Charmelle Mouyabi.  Elles ont intégré la société Warid, il y a quatre mois, une entreprise spécialisée dans la téléphonie mobile qui s’active pour l’employabilité des jeunes au Congo et qui n’hésite pas à investir pour attirer les Congolais de l’extérieur

« Passer à l’action » chez Warid n’est pas, semble-t-il, qu’un slogan mais bien une réalité. Troisième opérateur de téléphonie mobile au Congo-Brazzaville, cette entreprise  connue pour  sa campagne de communication « masolo ya bodenko » permet à plus de 800 000 personnes de téléphoner à leur aise dans tout le pays. Outre cette activité principale, une des ambitions de cette entreprise est de participer activement à l’employabilité des jeunes au Congo, autrement dit les aider à s’insérer dans le monde professionnel, comme l’a déclaré Michel Élamé, directeur général du groupe :  « Notre credo, c’est de la fin des études à l’intégration dans le monde professionnel. » C’est dans cet esprit que Warid a développé deux programmes innovants pour motiver l’entrepreneuriat et renforcer les compétences individuelles, Warid Lab et Warid Certificate, et qu’ils se sont associés au Rice dans le cadre du challenge entrepreneurial Bassin du Congo qui aura lieu du 21 au 23 novembre à Brazzaville.
 
Des synergies avec la diaspora au cœur de leurs programmes

Pour aider les passionnés d’informatique, et notamment les programmeurs, à créer leur entreprise, la société Warid a lancé cette année, en partenariat avec un Congolais de la diaspora du Canada, Max Bonbhel, le Warid Lab. Un programme d’excellence qui a pour objectif d’inciter et de récompenser la créativité des jeunes développeurs congolais. À la clé pour l’équipe gagnante, un million FCFA et six mois de formation dans « le lab » pour les aider à développer une start-up, un moyen de participer à la création d’emplois pour les jeunes Congolais et de capitaliser sur les compétences de la diaspora. « La seconde étape du projet consiste à mettre à la disposition des Congolais qui sont à l’étranger, une plateforme, pour ceux qui ont des solutions à proposer au pays. Il y en a qui veulent bien rentrer mais qui hésitent », a déclaré Clid Yokaawa, responsable du projet. C’est donc naturellement qu’ils se sont associés au Rice (Réseau international des Congolais de l’extérieur) dans le cadre du challenge entrepreneurial. Un projet qui vise également à créer des emplois au Congo.
 
Des compétences de l’extérieur utiles pour le développement de l’entreprise

Charmelle MouyabiPour Warid, la diaspora est précieuse pour le développement de ses programmes, mais également pour celui de l’entreprise.« J’avais besoin de quelqu’un pour asseoir la marque, je voulais quelqu’un qui ait tous les ressorts modernes et je savais que c’était difficile à trouver ici, non parce que les gens n’ont pas les compétences mais parce qu’ils n’ont pas d’expérience », dit  Michel Élamé. S’il reconnaît qu’il y a au Congo des métiers pour lesquels il est difficile de trouver des candidats, Michel Élamé indique néanmoins qu’il est important pour les Congolais de la diaspora qui décident de rentrer de savoir précisément ce qu’ils viennent faire « sans prétention, sans monter sur leur grands chevaux, pour apporter des compétences effectives ». C’est le message qu’il a fait  passer à Vanessa Tsouma et Charmelle Mouyabi, qui ont intégré la société il y a quatre mois. Pendant six mois, il les a contactées deux à trois fois par semaine pour les convaincre de rentrer et les aider à préparer leur retour au pays. La société a pris en charge le billet d’avion, le conteneur et la caution de leur logement. Avant d’intégrer la société Warid, elles étaient toutes les deux en CDI dans de grandes entreprises. Vanessa Tsouma était chef de projets accessoires chez Toyota France et Charmelle Mouyabi était ingénieur chez Thalès.
 
Interview croisée : Vanessa Tsouma, manager brand & communication ; Charmelle Mouyabi, senior manager business enterprise solutions chez Warid.
 
