Message sur l’état de la nation 2013 : un constat, des engagements

Mardi 13 Août 2013 - 16:30

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Une heure cinq minutes : tel a été le temps mis par le président de la République, Denis Sassou N’Guesso, pour délivrer, le 12 août, son message sur l’état de la nation 2013 dans une salle de conférences du Palais des congrès coquettement décorée. Devant les parlementaires, principaux concernés par ce rituel inscrit dans la Constitution, devant les membres du gouvernement, les ambassadeurs et chefs de missions diplomatiques ainsi que le gratin de la grande administration civile et militaire du pays, le chef de l’État a parlé d’économie, de social, de politique et de relations internationales

D’abord un peu sévère par le ton adopté par le président de la République au tout début, le message sur l’État de la nation a pris ensuite l’allure d’une causerie en salle, remarquable par l’échange qui s’est établi entre le chef de l’État et son auditoire. Et là, Denis Sassou N’Guesso levait la main, retirait ses lunettes pour répondre de vive voix à quelques susurrements provoqués par certaines annonces : la gratuité des pièces d’état civil ? Un bruit sourd, presque de réprobation s’est élevé dans la salle. « Si, il y a bien sûr gratuité de ces pièces, mêmes si quelques fonctionnaires véreux, certains peut-être présents ici, les rendent introuvables », s’est interposé le président de la République. Des applaudissements ont alors fusé.

Le constat

Reparlons du fond, en revenant sur le constat fait par le chef de l’État dans son message. « Je peux affirmer sans triomphalisme, en toute responsabilité, que la nation congolaise jouit d’une bonne santé. Elle poursuit avec assurance et confiance son chemin de progression, souligne t-il à l’appui de chiffres et d’estimations qu’il a bien voulu rendre publics. Le Congo, avec une croissance soutenue de 5% en dix ans, est classé, en 2012, par la Banque mondiale, parmi les dix économies africaines les plus performantes en  même temps qu'au rang des dix pays du continent appelés à l’émergence. »

Autres atouts qui confirment cette « bonne croissance économique », un excédent budgétaire accumulé depuis 2006, qui était de 500 milliards FCFA l’année passée ; la diversification des sources de revenus à côté de la principale, le pétrole, dont la production a décliné de 114 millions de barils en 2010 à 92 millions aujourd’hui. Le Congo parie pour cela sur la mise en service d’une chaîne de petites ou grandes  industries dynamiques dans l’agroalimentaire et la manufacture, a indiqué le chef de l’État.

Après le difficile test passé pour atteindre en 2010 le point d’achèvement de  l’Initiative pays pauvres très endettés, le Congo a accompli cette année celui de l’Initiative de transparence des industries extractives dont il fait désormais partie. Là-dessus, le président de la République n’a pas caché une revendication qui sans doute fera parler des détracteurs : « Sur la gestion des revenus du pétrole, le Congo a montré à la face du monde que cette dernière est totalement transparente. C’est ainsi qu'après avoir passé au peigne fin les comptes pour les exercices 2010 et 2011, les experts internationaux ont déclaré en février de cette année que notre gestion des flux financiers du pétrole était conforme aux normes édictées par l’Itie… Il n’y a pas de meilleure preuve pour établir le sérieux et la rigueur avec lesquels la nation gère les revenus issus de ses ressources naturelles », a conclu sur ce point Denis Sassou N’Guesso, pour en aborder un autre tout à fait lié, celui des infrastructures de base. Les chiffres : « 2 000 kilomètres de routes à bitumer en chantier à travers le pays, 5 000 kilomètres de routes en terres ouvertes à la circulation, 5 000 mètres cubes d’eau par heure que pompera bientôt la deuxième usine d’eau de Djiri dont les travaux sont achevés, 2 000 villages concernés par le projet Eau pour tous lancé récemment à Madingou dans la Bouenza. » Et le casse-tête de l’alimentation en eau et en électricité des villes de Brazzaville et Pointe-Noire ? Le président de la République en est conscient, qui évoque les réseaux de distribution vétustes en cours de réhabilitation. Somme toute, un constat de satisfaction qui se conclut par une sorte de demande de brevet pour l’économie congolaise, disons sa notation pour qu’elle obtienne la fameuse note souveraine qui fait tant vaciller les « Grands » de ce monde lorsque leurs pays perdent le « triple A ». Les choses changent, pourrait-on dire ! Un constat de satisfaction partagé avec les artistes, les sportifs et la diaspora congolaise.

Des engagements

Au long de son message, le président de la République a parfois fait preuve de beaucoup  d’humilité : « Ce qui a été fait dans le domaine du social n’est ni parfait, ni suffisant. Le calendrier des promesses du gouvernement en faveur des populations n’a toujours pas obéi aux délais et aux impatiences légitimes des uns et des autres », a reconnu le chef de l’État lorsqu’il abordait « la lancinante question du social ».

