Rencontre citoyenne : Denis Sassou N'Guesso face aux forces vives de la Sangha

Vendredi 15 Mai 2015 - 16:45

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Mercredi 13 mai 2015. 16 heures 17 minutes. Le vaste hangar qui jouxte la résidence du préfet du département à Ouesso affiche complet. Les filles et fils de la Sangha sont mobilisés pour échanger avec le président de la République, Denis Sassou N'Guesso, à la faveur d'une rencontre dite citoyenne. Un rituel entré presque dans les mœurs politiques congolaises, le chef de l'État y ayant en effet recours chaque fois qu'il visite l'arrière-pays. Question, sans doute, de prendre l'information à bonne source.

 

Entouré des ministres Raymond Zephirin Mboulou (Intérieur), Jean-Jacques Bouya ( Aménagement du Territoire), et du préfet de la Sangha, Adolphe Elemba, Denis Sassou N'Guesso qu'accompagnent son directeur de cabinet, Firmin Ayessa, d'autres membres du gouvernement ainsi que plusieurs conseillers, doit se soumettre au jeu des questions-réponses qui rythmera, pendant trois heures et demi, une palabre qu'il a voulu libre et sans tabous. " Je souhaite que ce débat soit le plus libre possible, et que toutes les questions qui vous intéressent soient posées, y compris celles qui fâchent".

Le président de la République plante ce décor après qu'un sage eut pris la parole pour saluer son arrivée dans la Sangha, motivée par le lancement des travaux de la Municipalisation accélérée de ce département qui abritera, le 15 août prochain, la fête de l'indépendance. Et qu'un cadre, porte-parole choisi par les forces vives eut soulevé, dans un compte-rendu étayé, l'essentiel des sujets considérés comme ceux qui préoccupent la population de la Sangha.

Doléances

Elles portent entre autres sur la construction des axes routiers reliant plusieurs localités du département entre elles et vers le chef-lieu, Ouesso ; l'absence du personnel de santé dans des hôpitaux et dispensaires du reste "peu en nombre" dans cette partie du pays ; le déficit des enseignants ; l'alphabétisation des adultes, la sécurisation des frontières du département  jugées poreuses ; la psychose entretenue dans la Sangha par le phénomène "Kata-Kata" et ses suites judiciaires ( il y a deux ans, des cas d'assassinats crapuleux de personnes avaient défrayé la chronique dans la Sangha, et l'ex-maire de Ouesso, soupçonné dans cette affaire est incarcéré à la maison d'arrêt de Brazzaville) ; l'implantation de la Zone économique spéciale de la Sangha, le financement de l'agriculture, notamment du cacao ; le débat sur le changement de la Constitution ; des remous supposés au sein des partis de la majorité présidentielle et enfin, l'utilisation des cadres originaires du département à des hautes fonctions civiles et militaires.

Points saillants

Il est apparu, au long des échanges que de toutes les questions soulevées, trois aient principalement animé la rencontre : sur l'utilisation des cadres les intervenants ont indiqué que les leurs sont des laissés pour compte, car numériquement minoritaires, estiment-ils, sur l'échiquier national. Même chose pour le phénomène Kata-Kata, sur lequel ils ont appelé de leurs vœux l'organisation d'un procès pour "laisser éclater la vérité sur cette affaire et apaiser la population". Sur la Constitution, la Sangha s'est déclarée favorable au changement ainsi que l'a révélé le porte-parole dans son compte-rendu, moyennant tout de même une ou deux voix discordantes pour qui le débat devrait encore se poursuivre afin de convaincre les indécis.

