En marche certes, mais vers où ?

Le peuple français ayant choisi, hier, de confier pour cinq ans son destin à Emmanuel Macron, la question qui fait le titre de cette Réflexion est posée de façon plus ou moins explicite par tous ceux qui observent avec attention la patrie de Descartes.

Diplomates, intellectuels, analystes, banquiers, acteurs économiques, militaires, agents de renseignements et bien sûr journalistes, tous se demandent comment un nouvel homme d'Etat qui n'a pas encore atteint sa quarantième année, qui n'a pas de véritable expérience politique et qui ne dispose pas d'une majorité claire dans les assemblées parlementaires pourra tenir les rênes d'un pays dont le passé n’a pas cessé d’être émaillé de brutales secousses.

Cette question est d'autant plus logique que le nouveau locataire de l'Elysée va devoir gérer les abcès de toute nature que ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, n'ont su ni prévenir, ni guérir et qui prolifèrent aujourd'hui de façon dangereuse : chômage de masse, surendettement individuel et collectif, tensions sociales, montée des extrémismes, violence urbaine. Prenant la tête d'un pays qui est riche, certes, mais qui se trouve confronté à des problèmes difficiles à résoudre, Emmanuel Macron va devoir faire preuve d’une volonté, d'une imagination, mais surtout d’une compétence extrême dans la gestion des affaires publiques.

La principale difficulté à laquelle il se trouve confronté dès à présent et qu’il devra surmonter tout au long de son mandat présidentiel résulte du fait que n'ayant pas d'assise autre qu’électorale, il va devoir cohabiter avec les puissantes formations politiques qui se disputent le pouvoir en France depuis des décennies : extrême-droite, droite, centre, gauche, extrême-gauche. Et comme son association "En marche" n'a aucune chance de s'imposer lors des élections législatives qui se dérouleront au mois de juin face au Parti socialiste, au Parti des républicains, au Modem centriste, à la France insoumise de Jean-Luc de Mélenchon, au Front National de Marine Le Pen, il sera contraint de cohabiter avec ceux et celles qui se sont opposés à lui tout au long de la campagne présidentielle. Qu'il le veuille ou non il devra donc composer avec des adversaires qui ne lui feront aucun cadeau et qui mettront tout en œuvre  pour lui imposer leurs idées, leurs programmes, leurs desseins.

Le défi à relever dans un tel contexte est d'autant plus grand, d'autant plus pesant  que la France se trouve aujourd’hui confrontée à des problèmes extérieurs qu'elle est mal armée pour gérer : menace de décomposition de l'Union Européenne, aggravation des tensions en Europe de l'Est, prolifération de l'islamisme radical au Moyen-Orient et en Afrique du nord, incertitudes concernant la politique étrangère des Etats-Unis, menace de crises en Asie,  etc. Il ne pourra l'être que si le nouveau président parvient, d'une part, à convaincre la majorité de la classe politique française de le soutenir durablement - ce qui est loin, très loin d'être gagné dans le moment présent - et, d'autre part, à former un gouvernement tout à la fois cohérent, uni, fidèle.

C'est précisément sur ce deuxième terrain qu'Emmanuel Macron peut le mieux se battre aujourd'hui. Les péripéties de la longue, très longue campagne qu'il a dû mener pour convaincre les Français de l'installer à l'Elysée ont montré, en effet, qu'il peut fédérer autour de lui des personnalités capables de gérer les problèmes les plus difficiles. Si, par conséquent, il confie des postes stratégiques à des hommes comme Jean-Yves Le Drian, Hubert Védrines ou Gérard Collomb,  il acquerra vite la stature d'homme d'Etat qu'il n'a pas aujourd'hui. Mais si, par malheur, il se laisse abuser, influencer par des personnages aussi ambitieux et sulfureux que ceux dont ses prédécesseurs avaient fait leurs plus proches conseillers il s’avèrera incapable de remplir le programme ambitieux sur lequel il s’est fait élire.

Conclusion de ce qui précède : les jours à venir décideront du sort de ce quinquennat.