Mais en rappelant tout de même sur cet axe que quelque chose a été fait : « 23 mois d’arriérés de salaire payés aux fonctionnaires, des effets financiers débloqués, des salaires revalorisés de 27,5%, la retraite à 60 ans, le salaire minimum porté de 30 000 FCFA à 90 000 FCFA en dix ans, la prise en charge de plus de 10 000 dossiers de retraite et l’apurement des dettes de l’État envers la CNSS et la CRF, le payement régulier des bourses d’étudiants revalorisées. »

Un rappel salué par des applaudissements qui se tassent un peu lorsque le chef de l’État parle de la prime de transport de 10 000 FCFA payée aux fonctionnaires. Est-elle peut-être modique ? Sur ce point les premiers concernés devraient, certainement, prendre leur mal en patience. Le président de la République ayant instruit « les ministres en charge du Travail, des Finances et de la Fonction publique, d’examiner les modalités de relèvement de la rémunération des agents de l’État, de sorte qu’ils aient un pouvoir d’achat plus important qu’aujourd’hui ». On voit avec quelle prudence cet engagement du chef de l’État, qui en appelle d’autres est pris : « Cette augmentation généralisée des salaires des fonctionnaires devra se faire progressivement, dans les limites des contraintes du budget de l’État », a argumenté Denis Sassou N’Guesso, invitant quiconque à s’abstenir de compromettre l’avenir par des choix dictés par la facilité et la démagogie. D’ici là, néanmoins, les agents de l’État, qui ont le péché reconnu de souvent déserter leurs bureaux, commenceront à regarder fixement en direction des départements ministériels cités pour savoir quand tombera la manne.

D’autres engagements pris par le chef de l’État concernent le drame du 4-Mars : poursuite du paiement de la prime spéciale de 3 millions FCFA, relogement des anciens propriétaires des maisons détruites, dédommagement des opérateurs économiques de la zone du sinistre. Ces deux questions sont fondamentales dans l’apaisement des cœurs des anciens habitants de Mpila qui ont souvent estimé être considérés comme des laissés pour compte. Engagement pris aussi, la municipalisation accélérée des deux derniers départements qui ne l’ont pas encore vécue. En tandem pour 2015-2016 donc, la Sangha et la Bouenza. Dans la salle, les natifs des deux départements ont crié leur joie et levé le poing. En toute légitimité.

Cette annonce du chef de l’État a été précédée par un détour sur le plan diplomatique. Le président de la République s'est notamment félicité d’avoir reçu à Brazzaville, en visite officielle, ses homologues Xi Jinping de Chine, et Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire. On pourrait noter en bonne place son engagement à contribuer à la résolution des crises qui frappent les deux États voisins du Congo, la République démocratique du Congo et la Centrafrique. Peut-être qu’après Djambala, Denis Sassou N’Guesso ne prendra pas tout de suite ses vacances. Les deux dossiers sont si brûlants qu’il s’en ira certainement prodiguer ses bons offices sur place à Kinshasa et à Bangui. « Le Congo n’a de cesse d’apporter sa contribution à la dynamique du renforcement de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans chacun des pays de la sous-région d’Afrique centrale », a déclaré le président de la République.

Des pics…

La salle a longtemps applaudi ce passage du message du chef de l’État : « La démocratie ne signifie pas s’opposer systématiquement à tout. La démocratie ne consiste pas en un refus permanent du dialogue et du compromis. La démocratie ce n’est pas de voir d’infâmes collusions, de coupables compromissions, de viles trahisons toutes les fois qu’un certain rapprochement semble s’opérer entre les points de vue contraires, au nom de l’intérêt général. »

Non seulement le ton du président de la République était à la pédagogie, mais la salle a certainement vibré en considérant la pratique des acteurs congolais sur l’échiquier politique. Le « dialogue constructif », voilà ce à quoi Denis Sassou N’Guesso a invité les opérateurs de ce secteur. Des pics, le président de la République en a également lancé à ces « fonctionnaires véreux » qui, dans l’administration, classent au casier des denrées rares les pièces d’état civil dont pourtant le gouvernement a ordonné la gratuité depuis quelques années. C’est dire si les chefs ne savent pas tout…

Émile Gankama

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Le président délivrant son message devant les parlementaires. (© Adiac/G.-G. Kitina) Photo 2 : Le chef de l'État et les membres du bureau de l'Assemblée nationale. (© Adiac/G.-G. Kitina) Photo 3 : La liesse des ressortissants de la Sangha et la Bouenza après l'annonce du président de la République. (© Adiac/G.-G. Kitina)