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Le Pape François face à la Curie romaine

Lundi 26 Décembre 2016 - 17:11

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L'on savait dès son élévation sur le trône de Pierre, il y a trois ans, que le successeur de Benoit XVI, un père de la Compagnie de Jésus venu du grand Sud, serait tout sauf un Pape voué au seul débat théologique, à la défense de la plus ancienne religion monothéiste, à l’illustration des principes énoncés par le Christ il y a deux mille ans. Mais peu nombreux étaient ceux qui, dans les instances dirigeantes de l'Eglise catholique, imaginaient que le Pape François s'emploierait comme il le fait aujourd'hui, avec autant de force que de méthode, à mettre de l'ordre dans le gouvernement du Vatican en attaquant de front la très puissante Curie romaine.

Or, nous en avons eu une nouvelle preuve jeudi lorsque le Pape a offert ses vœux à la Curie dans le cadre historique et prestigieux de la Salle Clémentine, le temps des idées est sinon révolu, du moins rattrapé par le temps de l'action.

Avec une double  priorité que l'on peut ainsi résumer :

° Premièrement, donner plus de place aux laïcs dans la gouvernance de l'Eglise, développer une vision multiculturelle en donnant plus de responsabilités aux prêtres et aux évêques issus des autres continents que l’Europe, valoriser le rôle de la femme dans les différentes instances de l'Eglise, autrement dit adapter celles-ci aux réalités du temps présent.

° Deuxièmement, réformer la Curie romaine en réduisant le poids des prélats italiens qui la dominent depuis le Moyen-Age, en l'ouvrant plus largement vers le tiers-monde notamment l'Afrique et l'Amérique latine, en fusionnant plusieurs conseils pontificaux et surtout en écartant les prélats qui s'opposent à ces changements au sein même de la Curie.

Pour ceux et celles qui connaissent les arcanes de l'Eglise catholique, la position du Pape François n'a rien de surprenant. Elle s'inscrit, en effet, dans un processus de rénovation, ou plutôt, de modernisation qui a débuté il y a près de dix ans et qui s'est traduit dans des propos ou dans des livres dont nous avons rendu compte ici même à maintes reprises. Mais la vigueur qu'elle prend ces temps-ci et que traduit le discours sans concession prononcé en fin de semaine dernière par le Souverain Pontife devant la Curie rassemblée au Vatican semble indiquer que le mouvement s'accélère. Avec comme conséquence que de profonds changements pourraient s'opérer au cœur même de la gouvernance catholique ainsi qu’en témoigne l'extrait suivant du discours du Pape publié dès vendredi matin par le quotidien La Croix.

" Sur ce chemin il est normal et même salutaire de rencontrer des difficultés qui, dans le cas de la réforme, peuvent être présentées selon divers types de résistance : résistances ouvertes naissant souvent de la bonne volonté, du dialogue sincère ; résistances  cachées naissant de cœurs  effrayés ou pétrifiés se nourrissant des mots vides du guépardisme spirituel de celui qui dit qu'il est prêt à changer mais veut que tout reste comme avant ; résistances malveillantes germant dans des esprits déformés et se présentant quand le diable inspire de mauvaises intentions (souvent "en habits de brebis"). Ce dernier type de résistance se cache derrière les paroles justificatrices et, dans de nombreux cas, accusatoires, se réfugiant dans les traditions, dans les apparences, dans les formalités, dans le connu, ou en voulant transporter tout sur la personne sans distinguer entre l'acte, l'acteur et l'action".

Si l'on y réfléchit bien, tout est dit dans ces quelques phrases. Notamment le fait que le Pape François ira jusqu'au bout de la ligne qu'il s'est tracée dès son élection, quitte à suivre la voie ouverte par son prédécesseur Benoît XVI en renonçant à ses fonctions lorsque la réforme de la Curie sera devenue effective comme le bruit court dans les couloirs du Vatican. Rien, aujourd'hui, n'interdit de penser que dans le même temps où il jette toutes ses forces dans la bataille de la gouvernance de l'Eglise le premier Pape jésuite de la longue et tumultueuse histoire du catholicisme prépare sa propre succession.

Avec peut-être en perspective le projet que son propre successeur soit issu de l’Afrique qui s’impose au fil du temps comme la première communauté chrétienne de la planète.

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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