Plus aucun préfet ne dirigera dans son département d'origine

Réjouis de voir les uns et les autres s'exprimer ainsi librement comme il l'avait souhaité, le président de la République a rassuré ses interlocuteurs sur plusieurs points : " Vos doléances sur les questions d'éducation, de santé, d'alphabétisation, de recrutement dans la fonction publique de personnes vivant avec un handicap, ou de désenclavement sont heureusement dans l'agenda du gouvernement. Il met ce programme en œuvre sur l'ensemble du territoire national sans oublier la Sangha, déjà bénéficiaire de plusieurs infrastructures de base, comme vous pouvez en juger ". Les cadres originaires de la Sangha sous-utilisés ? "Ce n'est pas vrai" a tranché le chef de l'État expliquant que les nominations aux fonctions n'obéissent pas aux critères ethniques ou régionales et qu'il faut sortir de la tête l'idée que le président peut marginaliser certains au profit d'autres.

Répondant à la question précise de l'absence d'un natif de la Sangha au poste de préfet de département, alors que depuis toujours ce sont des ressortissants d'autres coins du pays qui commandent à Ouesso, Denis Sassou N'Guesso a alors déclaré qu'à l'avenir, plus aucun préfet n'exercera dans le département d'où il est originaire : " il en reste à peu près trois ou quatre à ce jour mais cela ne saura durer", allusion faite sans doute aux départements de la Likouala, de Pointe-Noire, du Pool et de la Cuvette, dirigés par des originaires.

Sur le changement ou non de la Constitution

"Il serait difficile d'obtenir l'unanimité dans un tel débat. Ce qui compte est qu'il se déroule dans la paix et que s'il est consulté le moment venu,  le peuple se prononce librement", a commenté le président de la République. Il a par contre battu en brèche l'opinion développée par un intervenant qui estimait que certains cadres des partis de la majorité présidentielle sont privés de parole dans la Sangha et, au pire, l'objet de menaces :  " Je ne crois pas cela possible au sein de la majorité, alors même que l'opposition s'exprime librement dans le pays".

Sur le phénomène Kata-Kata et ses suites judiciaires, invoquant le principe de la séparation des pouvoirs, Denis Sassou N'Guesso a dit souhaiter que la justice applique la loi, de sorte qu'une personne présumée coupable ne soit pas gardée pendant deux ans en prison sans jugement. Il a aussi déclaré prendre bonne note de l'idée émise par des agriculteurs potentiels du département de voir le gouvernement créer un fonds de soutien à cette activité qui serait  "bancarisé" à Ouesso. Il a indiqué, s'agissant des études désormais disponibles de la Zone économique spéciale de Ouesso, qu'elles seront largement vulgarisées en temps opportun.

Petites gouttes d'eau qui peuvent déborder les vases en ces instants d'échanges collectifs où chacun profite de la présence du père de la nation pour poser ses soucis personnels : deux intervenants notamment ont, le premier, demandé au président de la République de l'aider à construire une maison sur sa parcelle de terrain acquise de longue date. La maison pourrait s'appeler "résidence Denis Sassou N'Guesso", plaidait ce dernier. " Une affaire entre nous deux" a plaisanté le chef de l'État qui pourrait avoir répondu favorablement à la sollicitation. Un autre l'informait de la naissance dans sa famille d'un enfant de sexe masculin le jour même de son arrivée à Ouesso, le 12 mai, et qu'il a prénommé Saint-Denis : " J'avais été mis au courant du même type de nouvelles au Burkina Faso, sous le président Thomas Sankara, et en Afrique du Sud où de nombreux enfants portent mon nom. Je ne peux que vous en remercier".

À 19 heures 48 minutes exactement, la rencontre citoyenne s'achevait sur cette conclusion du chef de l'État, qui se disait fier d'appartenir à une génération de Congolais qui ont apporté leur pierre à la construction de la nation. Symbole de ce témoignage, parmi tant d'autres, le ralliement désormais possible, par route, de Pointe-Noire, dans l'extrême sud et de Ouesso dans l'extrême nord du Congo.

 

Gankama N'Siah

Légendes et crédits photo : 

1- Denis Sassou N'Guesso s"adressant aux forces vives du département de la Sangha; 2- Plusieurs intervenants ont alimenté le débat par leurs questions au chef de l'Etat; 3- Des participants à la rencontre citoyenne

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