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Du Golfe persique au Golfe de Guinée

Samedi 10 Juin 2017 - 14:49

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Même si rien n’est encore joué, apparemment du moins, l’on ne peut plus exclure qu’un conflit de grande ampleur plonge à brève échéance le Proche et le Moyen-Orient dans le chaos. Au-delà, en effet, de la tension qui règne depuis des décennies entre Israël et ses voisins palestiniens la guerre des religions opposant les Sunnites que conduit l’Arabie Saoudite et les Chiites que dirige de facto l’Iran prend une tournure d’autant plus dangereuse que les Etats-Unis, par la voix de leur président, Donald Trump, ont commis récemment l’erreur de jeter de l’huile sur le feu qui couve dans cette partie du monde.

Dans un semblable contexte la mise à l’écart brutale et inattendue, la semaine dernière, du Qatar par Ryad et ses alliés arabes sonne aux oreilles de la communauté mondiale comme le tocsin, ces coups de cloche répétés et prolongés qui préviennent la population d’un danger imminent. Justifiée par les liens étroits qui existent entre Téhéran et le très riche Emirat, elle indique qu’un recours à la force n’est plus à exclure de la part des puissances qui ambitionnent de dominer directement ou indirectement le Golfe Persique, cette région autrefois isolée que l’exploitation du pétrole et du gaz a propulsé en moins de trente ans sur le devant de la scène économique mondiale.

Pour dire les choses sans détour la guerre civile qui dévaste la Syrie et l’Irak, l’affrontement qui se dessine entre la Turquie et la communauté kurde, le non règlement de la question palestinienne, l’opposition directe de l’Arabie Saoudite et de l’Iran, le conflit qui dévaste le Yémen et le chaos qui a gagné la Libye après l’assassinat de Kadhafi laissent prévoir des dérapages d’une envergure telle que personne ne saura, ne pourra même les prévenir. La juxtaposition de ces crises plongera vraisemblablement le Proche et le Moyen-Orient dans une crise qu’aucune puissance, aussi riche et donc prétentieuse soit-elle, ne saura gérer.

Evoquée ici même à plusieurs reprises ces dernières années la fermeture brutale de la porte d’accès au Golfe Persique que constitue le détroit d’Ormuz parait de plus en plus probable au fur et à mesure que les jours passent. Avec cette conséquence immédiate que l’approvisionnement des grands pays industriels de l’hémisphère nord – Europe, Inde, Chine – en pétrole et en gaz sera brutalement stoppé, ce qui provoquera inévitablement une crise de grande ampleur sur les marchés mondiaux.

Outre le fait que les cours des hydrocarbures flamberont aussitôt cette crise propulsera le Golfe de Guinée et donc l’Afrique centrale  sur le devant de la scène pétrolière et gazière. Elle en fera vraisemblablement l’un des acteurs clés de la scène énergétique mondiale, ce qui explique sans doute pourquoi des compagnies comme Total, Eni ou Chevron s’attachent depuis des années à mettre en exploitation les vastes gisements d’hydrocarbures offshore et on shore que possède cette région ;  ce qui explique aussi pourquoi la Chine, mais aussi de façon moins visible les Etats-Unis et la Russie ont décidé, ou semblent décidés à faire du Bassin du Congo l’une de leurs priorités stratégiques.

D’aucuns diront que ce qui est écrit ici relève du pur phantasme. Peut-être en effet,  mais nous ne saurions trop leur conseiller d’observer avec une grande attention  ce qui se passe, ou ce qui se prépare en Méditerranée orientale, dans le Golfe Persique, en Mer Rouge et dans le Golfe d’Aden. Ils verront alors que toutes les conditions sont aujourd’hui réunies pour que se produise l’une de ces déflagrations que le manque de clairvoyance et  l’irresponsabilité de l’homme n’ont pas cessé de provoquer depuis  le début de l’ère industrielle.

Quitte à se tromper mieux vaut anticiper que subir, prévenir que guérir,  n’est-il pas vrai ?

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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