COP21. Tosi Mpanu Mpanu : « Le processus est un peu vicié car les parties ne se font plus confiance »

Jeudi 12 Novembre 2015 - 15:00

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Ancien négociateur en chef du Groupe Afrique,  Tosi Mpanu Mpanu sera à la tête  du groupe des pays les moins avancés à partir de janvier 2016. L’actuel négociateur de la RDC explique les différentes thématiques liées au processus de négociation sur la question du changement climatique.  

Les Dépêches de Brazzaville : Quels sont les enjeux de la COP21 pour l’Afrique en général et la RDC en particulier ?

Tosi Mpanu Mpanu : Le mandat sous lequel nous négocions actuellement est celui de la plate-forme de Durban pour une action renforcée vis-à-vis du climat, adopté lors du sommet de Durban en décembre 2011. Il a pour objectif de négocier un protocole, un autre instrument juridique ou un accord négocié et applicable à tous sous la convention cadre. L’accord auquel on doit arriver porte sur six éléments : l’atténuation, c’est-à-dire la réduction des gaz à effet de serre ; l’adaptation aux effets néfastes du changement climatique ; les moyens de mise en œuvre relatifs au financement ; le développement et le transfert des technologies, le renforcement des capacités et la transparence dans ses deux dimensions :  évaluer les actions que les uns et les autres mettent en œuvre pour connaître effectivement quels efforts ont été entrepris pour lutter contre le réchauffement climatique et la transparence du soutien, car il faut qu’on s’assure des moyens de ce que les pays développés mettent à la disposition des pays en développement. A Paris, les pays africains doivent s’assurer qu’on arrive à un accord inclusif qui soit ambitieux et qui porte sur ces six éléments. On ne veut pas que ce soit un accord qui fasse juste la part belle à l’atténuation. Nous souhaitons un accord équilibré. C’est la piste 1 des négociations. La deuxième piste de négociation est qualifiée de « négociation sur une ambition pré-2020 ». A Paris, nous allons négocier un accord, l’adopter et le signer. Mais commencera un processus de ratification qui prendra plusieurs années. Les Parlements prennent du temps pour ratifier. L’idée est qu’en 2020 l’accord puisse entrer en vigueur après qu’il aura été ratifié par un certain nombre de pays. Mais entre 2015 et 2020, nous ne devons pas rester les bras croisés. Pendant cette période, nous devons rehausser le niveau d’ambition. Il faut que l’on entreprenne déjà des efforts qui feront que lorsque l’on arrivera à 2020, on puisse se retrouver dans une situation où l'on peut faire plus que ce qui avait été prévu. Entre 2015 et 2020 on peut découvrir certaines activités qui pourront nous aider à réduire  les émissions de manière plus ambitieuse et qu’on pourra également peut-être mieux comprendre son économie ou encore mobiliser plus de financement. Cette deuxième piste de négociation doit également être prise en compte à Paris de telle sorte que toutes les options, toutes les politiques et tous les secteurs  à potentiel élevé d’atténuation puissent être explorés.

LDB : vous avez participé à la conférence de Bonn, qui est une sorte de préfiguration de la COP21. Comment se sont déroulées les discussions et quelles sont les grandes options qui ont été levées ?

TMM : La conférence a débuté de manière tumultueuse. Lorsque l’on s’est retrouvé au mois de février à Genève, nous avions produit un texte de 89 pages en anglais et 139 pages en français. Les pays avaient présenté leurs différentes positions, maximalistes ou contradictoires, qui ont été prises en compte dans ce texte qui est en fait un texte martyr. Le document a été produit et traduit dans les six langues des Nations unies pour servir de base légale à l’accord de Paris. Nous avons affiné le texte à Bonn  aux mois de juin, septembre et octobre. Au mois de septembre, nous avions donné mandat aux deux co-présidents du groupe de travail sur la plateforme de Durban de produire un texte. Ce qui a été fait avec la production d’un texte de 9 pages. Un effort louable puisque l’on est passé de 89 pages à 9 pages. Cependant, ce texte était complètement déséquilibré et faisait la part belle aux positions des pays développés et faisait fi de beaucoup de positions fondamentales des pays en développement. Le groupe africain a été le premier à le rejeter et à dire qu’il ne pouvait pas  servir de base d’engagement à la négociation. Le groupe des pays les moins avancés nous a rejoint et ensuite le groupe des 77 plus la Chine qui est un groupe composé de 134 pays au lieu de 78 pays comme on le croirait. On a dû revoir le mode de travail. Nous avons réinséré les positions fondamentales des pays en développement. Les pays développés se sont également prêtés à cet exercice. Nous sommes ainsi passés d’un texte de 9 pages à un document de 34 pages. Ce dernier va servir de document de base à Paris. Ce n’est pas un texte optimal. Il comporte toujours beaucoup d’options politiques. Mais au moins il est équilibré et nous apporte un degré de sérénité.

Quel est l’enjeu majeur pour la RDC ?

L’un des enjeux majeurs pour la RDC est celui du mécanisme de réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation forêts (REDD). Le texte de 9 pages produit au début de la rencontre de Bonn ne contenait aucune option sur la REDD+. La RDC et certains pays détenteurs de forêts tropicales humides ont milité pour l’insertion des dispositions qui en tiennent compte, en sachant que quasiment 20% des émissions globales de gaz à effet de serre proviennent de la déforestation. Donc 20% du problème peuvent représenter 20% de la solution. Pour nous, le mécanisme REDD+, déjà négocié au niveau international, doit également être inscrit dans l’accord.     

LDB : Au regard de multiples divergences qui caractérisent les négociations, on peut dire qu’il n’y aura aucun accord à Paris ?

TMM : nous disposons encore d’un peu de temps pour travailler. Les parties sont effectivement un peu à couteaux tirés, il y a encore du temps pour nettoyer le texte des négociations, dégager des options claires et les envoyer aux ministres qui détermineront le reste. Il ne reste plus beaucoup de temps, mais c’est ainsi que fonctionne ce processus. Ce dernier est un peu vicié car les parties ne se font plus confiance. Les négociations multilatérales n’ont jamais fonctionné ainsi. Elles ont toujours fonctionné par petits groupes. On donne un mandat à une personne ou à un petit groupe pour produire un texte à proposer aux parties. Cependant, dans l’actuel processus, la confiance est tellement minée que lorsqu’on a quitté Bonn, les participants ont refusé de redonner un mandat aux co-présidents afin de produire un texte qui soit affiné. Donc on ira à Paris avec ce texte de 34 pages et il faudra que l’on arrive à négocier ensemble.

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Tosi Mpanu Mpanu

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