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Si la guerre éclate en Gambie

Samedi 14 Janvier 2017 - 13:15

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L’Afrique de l’Ouest est sur le qui-vive. Et pour cause: la guerre risque d’éclater en Gambie. Une guerre civile à impact régional certain quand on observe la mobilisation unanime des pays qui l'entourent contre un éventuel retour en arrière antidémocratique à Banjul.

Petit Etat de 11 300 km2, 1 760 000 habitants, accessible par l’Atlantique mais emboîté dans le territoire du Sénégal, son grand voisin, la Gambie n'en est pas moins liée par les règles qui régissent la CEDEAO( Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest). Par le passé, cette organisation a montré combien elle était opposée à l'exercice ou l'accession au pouvoir par des moyens non-démocratiques. Mais le fait que Dakar pressente à prendre la tête de l’expédition punitive contre l’humeur récalcitrante des autorités sortantes gambiennes peut être un danger pour les populations des deux pays en cas de conflit armé.

On se préparait pourtant à vivre une passation des pouvoirs tranquille en Gambie, le 19 janvier prochain. Au terme de la présidentielle du 1er décembre 2016, Yahya Jammeh, le président sortant, avait en effet félicité le vainqueur et lui souhaitait bonne chance pour la suite. Avant de reconsidérer sa décision, donnant du grain à moudre à ceux qui, de par le vaste monde, n’ont de l’Afrique que l’image d’une terre abonnée aux anachronismes médiévaux. Ils ont de quoi exulter.

A cette même place, les jours qui suivirent la déclaration évoquée plus haut, pour saluer sa bonne intention, nous tirions presque à boulets rouges sur des « donneurs de leçons » en écrivant ce qui suit : « Après 22 ans de pouvoir, le président Yahya Jammeh a été battu à la régulière par son opposant, Adama Barrow. Il a aussitôt appelé ce dernier pour lui souhaiter bonne chance. A moins de redouter un incroyable retournement de situation, la preuve est donnée que l’Afrique est parfois diabolisée par procuration ».

Au demeurant, et chacun a pu le constater, certains en Gambie, ont voulu confondre vitesse et précipitation. En particulier dans le camp du gagnant de l’élection. Ce n’est pas pour reprocher à ceux dont les suffrages populaires ont porté chance de jubiler, mais une avalanche de déclarations plus ou moins tapageuses et ceux qui les tenaient se trompaient d’analyse. Presque de contexte. Parce que l’Afrique de l’Ouest avait beau produire des alternances citées en exemples, comme d’ailleurs partout sur le continent, il est des endroits où les chocs post-électoraux ont été violents, les transitions chaotiques. La Côte d’Ivoire, à elle toute seule, a constitué ce cas de figure en 2010, même si par la suite les nouvelles autorités ont fait preuve de beaucoup de tact pour amorcer une difficile réconciliation nationale et préserver la stabilité du pays.

Peut-être que si la victoire ne les avait pas un peu obnubilés, les proches du vainqueur de la présidentielle gambienne allaient prendre en compte le fait qu’au bout de 22 ans d’un régime admis comme autoritaire, leur pays avait enfin la chance d’en sortir. La meilleure méthode aurait sans doute été d’accompagner le régime sortant, non pas en la décorant de la légion d’honneur, mais en lui montrant la voie de sortie, pas celle qui le conduirait le jour même à la Cour pénale internationale. Agité comme un épouvantail, cet avertissement contre les sortants a dû les raidir, avant de les radicaliser. D’où les allers et venues des dirigeants de la sous-région ouest-africaine entre leurs capitales respectives et Banjul pour conduire une hypothétique médiation. La tentative de vendredi, 14 janvier, tout comme la précédente a échoué, donnant lieu aux premiers déplacements de populations gambiennes apeurées vers les pays voisins.

Pour tout dire, le bras de fer dans lequel s’engage le perdant de la présidentielle en Gambie n’est pas une option de salut. Il pourrait, pour lui et ses proches, se transformer en un quitte-sommeil, un quitte-énergie, un quitte-fortune. Yahya Jammeh devrait plutôt profiter de cette apparente position de force que lui confère la sollicitude de ses futurs ex-homologues venus à deux reprises le rencontrer chez lui, pour obtenir de l’équipe entrante d’Adama Barrow des garanties de tranquillité après le passage du témoin. Dans des pays encore fragiles comme les nôtres, les transitions démocratiques qui réussissent sont en effet aussi celles où les chefs d’Etat sortants ne sont pas traités comme des pestiférés. C’est la partition que doivent jouer les vainqueurs par-dessus-tout. Si d'éventuels médiateurs peuvent aider à un tel couronnement, d'où ils nous observent, les dieux et les peuples n'en demanderaient pas plus. Prions qu'un dernier sursaut des politiques gambiens épargne les populations civiles d'une guerre dont elles ne tireront absolument aucun profit.

Gankama N'Siah

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