Union africaine : l’organisation se veut autonome

Mardi 23 Octobre 2018 - 17:48

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Le sommet extraordinaire qui se tiendra en novembre à Addis Abeba, en Éthiopie, aura en ligne de mire l’évaluation des réformes de l’institution panafricaine, notamment le financement et la gouvernance.

Après le sommet dédié à la Zone de libre-échange continentale africaine, le nouveau sera essentiellement axé sur la réforme de l’Union africaine (UA). Au nombre des enjeux, l’indépendance financière de cette organisation car son fonctionnement est fortement dépendant des bailleurs de fonds étrangers.  En 2017, ses Etats membres n’ont financé que 17% de son budget. Cette part, encore plus faible en 2012, représentait seulement 3% du budget. Or, le continent ne peut pas être indépendant tout en restant dépendant des bailleurs de fonds pour le fonctionnement de ses institutions.

Afin d’assurer son autonomie, Paul Kagame,  président en exercice de l’UA, a été chargé en 2016 par ses pairs de réfléchir sur un mode de financement. La « taxe Kagame », appelée aussi « taxe Kaberuka », était la solution préconisée par la commission qu’il dirigeait. Il s’agit d’une taxe de 0,2% prélevée par chaque pays membre sur ses importations de produits non africains. Selon les estimations, cette taxe devrait procurer entre neuf cent soixante-dix et mille deux cents millions d’euros. Grâce à ce montant, le principe de financement à 100% de l’UA par les États membres est acquis avec 75% destinés aux programmes de l’organisation et 25% pour le fonds de la paix et sécurité. Seulement, la « taxe Kagame » est loin de faire l’unanimité.

En effet, lors du sommet de l’UA à Nouakchott, vingt-trois pays membres avaient commencé à mettre en place cette taxe et treize autres ont effectivement commencé à collecter des fonds. C’est dire que la majorité des pays du continent reste réticente à l’application de la taxe, notamment ceux qui ont des factures d’importation élevées. C’est le cas notamment de l’Afrique du Sud, de l’Angola, de l’Algérie, de l’Égypte et du Nigeria, alors que 48% du budget de l’UA dépend des contributions de cinq États. Ces pays qui sont de très gros importateurs de biens fabriqués hors du continent évoquent plusieurs raisons pour justifier leur réticence à la « taxe Kagame », entre autres, les règles de l’Organisation mondiale du commerce et des contraintes réglementaires les empêchant de financer des institutions par des taxes.

Mais la principale raison non avouée par les pays réticents demeure bien évidemment le montant que ces pays débourseraient comme contribution au budget de l’UA. À titre d’exemple, l’Afrique du Sud qui a importé quatre-vingt-douze milliards de dollars en 2016, en considérant que 20% de ses importations provenaient des autres pays et/ou des produits exclus de la taxe, le pays devrait supporter une contribution à hauteur de cent quarante-cinq millions de dollars, soit un différentiel de cent vingt-cinq millions de dollars par rapport à sa participation actuellement de 20,4 million de dollars.

Cependant, cette taxe risque d’accroître les inégalités en matière de contribution au budget de l’institution panafricaine. La réforme propose aussi l’augmentation des contributions de tous les pays membres.  Les plus petits contributeurs se voient fixer un niveau de contribution plancher de deux cent mille dollars. En outre, pour finir avec les retards de paiement, le rapport de Kagame compte instituer des sanctions plus sévères : suspension de la participation aux sommets de l’UA, exclusion des bureaux des organes de l’institution, etc.

Outre le financement, le volet de la gouvernance visant à améliorer le fonctionnement de l’organisation figure en bonne place dans les réformes de l’institution. Concernant les instances de l’UA, les chefs d’État africains élisent le président de la commission, son vice-président et chacun des huit commissaires. Seulement, étant élu par le président de la commission au même titre que celui-ci, ce dernier perd son autorité sur les commissaires. Face à cette situation, les chefs d’État avaient proposé, en juillet 2017, que le vice-président et les huit commissaires soient nommés par le président de la commission. Une proposition qui ne fait pas l’unanimité. Certains proposent que le vice-président et les commissaires continuent à être élus par les chefs d’État mais que le président de la commission se charge des affectations des portefeuilles avec la possibilité de démettre les commissaires. Ce point risque d’être âprement débattu lors de la rencontre de novembre qui mettra aux prises pouvoir, grandeur d’esprit, autorité, désir d’avancer, afin améliorer l’efficience de l’institution. Ainsi, convaincre tous les pays africains à adopter la « taxe Kagame » et pousser les chefs d’État à céder une partie de leur pouvoir au président de la commission est un enjeu de taille pour gagner l’autonomie de l’UA, encore mieux garantir l’avenir du continent.

Josiane Mambou Loukoula

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