Les Dépêches de Brazzaville : Qu’est ce qui a motivé votre retour ?
Vanessa Tsouma : Dans mon plan de carrière, il n’était pas prévu que je revienne au Congo, je partais pour Dubai en 2014. Michel Élamé m’a raconté une histoire qui était très belle, celle de la marque Warid, ce qu’il en a fait, c’est ce qui m’a motivé. En Europe, tout est déjà tracé pour nous. Quand on arrive, on n’apporte pas vraiment quelque chose de différent. On suit un chemin déjà tracé, on excelle peut-être mais dans des choses que nous n’avons pas construites. Ici tout est à faire, et c’est ce qui est intéressant. Si c’était une question de salaire ou de conditions, je serai restée en France, parce que je n’étais pas en reste chez Toyota.
Charmelle Mouyabi : C’est également Michel Élamé qui m’a convaincue de rentrer pour intégrer la société Warid. Ce n’était pas une question d’argent mais plus de projets et la possibilité d’évoluer. En France, quand on ne travaille pas dans une grande firme, notamment américaine ou étrangère, au bout d’un moment on est bloqué. Au Congo, on peut se former, on peut aller  très loin, on peut avoir le niveau professionnel que l’on avait en France. Contrairement à Vanessa, cela fait deux ans que je pensais rentrer au Congo, j’attendais d’avoir une proposition concrète. J’ai un profil technique, je suis ingénieur, je voulais apporter ce côté-là. Et puis surtout, il y a l’envie de pouvoir apporter quelque chose à son pays, de pouvoir apporter sa pierre à l’édifice.
 
Les Dépêches de Brazzaville :  Avez-vous été confronté au « choc des cultures » ?
Vanessa Tsouma : Personnellement, c’était un peu difficile, le rythme de travail n’était pas le même, la façon de travailler, les process, la rigueur est très différente. Il y a un adage qui est très vrai, je ne m’en rendais pas compte avant de venir travailler au Congo : « En France, on a la montre, ici on a le temps ». C’est totalement vrai et quand on a été formaté à travailler différemment, il faut vraiment une grosse capacité d’adaptation pour y arriver, mais comme l’a si justement dit Michel, on a été accompagné, il a commencé le lavage de cerveau depuis la France pendant six mois, il ne nous a pas lâchées du tout.
 
Les Dépêches de Brazzaville : Vous avez été préparées à affronter certaines réalités ?
Vanessa Tsouma : On avait Michel au téléphone quasiment toutes les semaines, tous les deux à trois jours. Il nous a clairement expliqué comment c’était, à quoi on devait s’attendre, quelles étaient les choses à éviter.
Charmelle Mouyabi : Je pensais être prête, mais je me suis rendu compte que ce n’était pas le cas. Il me disait : « Tu es sûre, parce qu’il y a telle et telle réalité… » On se dit que oui, la facilité est là mais une fois sur place, on se rend compte que ce n’est pas forcément ce à quoi on s’attendait. Ça n’a pas été évident, mais maintenant ça va.
 
Les Dépêches de Brazzaville : Et au niveau des sorties ?
Vanessa Tsouma : On s’ennuie. Il n’y a pas beaucoup de choix en terme de loisirs (cinémas, bibliothèques…)
Charmelle Mouyabi :  En France, je suis souvent à la maison mais c’est vrai ici, il manque de distractions, il n y a pas de cinémas. Pour les voyages, c’est difficile d’aller d’un point à un autre. Par exemple, faire Brazzaville-Dakar, c’est quasiment le prix d’un Paris-Dakar.
 
Les Dépêches de Brazzaville : Vous regrettez votre retour au pays ?
Vanessa Tsouma : Non, je ne le regrette pas.
Charmelle Mouyabi : Non, pas du tout.

 

Tania Bakouma

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Charmelle Mouyabi. (© Adiac) Photo 2 : Vanessa Tsouma. (© Adiac)