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La nouvelle donne mondiale

Samedi 1 Septembre 2018 - 17:30

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Ce que n'ont manifestement pas compris les Américains, les Européens, voire même les Russes qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, dominaient la sphère internationale, c'est que bien au-delà de la puissance militaire, économique et financière qui était jusqu'à présent perçue comme une donnée stratégique fondamentale, le véritable pouvoir est désormais celui que confère à un Etat le poids de sa population. Autrement dit le nombre et la qualité de ses citoyens, de ses ressortissants à l’étranger, bref, de son capital humain.

La Chine et l'Inde, dira-t-on, n'en avaient pas réellement pris conscience dans les décennies antérieures puisque l'une comme l'autre s'employaient à limiter artificiellement la croissance de sa population. Mais il est clair aujourd'hui qu'elles en font désormais le ressort principal de leur développement à venir. Pour la simple raison qu'en agissant ainsi, elles créent en leur propre sein un marché qui devient incontournable à l'échelle planétaire.

Prenons, pour illustrer ce propos, le cas de la Chine qui réunit cette semaine dans sa capitale, Beijing,  les dirigeants du continent qui sera précisément demain le plus peuplé de la Terre, à savoir l'Afrique. Après s'être replié sur lui-même afin de mettre un terme aux divisions historiques qui en avaient fait une puissance de second ordre et l'avaient livré aux appétits des nations occidentales, l’Empire du Milieu a compris que son poids humain est l'atout principal qu'il peut et doit poser maintenant sur la table du jeu international. S'étant débarrassé d'un système économique fondé sur une idéologie, le marxisme, qui ne pouvait que l'étouffer, il a choisi très judicieusement de jouer à l'échelle mondiale la carte du libéralisme, du capitalisme tout en l’encadrant de façon stricte.

Résultat des courses : en moins de vingt ans, en raison du gigantesque marché que constitue sa population d'un milliard deux cent millions de consommateurs, la Chine est devenue le marché le plus dynamique, le plus attirant de la planète. Ce qui a provoqué deux mouvements de sens apparemment contraires mais qui, en réalité, se conjuguent : d'abord l'afflux vers elle des industriels, des commerçants, des financiers du monde entier en quête de nouveaux débouchés ; ensuite la conquête des marchés extérieurs qui se traduit, en Europe, en Afrique et en Asie, par une vague d'investissements chinois jamais constatée dans les temps antérieurs.

Alors que débute à Beijing le Sommet Chine-Afrique qui donnera un contenu très concret au programme ambitieux de « La ceinture et la route" conduit par son président Xi Jinping, le rapprochement de l'Afrique et de la Chine donne une idée précise de ce que sera demain l'économie mondiale. Dès lors, en effet, que des liens étroits et durables s’établiront entre ces deux communautés humaines, c'est un marché de plus de trois milliards d'êtres humains qui s'organisera à l'échéance de quelques décennies. Autrement dit le tiers de l'espèce humaine.

Ajoutons à ce qui précède que si l'Inde s'emploie à son tour, comme c'est très probable, à nouer des relations étroites avec l'Afrique comme le fait la Chine dans le moment présent, c'est plus de la moitié de l'espèce humaine qui se trouvera concernée par le changement économique majeur dont nous voyons aujourd'hui surgir les prémisses.

Pour conclure provisoirement sur le sujet, disons que, visiblement, les puissances qui dominaient la scène économique et financière mondiale depuis le début de l'ère industrielle, il y a donc près de deux siècles, n'ont pas pris la mesure de cette nouvelle donne mondiale. Si c'était le cas, elles se préoccuperaient, en effet, de modifier dès à présent la gouvernance issue de la Seconde Guerre mondiale afin de l’adapter à cette réalité, ce qui n'est évidemment pas le cas. Une erreur qui pourrait bien leur coûter très cher en termes d’influence et de profit dans les décennies à venir.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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