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Notes de lecture sur l’ouvrage de Hugues Ngouélondélé

Jeudi 1 Décembre 2016 - 17:45

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La mutation de la démocratie monopartite vers la démocratie multipartite a mis sur la colonne d’observation, un certain nombre de camarades dont nous autres. Réveillé à la faveur de la publication de l’excellent ouvrage de Hugues Ngouélondélé, nous avons tenu à partager dans les lignes qui suivent, nos notes de lecture.

1991, l’on ne se souvient, est la pire des années du PCT (Parti congolais du travail). Dégarni des 2/3 de ses membres à la faveur de l’ouverture démocratique, le PCT n’était plus que l’ombre de lui-même. Il ne devra sa survie que grâce à la personnalité d’un homme, Denis Sassou N’Guesso, qui, resté seul à bord, a eu à assumer avec obstination, les belles et sombres pages des années monopartites. Humilié et mis à l’indexe par une classe de cadres oublieuse au cours de la Conférence nationale souveraine, Denis Sassou N’Guesso est demeuré imperturbable et fidèle aux idéaux du PCT et de la raison d’Etat.  

Même contre l’avis de son directeur de cabinet Basile Ikouébé qui tenait à tout prix à verser sur « l’injuroir » de la Conférence nationale, des dossiers sulfureux de certains anciens compagnons qui avaient quitté la barque pour se refaire une nouvelle virginité autour de leurs leaders ethnocentriques, la position de Denis Sassou N’Guesso n’a point varié. De retour aux affaires en 1997, il fallut bannir la peur et la vengeance, rassembler au-delà du cercle des vainqueurs de la guerre, transformer la victoire militaire en victoire politique, ratisser large pour que le PCT recouvre son leadership politique et sa vocation de « mère des partis ».

Avec quel type de militants, le PCT est-il revenu en surface ? C’est à cette question taboue que Hugues Ngouélondélé tente de répondre dans son ouvrage. On convient avec l’auteur que le nouvel ordre du militantisme actuel est calibré sur des billets de banque par opposition au Mono qui vit l’éclosion d’une dynamique de militants sobres, rouges, désintéressés, engagés, mobilisables en toutes circonstances de temps et de lieu. C’est hélas cette vérité implacable qui détermine le militantisme post-conflit. Le PCT, tout comme d’autres partis, seraient-ils capables de mobiliser des militants demain, sans feuilles colorées ?

Et si des réflexions pertinentes et courageuses comme celles de Hugues Ngouélondélé ne sont pas prises en compte ici et maintenant, le PCT n’est pas à l’abri d’une deuxième année noire dans l’avenir, si d’aventure Denis Sassou N’Guesso n’était plus aux commandes. Ayant intériorisé le cri du président du PCT qui selon toute vraisemblance, serait lui aussi opposé au militantisme « d’escorte », Hugues Ngouélondélé a tenu à anticiper, à stigmatiser le contentement et l’exceptionnelle duplicité qui commandent le militantisme d’escorte, pour permettre au parti de s’approprier ce vieux débat longtemps éludé. Lorsqu’on a une certaine idée plus noble de son Parti, l’on ne peut qu’être frustré par une mobilisation qui prend appui sur des militants d’escorte et non de cœur.  Le défi d’un parti qui a près d’un demi-siècle d’existence est de servir de miroir aux autres partis, car le contexte du multipartisme aujourd’hui et demain demeure celui d’un espace compétitif qui exige un nouveau logiciel de mobilisation et de responsabilité.

Dans ce même ordre d’idées, le lecteur est également frappé par la similitude de pensée avec Marien Ngouabi, père et devancier de l’auteur, dont le célèbre ouvrage « Rectifions notre style de travail » a constitué un excellent traité de critique et d’organisation du parti.  Lorsque l’on interroge Hugues s’il a « plagiaté » l’ouvrage de Marien Ngouabi, il répond vivement n’avoir jamais pris connaissance de cet ouvrage.  En effet, la tonalité et la pertinence de l’ouvrage renvoient à celui que Marien Ngouabi a produit quarante ans auparavant. Et si l’on repart au discours du président Denis Sassou N’Guesso lors du troisième congrès ordinaire du Parti, on retrouve la même pertinence d’analyse soutenue par Hugues Ngouélondélé.

L’ouvrage de Hugues nous replonge dans notre passé de fervent militant critique qui nous amena à nous interroger à l’époque, comme lui aujourd’hui, sur le but du PCT, au travers d’une réflexion intitulée « Pourquoi faisons-nous la révolution » ?  A travers cet écrit, nous étions déçus de la manière dont les camarades animaient le PCT. Si aujourd’hui, Hugues Ngouélondélé repose ce même problème, c’est que le malaise persiste. Plutôt que de rougir et de se livrer à des fixations, les dirigeants et les militants du PCT qui sont restés à l’ouvrage, devraient saisir cette occasion pour recadrer le style de mobilisation, d’organisation et de gestion plus rationnelle du PCT dans le contexte du multipartisme, car comme le conclut l’auteur, il y va de sa survie.

 

Jean-Marie Melphon Kamba

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Édition Quotidienne (DB)

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