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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : la rentrée des classes

Vendredi 5 Octobre 2018 - 19:43

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La rentrée des classes était un moment extraordinaire. Moins aujourd’hui. Au moment de l’indépendance, deux types d’écoles avaient cours au Congo : l’école laïque et l’école confessionnelle. Toutes les écoles confessionnelles passèrent sous le giron laïc en 1965, suite à la nationalisation de l’enseignement. Cet édifice chancelant fut chamboulé par la Conférence nationale souveraine qui réhabilita l’enseignement confessionnel et institua le principe de l’école privée, autre que confessionnelle. Catastrophe. On n’a pas encore évalué les méfaits de cette Conférence nationale souveraine. C’est peu dire qu’elle s’est souvent trompée. N’importe quel quidam devint promoteur d’école. Et les établissements privés fleurirent sur toute l’étendue du territoire national. La déconfiture de l’école publique, débutée au seuil des années 70 du siècle dernier, avec l’école du peuple, s’accéléra brutalement. Les enseignants, émargeant au budget de l’Etat, firent «l’école buissonnière » et se mirent au service des promoteurs privés sans être inquiétés le moins du monde, dans un pays où la sanction a rendu l’âme depuis longtemps.

L’Etat est mort, vive l’Etat. Sans Etat, pas de rigueur. D’où, la nécessité de sa restauration. Paradoxe quand tu nous tiens ! À quelques jours des 60 ans de la République, peu de ministères ont des bilans satisfaisants à faire valoir. Certains ministres et certains députés, préoccupés par leur reconduction aux postes qu’ils occupent, à l’approche de la rentrée, repartent dans leurs villages et deviennent les nouveaux bons samaritains, donnant à profusion des sacs, des cahiers et autres stylos, oubliant qu’ils sont des ministres de la République et des députés nationaux. Au demeurant, ce n’est pas leur rôle de se substituer à l’Etat. Ce qui confère à leurs actions un pathétisme affligeant. Ces actions nourrissent le communautarisme et le repli identitaire. C’est la preuve qu’ils ne sont pas pénétrés de l’intérêt général et qu’ils mettent leur énergie à satisfaire leurs petites ambitions nourries d’un grégarisme bestial. Cette propension démiurgique se heurte à la difficulté des tâches à faire et des besoins à satisfaire. Car, en réalité, leur saupoudrage ponctuel ne peut cacher les limites de leur capacité à régler les problèmes de la multitude. C’est un autre sujet.

On attend des uns, les ministres, des actions de portée générale, et des autres, les députés, un contrôle drastique de l’action gouvernementale et le vote de lois émancipatrices. Au lieu de quoi, mal inspirés, ils se livrent à des facéties pour distraire le chaland. Le Congo gagnerait à avoir des ministres et des députés mus par une ambition nationale qu’ils transformeraient en actions performantes pour le bien-être général.

Le ministère de l’enseignement vient de publier la liste des établissements sommés de fermer en 2019. Une école, ce n’est pas une maison d’habitation transformée en salles de classe ; sans préau, sans cour de récréation, sans infrastructures pour la pratique du sport, etc., autant de lacunes qui disqualifient ces endroits pompeusement appelés « écoles ». Peu, en réalité, répondent aux normes minimales qui fondent un établissement scolaire.

C’est un crève-cœur de constater que l’école vit désormais d’expédients au lieu d’une vraie politique de remise en ordre. Dans les classes, à mon époque, on venait de tous les coins de la République sans références sociales en bandoulière. Il existe, aujourd’hui, au sein de l’école privée, une discrimination par l’argent qui est contraire à l’esprit de l’école laïque qui a permis à des gens de familles modestes de tutoyer, des années après, le sommet de la hiérarchie sociale. L’école était un lieu de contacts. Aujourd’hui, enfants de « riches » et enfants de « pauvres » ne se croisent plus à l’école comme hier. Les premiers sont désormais scolarisés dans des écoles privées prestigieuses, aux coûts exorbitants, et les autres dans celles qui le sont moins. Les premiers sont envoyés plus tard en Europe ou aux Etats-Unis, les autres se battent à l’Université Marien- Ngouabi, à coup d’années scolaires tronquées, ou, faute de mieux, se débrouillent dans quelques instituts des pays voisins sur le continent. C’est la triste réalité.

L’école publique ou confessionnelle de mon époque a été un puissant lieu de brassage. Ce brassage qui a fait de Poto-Poto un bel exemple de cosmopolitisme à travers le fameux « mwana Poto-Poto »,  expression archétypale du vivre ensemble et réalité quotidienne, qui fonde l’identité des enfants de ce quartier au destin commun, être de Poto-Poto. Il est regrettable de constater que cette culture s’ébrèche régulièrement, d’autant que de nombreux enfants de Poto-Poto ont émigré vers les nouveaux quartiers qui forment dorénavant le nouveau Brazzaville, et que l’école ne joue plus son rôle de formatage du citoyen. L’échec scolaire est dramatique dans ce quartier où prospèrent désormais les « bébés noirs » et autres « kulunas », ces sans-desseins qui terrorisent les paisibles citoyens. L’école a véritablement failli.

Au moment de la rentrée des classes 2018-2019, voilà un véritable sujet de dialogue citoyen. Mais, ce qui intéresse les politiciens, c’est le dialogue « partage du gâteau national », expression honteuse et exécrable. Aujourd’hui, ce ne sont pas les sujets de dialogue qui manquent. Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

 

 

Mfumu

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