Feuilleton: Samba De Dieu (13)

Samedi 14 Avril 2018 - 15:44

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Un simple « non » a suffi pour sceller le destin de notre cordonnier national. On se rappellera que c’est à la suite d’un « oui », devant l’autel et le maire, qu’il devint célibataire endurci. La loi des contraires ne vaut pas pour les cordonniers, car son « non » ne lui apporte pas plus de bonheur que le « oui » d’antan devant une dame !

Non ?!!

La dame rouge n’en revenait pas. Etouffait d’une colère contenue. Elle cherchait à comprendre la finesse de cette blague de mauvais goût. Comment pouvait-on répondre « Non » à une offre de travail qui pouvait ouvrir les portes hermétiques de certains milieux ? Mais, surtout, pourquoi non ?
Pourquoi non, et pourquoi non à elle, Madame-la-terreur !
Samba DD la regardait et ne parlait pas. La dame rouge regardait Samba DD et fulminait en silence. Elle n’était pas habituée à parler aux péquenots des environs ni aux pimbêches retraitées. Qu’elle adressât sa parole à de petit merdeux de cordonnier devait être une grâce à inscrire dans les annales ! Cet artisan en guêtre osait lui dire un non sans explication ! C’était plus qu’elle ne pouvait en supporter. De rage folle, elle ramassa ses bottines rouges et les fourra dans une poubelle proche. De rage folle, elle renversa d’un coup de bottines – eh ! oui, elle était chaussée d’une autre paire de bottines rouges - la poubelle innocente qui, comme tous les innocents, se mit à dégorger sans discrétion les restes de poissons qu’on lui avait confiés, mais aussi des épluchures de banane. Et même, ont assuré ensuite quelques honorables témoins de la scène et dignes de foi, des pelures de mangues jaunes. D’ailleurs, ont-ils ajouté pour bien souligner le cocasse de la scène, lorsque quelques badauds effarés coururent aux nouvelles, un noyau de mangue jaune était bel et bien accroché aux lacets des bottes rouges quand on put les sortir de cet étouffoir.

-Une mangue de la variété « Kent » de Loudima ! précisa plus tard quelque fin connaisseur des environs désireux de fournir le tableau le plus complet de la situation.
L’affaire fit jaser, on s’en doute.
Surtout, les habitants du quartier se perdaient en hypothèses  devant cette femme venue faire réparer des bottes rouges - qui étaient presque neuves - et qui s’en était repartie en donnant un grand coup de talon rageur de bottes rouges contre une poubelle qui ne demandait qu’à cuver tranquillement ses œufs de mouches et ses blattes empesées !
- Les temps changent, commentait un vieillard attristé. Comment une « simple » femme peut-elle s’en prendre à une poubelle aux abords d’un marché vénérable et devant un artisan respecté !
Le vieillard affirmait que l’ONU se perdait en discours et en inutiles « jouteries » alors qu’elle devait tout simplement statuer sur les talons rouges : ça occuperait ses si coûteuses sessions !
Le quartier était en effervescence. Il y a celles qui doutaient de la véracité des faits et s’arrangeraient pour provoquer de nouvelles confidences.
-Vous êtes bien sûr qu’elle a donné son coup de talon à la poubelle comme ceci ? Et joignant le geste à la parole, elles bottaient l’arrière-train de leur monsieur, en s’excusant tout aussitôt de ne l’avoir pas fait exprès.
Il y a celles qui plaignaient le cordonnier : pauvre homme obligé de supporter des renversements de poubelles ! Et puis il y eut les philosophes perfides décrétant que, décidément, il devait y avoir quelque chose de louche entre le cordonnier et « la dame rouge ». Parce que, tout de même, on ne renverse pas des poubelles de marché sur un simple non à ressemeler ! Non, il y avait du louche.

 

Nous verrons au prochain épisode que des bottines rouges peuvent avoir un effet néfaste sur la vie d’un cordonnier, surtout si les hauts d’en haut, les grands, s’en mêlent. Bottines, femme, un haut-placé plus quelques commérages : mélange détonnant ! A suivre.

 

Lucien Mpama

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