Ismaël Lô : « Ma plus grande joie au cours de ma carrière musicale a été la fin de l’apartheid en Afrique du Sud »

Samedi 21 Juin 2014 - 1:00

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L’artiste sénégalais Ismaël Lô, surnommé le Bob Dylan africain, guest star de la dixième édition du festival des musiques et des arts N’Sangu Ndji-Ndji, se livre sur sa première prestation lors de l’événement majeur de la ville océane mais aussi sur les plus grands moments de son parcours musical

Les Dépêches de Brazzaville : Ismaël Lô, à Pointe-Noire, vous avez clôturé le bal de la dixième édition du festival N’Sangu Ndji-Ndji. Qu’est-ce  que cela représente pour vous ?
Ismaël Lô : C’est d’abord un réel plaisir de venir dans cette belle capitale, je ne suis pas étranger ici, ce n’est pas la première fois que je foule le sol de Pointe-Noire. Clôturer en beauté ce festival, je l’ai ressenti comme étant un double honneur, participer à l’événement en compagnie de jeunes talentueux artistes que j’ai vu grandir cela m’a beaucoup ému. En même temps je retrouve une capitale très embellie, à vu d’œil cela prouve que les choses bougent ici.

Compté parmi les doyens de la musique africaine, justement que faites-vous pour accompagner les plus jeunes artistes ?
Les jeunes générations, selon moi, ont une énorme chance comparée à nos débuts à nous. Un potentiel au milieu de ce monde qui est devenu un énorme village, du côté des nouvelles technologies ils sont face à des facilités que nous, nous n’avons pas connues. Notre apport avant tout doit être la voie des conseils pour avancer sans trop de difficultés. Des conseils appropriés à des musiciens de talents. Je suis resté dans le monde de la musique où j’ai évolué dignement en voyageant beaucoup et le souhait de transmettre est là, à la portée de ceux qui voudront bien s’inspirer de notre parcours. Mais lorsque je parlais de potentiel, je pensais surtout que les Africains ont le rythme dans le sang, ici j’ai entendu des sonorités très bonnes, ce que je qualifierais de bonne musique. Le conseil absolu à donner aux jeunes est de garder la tête sur les épaules, pour aller loin il faut justement se laisser accompagner.

En tant que doyen de la musique, quel est votre avis par rapport aux femmes artistes qui sont beaucoup pointées du doigt, en générale en Afrique, et dans la musique, pour leur manière de se vêtir ?
Ce n’est pas une bonne chose. La femme reste une source de noblesse, de pureté, il y a des vertus qui ne nous appartiennent pas en tant qu’Africains. S’exposer comme on peut le voir, ce ne sont pas des pratiques à encourager. Mais dans le lot, je tire mon chapeau à toutes les dignes femmes que je connais qui sont d’authentiques ambassadrices de notre musique ailleurs. Elles sont nombreuses, on ne peut toutes les citer, c’est vrai que je pense à Viviane, Coumba Gawlo…

Ismaël Lô, le maître du mbalax, une carrière internationale couronnée de succès. Comment peut-on résumer les grandes joies connues tout au long de votre parcours artistique ?
L’une de mes plus grandes joies a été la fin de l’apartheid. C’est un événement que j’ai salué, un combat que l’on a tous mené, Blancs comme Noirs. À l’image de la libération de Nelson Mandela, ses funérailles nous ont prouvé que c’était – on n’en doutait pas- un grand homme, l’homme du siècle ! C’est un des moments très touchants de ma carrière. À la libération de Mandela, je faisais partie des premiers Africains à me produire sur cette terre d'Afrique. Et ma surprise a été grande en Afrique du Sud lorsque je descendis de l’avion ce jour-là. À l’aéroport, des personnes se retournaient pour saluer mon arrivée. Je ne pensais pas être connu, sinon populaire dans cette partie du monde. La raison, on m’a expliqué, est que je faisais partie des premiers artistes du continent dont les tubes passaient souvent à la télé désormais à cette époque. Ce sont des choses, des instants que l’on ne peut oublier au cours d’une carrière.

Et a contrario, quelles sont les plus grandes peines que vous avez vécues, qui pourraient vous donner un sentiment de travail non accompli ?
Ma plus grande peine, elle est actuelle, liée à l’actualité des jeunes filles nigérianes prises en otage pas la secte Boko Haram. Cela nous laisse, nous parents, impuissants et cela m’affecte d’autant plus que mon épouse est responsable d’une école. J’imagine si cela nous était arrivé… ! On doit s’insurger contre de telles violences. Le continent tout entier doit se mobiliser pour la libération de ces filles innocentes.

Luce-Jennyfer Mianzoukouta