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Où va l'Europe ?

Samedi 2 Juin 2018 - 20:02

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Personne, bien sûr, ne peut répondre à cette question dans le moment présent où l'Angleterre oscille au seuil du "Brexit", où l'Italie s'enfonce dans une crise politique et institutionnelle sans précédent, où les pays de l'Est comme la Pologne et la Hongrie semblent céder aux sirènes nationalistes, où l'Union européenne elle-même s'avère incapable de mettre de l'ordre dans la puissante machine technocratique à qui elle a commis l'erreur de confier sa gouvernance. Et ce n'est pas l'accord de façade - car il existe entre eux des divergences plus  profondes qu'on ne le croit - affiché par la chancelière allemande, Angela Merkel, et le jeune président français, Emmanuel Macron, qui garantit aujourd'hui qu'une réponse claire lui sera apportée dans les prochains mois.

Nous avons évoqué ce problème à maintes reprises ici même, mais il prend ces temps-ci une telle ampleur qu'il convient d'envisager, sans faux semblant, les conséquences que la décomposition de l'Union européenne pourrait avoir à brève échéance si les vingt-huit pays qui la composent ne s'entendent pas sur l’essentiel comme cela semble très probable. Tout simplement parce que la paix du monde, acquise au sortir de la Deuxième Guerre mondiale lorsque, précisément, les Pères de l'Europe décidèrent de mettre un terme à leurs divisions séculaires en jetant les fondements de la Communauté économique européenne, se trouve aujourd’hui menacée et parce que, manifestement, les mauvais démons ainsi neutralisés sont, hélas !, toujours vivants.

Cette réflexion est d'autant plus nécessaire que la gouvernance mondiale issue des accords de Yalta, en 1945, vole en éclat avec l'apparition, au premier plan de la scène internationale, de puissances comme la Chine et l'Inde qui sont bien décidées à imposer leur loi dans l'espace géopolitique, avec la réapparition de la Russie qui n'entend plus laisser les pays occidentaux dominer la planète, avec l'effacement des Etats-Unis que provoquera inévitablement la stratégie pour le moins hasardeuse de Donald Trump visant à faire de l'isolationnisme économique et diplomatique la clé de sa politique extérieure. Prise dans un tel tourbillon, l'Europe, aussi riche et prospère soit-elle, a peu de chances en vérité de tirer son épingle du jeu si elle ne préserve pas son unité et surtout la cohésion sur laquelle repose sa puissance.

Ce n'est évidemment pas un hasard si les "think tanks" – laboratoires d’idées, cercles de réflexion -  du Vieux continent se penchent aujourd'hui sur ce problème afin d'aider les dirigeants européens à prendre les bonnes décisions dans un contexte aussi difficile et dans un environnement aussi instable. Mais il est très probable qu'à terme plus ou moins rapproché, l'idée s'imposera au noyau dur de l'Europe, autrement dit à l'Allemagne et à la France, que l'Union européenne dans sa forme présente, c'est-à-dire avec vingt-huit Etats peu portés à s'entendre sur l'essentiel, n'est plus viable. Ce qui pourrait déboucher sur la construction d'une communauté dite " à deux vitesses" avec, d'une part, un petit groupe d'Etats décidé à franchir un pas décisif sur la voie de l'unité et, d'autre part, les autres membres de l'Union européenne liés par de simples accords économiques et financiers.

Tout dépendra finalement de la volonté des classes dirigeantes allemandes et françaises et de l'appui qu'elles apporteront à Angela Merkel comme à Emmanuel Macron dans la recherche d'une solution fiable à cette question. Mais tout dépendra aussi de la capacité de ces mêmes classes dirigeantes à franchir le pas décisif sur la voie de l'unité européenne que constituerait la création d'une véritable communauté de défense face à une alliance atlantique (l'Otan) qui bat sérieusement des ailes et que l'isolationnisme américain condamnera inévitablement à plus ou moins brève échéance.

Voyons donc ce qui sortira des tractations officielles et officieuses en cours. 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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